Bonjour,
Je devais écrire un bilan critique de la grève à l'UdeM pour le prochain Ultimatum. Ce bilan a été refusé.
Pendant ce temps, je lis encore sur le forum que le dégel n'a pas levé les masses étudiantes, alors que c'est sur la question de la gratuité scolaire que l'ASSÉ a mis le plus d'énergie. Difficile de moins reconnaître ses erreurs.
C'est pour cette raison que je reproduis ici l'article que j'avais écrit, et un échange de courriel entre Christian Pépin et moi-même.
Bilan critique de la grève à l'UdeM
L'Université de Montréal est l'un des deux seuls établissements scolaires à avoir vécu une grève illimitée pour s'opposer au récent et imposant dégel des droits de scolarité. Or, cette université est loin d'être reconnue comme une institution facilement mobilisable. Et la grève qu'elle a vécu est malheureusement restée marginale, sans force réelle. Regroupant moins de 2000 étudiant-es, elle n'a duré pour la plupart des associations étudiantes à peine trois semaines. Il existe plusieurs explications à cet état de fait.
Tout d'abord, d'un point de vue interne, il faut noter que c'est un comité de mobilisation relativement nouveau qui a tenté de provoquer un mouvement de grève à l'UdeM. Ce comité, qui a connu son envol à l'automne, est parvenu durant l'hiver à faire du travail relativement de qualité, avec peu de moyens. Plus d'une dizaine de militants se sont démenés pour populariser de la grève. Plusieurs affiches ont été produites, et un bulletin d'information correct a été distribué à plusieurs milliers de copies. Cependant, ce travail ne pouvait être suffisant. Le campus de l'UdeM est en effet séparé en 82 petites associations étudiantes distinctes. Face à de telles structures, le dédoublement de travail est tel qu'il devient pratiquement impossible de mobiliser l'ensemble du campus. Les assemblées générales sont rares. La plupart des exécutants se présentent aux élections pour se faire des ami-es et faire rouler une association étudiante en organisant des partys, des matchs sportifs et des initiations. La FAÉCUM, qui regroupe l'ensemble de ces associations départementales, est clairement alignée sur les positions du Parti québécois et n'a rien organisé pour lutter contre le dégel, s'opposant à la grève. Sans aucun appui de l'esthablishment, le comité de mobilisation se faisait enlever ses affiches par l'administration pendant que la FAÉCUM refusait, contrairement à ses propres politiques, de les apposer sur ses babillards. Par ailleurs, nous perdions nos journées à l'AFESH pour imprimer gratuitement des documents d'informations que la FAÉCUM ne voulait pas nous imprimer.
Dans tous les cas, les associations étudiantes de l'Université de Montréal ne pouvaient pas parvenir seules à empêcher le dégel. Au niveau national, la situation n'était pas rose. Le Parti communiste révolutionnaire, d'obédience maoiste, appelait ses jeunes militants à investir l'ASSÉ, comme «vecteur de radicalisation réformiste et inhibiteur de l’agitation révolutionnaire». Son influence sur l'un des seuls syndicats démocratiques de gauche au Québec fut manifeste. Lors de son dernier congrès du printemps 2007, l'ASSÉ ne tint pas en compte la montée de la droite et l'évolution de la lutte de classe. Alors que le gouvernement attaquait férocement les acquis des étudiant-es, elle choisit de n'insister que faiblement sur la question du dégel pour maintenir sa campagne moche «Pour un réinvestissement pas n'importe comment!» Les sondages de l'époque indiquaient que l'appui à la gratuité scolaire ne dépassait pas les 5%. Or, dans un Québec de plus en plus individualiste, sous les recommandations à peine voilée du PCR, on croyait parvenir à créer un mouvement de grève générale illimitée sur la question de la gratuité. L'échec était prévisible. Au début de la rentrée, le matériel de mobilisation n'était même pas prêt. Lorsque les revues de l'Ultimatum sont sorties, certaines pages étaient illisibles tellement le graphisme était de mauvaise qualité. Lors des tournées des établissements scolaires, les militant-es de l'ASSÉ n'hésitèrent pas à mentir effrontément aux étudiant-es, en leur faisant accroire qu'une grève était sur le point de débuter, alors que tout indiquait le contraire. En novembre 2007, l'ASSÉ change ses revendications, reporte la campagne de grève, mais le mal était fait. Certains cégeps étaient brûlés et ne pouvaient plus mobiliser pour une campagne de gréve illimitée. Mais ce que l'on peut retenir de l'hiver 2008, c'est que la majorité des associations étudiantes de l'ASSÉ ont tout simplement abadonné toute forme de campagne de grève, ne se préoccupant pas des autres associations étudiantes qui suivaient le plan de match formulé en novembre 2007. L'échec a été officialisé par l'ASSÉ au courant du mois de février, en pleine grève à l'UQAM.
Malgré tout, la campagne de grève à l'Université de Montréal peut appoter au mouvement étudiant son lot d'enseignements. Nous pouvons certes apprendre de nos erreurs, mais nous pouvons aussi retenir certains bons coups. Alors que l'AFESH et l'association étudiante du cégep de Maisonneuve ont pu nous fournir de très belles affiches, nous avons pu aussi compter sur notre propre matériel qui comprenait des articles et des affiches de qualité. Mais surtout, alors que la grève avait débuté et que les militant-es du comité de mobilisation n'avaient plus d'énergie, ce sont des étudiant-es ayant voté la grève qui se sont engagés et qui ont mis toute leur énergie. Des conseils de grève presque aussi populeux que ceux de l'UQAM avaient lieu tous les jours et comprenaient presqu'uniquement des nouveaux visages. Le travail qu'ont fait ces personnes, parfois peu politisées, était plus qu'impressionnant. Cela nous indique bien que les gestes du gouvernement Charest provoquaient un mécontentement qui aurait pu être mieux exploiter par les syndicats étudiants de gauche. En somme, avec le dégel, il aurait été possible, si de meilleures décisions avaient été prises, de développer une conscience de classe chez une large part d'étudiant-es, tout en défendant avec succès les acquis des luttes sociales précédentes.