Le mercredi 19 mars 2008
Le Pepsi coulera encore à l'UdeM
Archives La Presse
Tristan Péloquin
La Presse
Dix-sept litres de produits Pepsi par semestre. C'est ce que devait avaler en moyenne chaque étudiant de l'Université de Montréal depuis 1999 pour atteindre les cibles secrètes d'une entente d'exclusivité de 10 ans conclue entre l'établissement et l'embouteilleur. Or, ces «volumes minimaux» étant aujourd'hui inatteignables, le monopole de Pepsi sera prolongé de trois ans. Sans que la multinationale n'ait à verser la moindre redevance.
Le controversé contrat d'exclusivité fixait à 820 000 caisses la quantité minimum de produits Pepsi - boissons gazeuses, jus et bouteilles d'eau - qui devaient être vendus sur le campus en 10 ans. Il rapportait depuis 1999 la rondelette somme de 500 000$ par année à l'Université de Montréal. Du total, quelque 67 000$ était reversé directement à la FAECUM (Fédération des associations étudiantes de l'UdeM), qui en redistribuait 52 000$ à une vingtaine de cafés étudiants, et 15 000$ à l'AGEEFEP (l'Association générale des étudiants de la faculté de l'éducation permanente).
«C'était prévu dans le contrat que l'exclusivité était assurée à Pepsi pendant 10 ans, mais qu'il y aurait une prolongation de trois ans si les objectifs n'étaient pas atteints. L'entente prend fin en 2009; c'est déjà évident que ces objectifs ne seront pas atteints, alors, effectivement le contrat sera prolongé de trois ans» sans redevances, a admis hier la porte-parole de l'université, Sophie Langlois.
En 2003, après deux ans et demi de lutte devant la Commission d'accès à l'information, trois étudiants de sociologie avaient réussi à mettre au grand jour ces détails. À la vue du contrat, l'un d'eux, Pierre-Philippe Lefebvre, s'est immédiatement douté que les objectifs étaient démesurés. «C'était irréaliste. Les cibles étaient calquées sur des contrats semblables signés dans des universités américaines, où la consommation est considérablement plus élevée qu'ici. Nous, on a calculé que ça prendrait 27 ans pour les atteindre à l'Université de Montréal.»
«Dix ans après la signature, on est toujours pris dans une logique de marchandisation de l'éducation, par laquelle Pepsi peut imposer ses décisions à l'Université de Montréal», déplore pour sa part Gabriel Dufour, actuel conseiller à la vie étudiante à l'association de sociologie.
Une autre clause du contrat forçait la création d'un «comité de marketing», où siégeaient Pepsi, l'Université, la FAECUM et l'AGEEFEP. Son but était de «développer des programmes qui garantiront le bénéfice de toutes les parties en présence». En dépit de cette obligation, la FAECUM assure cependant n'avoir jamais fait de zèle pour mousser les ventes de produits Pepsi sur le campus.
Aujourd'hui, si tout était à refaire, la fédération étudiante hésiterait-elle à signer un tel contrat? «Je ne saurais pas dire. Chose certaine, on ne se doutait pas qu'il y aurait autant de grogne», a reconnu la secrétaire générale, Julie Bouchard.