Qui sont les vrais éteignoirs?

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Qui sont les vrais éteignoirs?

Messagede L.-P. le Mer Nov 28, 2007 1:21 am

Petit rappel sur les éteignoirs:
Cet essai, écrit par un de nos profs à FX (assez réac, le dude) traite de l'anti-capitalisme au Québec et du nonisme (habitude qu'on aurait à dire «non», en tant que QuébécoisES, à tous les beaux projets qui font avancer le Québec tels que Rabaska, la hausse des frais de scolarité, ...)

Voici un extrait de texte trouvé sur vigile.net, juste pour que vous puissiez dresser un portrait de ce sinistre personnage:

Marc Simard - L’auteur enseigne l’histoire au Collège François-Xavier-Garneau. Ce texte est extrait de son livre Les éteignoirs - Essai sur le nonisme et l’anticapitalisme au Québec, publié aux Éditions Voix Parallèles. L’ouvrage sera en librairie la semaine prochaine. ***

Le climat idéologique actuel est, comme le déplorent plusieurs politiciens, entrepreneurs et penseurs, plutôt morose et confine à l’immobilisme, comme le montrent les débats acrimonieux qui s’élèvent au sujet de chaque projet de développement et les difficultés énormes que rencontrent les promoteurs et les gouvernements depuis plusieurs années déjà.

Dans leur combat contre les projets de développement ou au nom de certains principes comme le gel des frais ou des tarifs, les éteignoirs disposent d’une panoplie d’armes qui leur confèrent souvent une importance disproportionnée par rapport à leur poids réel au sein de l’opinion publique : parmi celles-ci, les plus importantes sont la pétition, la manifestation, l’appel à la population par le biais des médias, les injonctions (et non les requêtes) aux gouvernements et la demande de moratoire.

Qui d’entre vous n’a jamais signé une pétition sans l’avoir lue ou même sans en connaître la teneur ? Jadis geste solennel impliquant une requête aux pouvoirs publics, la pétition est devenue si fréquente et si banale que nous ne lui accordons pratiquement plus aucune importance.

Elle fait pourtant partie de tous les combats sociaux (elle en est souvent l’acte fondateur) et la plupart d’entre nous en signent plusieurs par année. Rarement par conviction, mais plus souvent par conformisme, rectitude ou peur de déplaire.

Malgré sa dévaluation et le fait que son poids politique est désormais inférieur à son poids en papier (ou même en « k » ou en « gig »), elle est restée un incontournable moyen de manifester son opposition et constitue une des armes (émoussée, cela va sans dire) de l’arsenal des éteignoirs.

Opposition « citoyenne »

La manifestation constitue le point d’orgue de tout mouvement d’opposition « citoyenne » et provoque chez certains « nonistes » un état extatique. Certains pros n’en manqueraient pas une et font parfois des milliers de kilomètres (sans doute à pied ou à vélo pour ne pas contribuer à l’effet de serre) pour pouvoir dire qu’ils « y étaient ».

Malgré sa prétention à constituer un moyen de pression face aux pouvoirs publics ou contre les promoteurs, elle est en fait un rituel religieux. Elle commence toujours par une procession, qui comporte des incantations contre le mal (« Mort à l’Amérique » ; « À bas le profit ») et les suppôts de Satan (« Bush au pilori ! »), des répons (« So-so-so, solidarité »), des mantras (« Le peuple uni ne sera jamais vaincu ») et parfois des chants sacrés (L’Internationale, Le temps des cerises ou Quand les hommes vivront d’amour, par exemple).

Elle porte aussi en elle la possibilité de sacrifices humains, certains de ses participants s’exposant volontairement au poivre de Cayenne et aux gaz lacrymogènes, recherchant l’arrestation musclée ou se faisant infliger des scarifications ou des hématomes (évidemment dus à la « brutalité policière ») qu’ils exhiberont ensuite devant leurs coreligionnaires comme des preuves de leur immolation pour le bien et la justice.

Elle est aussi l’occasion d’une purification ou même d’un exorcisme, le manifestant démontrant à la face (médiatisée) du monde qu’il a expulsé le mal de sa personne et qu’il a renoncé à Lucifer, à ses pompes et à ses oeuvres.

Elle a bien sûr ses martyrs, tombés au combat pour la cause, sanctifiés et élevés au rang d’icônes. Mais elle est surtout, comme les rites de toutes les confessions, une façon pour les élus de se reconnaître entre eux et de se distinguer des infidèles, le moment privilégié où communient les apôtres et les prosélytes de la bonne parole.

Tenue jadis sur le mode « enragé », elle a pris depuis une quinzaine d’années un visage festif (avec ses horripilants tambours) et clownesque (avec ses masques et ses déguisements) qui détourne l’attention de la variété des motifs de ses participants (des corporatistes et des protectionnistes aux bien-pensants en passant par les anarchistes) et de son potentiel de violence, qu’aucun de ses organisateurs ne daigne condamner sous prétexte de démocratie, de liberté, de participation citoyenne et d’union contre le mal et le danger. (...)


Voilà ce qu'un éditorialiste du devoir lui a répondu, tout récemment. C'est un vrai régal:

Louis Cornellier a écrit:S’il est un discours qui m’insupporte au plus haut point, c’est bien celui selon lequel le Québec souffrirait d’immobilisme par la faute de militants frustrés qui s’acharnent à empêcher son développement. L’affaire est presque ironique. Les petits, se plaint-on, empêcheraient les gros de faire avancer le Québec, et ce, au détriment du bien commun. Il s’agit d’un renversement radical du discours de gauche : aux progressistes promoteurs qui ont à coeur l’avenir d’un Québec prospère s’opposeraient, suivant cette logique, des éteignoirs gauchistes dont l’idéologie engendre la pauvreté.

Dans Les Éteignoirs. Essai sur le « nonisme » et l’anticapitalisme au Québec, le professeur Marc Simard se fait le porteur de ce nouveau progressisme de droite. Selon lui, pulluleraient au Québec des opposants professionnels qui, animés par un anticapitalisme primaire, feraient avorter « tout projet de développement économique ». Pour justifier sa dénonciation des militants hystériques, Simard joue les éclairés. L’opposition citoyenne peut être bénéfique et « la critique est nécessaire dans une démocratie en santé », suggère-t-il, mais le problème est que nous assisterions, actuellement, à une tendance systématique qui rend cette opposition « néfaste et improductive ».

Sa démonstration insiste particulièrement sur quatre dossiers : le projet Rabaska, la construction de condos dans Saint-Henri, le projet Rupert et l’augmentation des droits de scolarité. Sans se rendre compte de la contradiction que constitue une telle conclusion, il finira par admettre que tous ces projets iront de l’avant. À quoi bon, alors, monter en épingle la capacité de nuisance de leurs opposants ?

C’est que Simard, au fond, qui prétend que « tout parti pris idéologique doit être écarté de ce genre de débat », mène une lutte... idéologique en faveur du libéralisme économique. Tout à sa vérité selon laquelle l’économie de marché est le seul système à même d’engendrer une saine croissance et un solide développement socioéconomique, il traque tous ceux qui remettent ce credo en question en les assimilant aux rétrogrades propriétaires québécois du XIXe siècle qui ont mené une bataille contre la taxe scolaire et, par conséquent, contre les écoles.

Pour défendre sa thèse, Simard n’hésite pas à tourner les coins rond. Il cite, par exemple, un sondage de L’Actualité dans lequel 32 % des répondants affirmaient ne pas être d’accord avec l’énoncé suivant : « La liberté d’entreprise et l’économie de marché constituent le meilleur système pour assurer l’avenir du monde. » Il en conclut « qu’un Québécois sur trois serait favorable à la mise en place d’un système économique non capitaliste, c’est-à-dire ne reposant pas sur l’entreprise privée ni sur l’économie de marché ». Cette conclusion est franchement abusive. En ajoutant une nuance à l’énoncé, par exemple en suggérant qu’une intervention étatique est nécessaire à la régulation de l’économie de marché, on aurait certainement obtenu un résultat différent. Aussi, se servir de ce sondage pour se désoler de l’anticapitalisme primaire de beaucoup de Québécois frise la malhonnêteté.

Pour reprendre une formule de Lionel Jospin, on peut affirmer que la plupart des Québécois disent oui à l’économie de marché mais non à la société de marché. Ils ne sont pas anticapitalistes primaires ; ils refusent le capitalisme primaire.

Des procédés douteux

Pour illustrer « le rapport ambigu à l’argent qu’entretiennent nombre d’intellectuels québécois », Simard use encore d’un procédé douteux en faisant d’un essai de l’anthropologue Denis Blondin le résumé du point de vue des intellectuels en général. Or, Simard le souligne lui-même, l’essai très critique de Blondin à l’égard du rôle de l’argent dans nos sociétés est « passé inaperçu ». Méchante influence !

Il faut dire que Simard fait une drôle de lecture des médias québécois. Il répète à quelques reprises, en effet, que « la gauche bien pensante » y tient le haut du pavé, voire qu’elle impose « son hégémonie dans le discours public et médiatique au Québec ». Ah oui ? Où ça ? Certainement pas à La Presse, au Soleil, au Journal de Montréal, à TQS ou à TVA. Au Devoir ? La gauche québécoise y a une voix, mais elle n’est pas seule. À Radio-Canada ? Homier-Roy, LeBigot, Maisonneuve, Desautels et Charette seraient-ils des gauchistes ? Soyons sérieux.

Or, en matière de débats socioéconomiques, être sérieux signifie, entre autres, reconnaître la nature nécessairement idéologique des diverses prises de position, ce qui n’exclut pas un devoir d’honnêteté. Idéologique, Simard l’est pleinement quand il déclare fausse l’affirmation selon laquelle les écarts de revenus entre les riches et les pauvres augmentent. Citant une recherche de Statistique Canada, Gilles Drouin, dans la Revue Notre-Dame d’octobre 2007, constate que les années 1990 ont vu la classe moyenne s’effriter vers le bas et « que l’écart entre les très riches et les très pauvres s’est agrandi entre 1989 et 2004 ». Citant lui aussi Statistique Canada, Éric Desrosiers, dans Le Devoir du 22 octobre, évoque « le grand fossé » et explique que la forte croissance économique des dernières années a carrément échappé « à presque la moitié de la population la moins riche ». Simard, lui, insiste plutôt sur le fait que les pauvres d’aujourd’hui sont moins pauvres que ceux d’il y a un siècle. Ce n’est pas faux, mais c’est court et tendancieux.

Son argumentation concernant les droits de scolarité n’est pas plus convaincante. Il affirme que des droits peu élevés constituent une injustice parce qu’ils ont pour effet de faire financer les études des futurs privilégiés par tous, dont la classe moyenne. Il cite même Bourdieu hors contexte pour appuyer son point de vue. Or, s’il est vrai que les diplômés tireront un bénéfice de leurs études, il est aussi vrai qu’ils contribueront grandement, par leurs compétences, mais aussi par leurs impôts, au bien-être socioéconomique et culturel de la collectivité. De plus, soutenir qu’une augmentation des droits de scolarité ne nuira pas à l’accessibilité universitaire au Québec est très contestable. Simard reconnaît lui-même que 12 % des étudiants en seraient affectés (ce n’est pas négligeable, dans une logique de croissance économique) et une récente étude du ministère de l’Éducation (voir Le Devoir, 24 octobre 2007) conclut à une baisse de fréquentation de 10 % en cas d’ajustement des droits sur la moyenne canadienne.

Souvent amusant quand il fait le portrait d’une certaine gauche-réflexe, mal dégrossie et adolescente, Simard l’est moins quand il assimile toute contestation qui n’est pas strictement libérale à de la réaction. Les éteignoirs, ne serait-ce pas plutôt ceux que la démocratie fatigue quand elle nuit à leurs intérêts de possédants soi-disant lucides ?


Article publié dans Le Devoirqu'on peut voir sur ce site (il n'est disponible qu'aux abonné-e-s, sur le site du Devoir)
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