Gratuité scolaire et pouvoir bourgeois - VLB

Discussions portant sur l'ASSÉ et le mouvement étudiant en général.

Gratuité scolaire et pouvoir bourgeois - VLB

Messagede Francis Ménard le Mar Jan 22, 2008 10:58 am

Gratuité scolaire et pouvoir bourgeois

22 janvier 2008
Victor-Lévy Beaulieu


Ce qu’il y a eu de plus révolutionnaire dans l’histoire de l’humanité, c’est lorsque l’instruction est devenue obligatoire et gratuite. Malgré l’échec de la Révolution française, une grande bataille fut remportée, puisque le petit peuple obtint enfin le droit d’être enseigné.

Ce droit-là, Simon Bolivar en fit le premier article de son programme de libération de l’Amérique du Sud : l’égalité, la liberté et la fraternité ne peuvent être possibles sans qu’on sache vraiment lire et écrire : c’est par ces deux actes qu’il devient possible de penser, donc de choisir.

Seule l’École Normale était gratuite

Quand, au début des années 1960, je faisais mon cours dit secondaire, nous attendions fébrilement la publication du Rapport Parent qui devait changer de fond en comble la façon qu’on avait eu jusqu’alors de pratiquer l’éducation : les collèges classiques, chasse gardée de la bourgeoisie, car on devait payer pour s’y faire instruire, ce n’était pas pour la classe ouvrière ni pour les plus démunis de la société. Pour eux, l’école primaire, secondaire, publique et gratuite, voilà ce qui convenait.

Une fois le cours secondaire terminé, les élèves devenaient les pieds et les bras du pouvoir bourgeois. En fait, il n’y avait qu’une exception à la règle, et qui dit bien ce que représentait l’éducation pour l’État : après une onzième année, l’élève pauvre qui voulait poursuivre ses études n’avait que la possibilité de devenir maîtresse ou maître d’école, car seule l’École Normale lui était accessible gratuitement.

On sait que le Rapport Parent amena la création du ministère de l’Éducation, l’abolition des collèges classiques, l’invention du cégep et la fondation de l’Université du Québec. Une véritable révolution, croyait-on alors, parce que ces nouvelles institutions permettraient à qui voudrait s’instruire de le faire.

Une quarantaine d’années plus tard, est-ce vraiment le cas ? L’éducation est-elle devenue aussi égalitaire qu’on le prétend ?

Plus ça change, plus c’est pareil

Au début des années 1960, je voulais devenir biologiste et me spécialiser dans l’étude du cerveau. En attendant les recommandations du Rapport Parent, un élève dit brillant pouvait passer de l’école publique au cours classique grâce à un programme spécial qui lui permettait ensuite d’entrer à l’université.

Mais ce programme-là n’était pas gratuit et les fils d’ouvriers venant de familles nombreuses durent déchanter rapidement. Ce fut mon cas : ne trouvant même pas à obtenir le Prêt d’honneur, je dus abandonner mes études et me mettre à travailler comme commis dans une banque. Le soir, je suivais des cours en histoire et en littérature, mais comme auditeur libre, ce qui ne donnait droit à aucun diplôme.

Quand je lis ce qu’on écrit sur la situation des étudiants d’aujourd’hui, ça ne me paraît pas évident que les choses aient véritablement changé. Il me semble plutôt qu’après les quelques années qui ont suivi la réforme de l’éducation alors que les frais de scolarité étaient minimalistes, on ait graduellement bouclé la boucle pour revenir aux conditions qui existaient avant le Rapport Parent : l’endettement de l’étudiant ne cesse d’augmenter, tandis que le taux de décrochage atteint des sommets : plus de 50% des étudiants abandonnent l’université avant d’obtenir leur doctorat ou leur maîtrise et, parmi ceux qui persistent, la majorité d’entre eux doit travailler pour y arriver.

Tout se passe comme si, après la Révolution tranquille, l’État bourgeois ne s’est montré laxiste par-devers les étudiants que parce qu’il avait besoin rapidement de monde qualifié pour encadrer ses réformes ; une fois la chose faite, sa bienveillance paternaliste s’est escamotée, les coûts pour s’instruire n’ont pas cessé de grimper, interdisant aux moins nantis de notre société de profiter de ce qu’on décrit pourtant comme un droit accordé à tous.

Comment voulez-vous qu’une mère monoparentale qui a deux enfants à sa charge, qu’un couple recevant la sécurité sociale, qu’un père n’ayant qu’un emploi non spécialisé, qu’une famille de la classe dite moyenne peuvent faire instruire leurs enfants quand tous les jours ils doivent se battre pour leur simple survie ?

La reproduction des classes sociales

Je ne suis pas celui qui a découvert que l’État bourgeois fait d’abord les lois en fonction de sa propre classe sociale, car ainsi il assure sa pérennité et sa domination sur le reste de la collectivité.

Pendant ce temps, des économistes comme Pierre Fortin proposent, pour augmenter la productivité (qui n’est jamais assez compétitive pour le pouvoir bourgeois), de faire venir de l’étranger de hauts diplômés, certes, mais de hauts diplômés qui ont surtout le mérite d’être déjà riches.

Et ces hauts diplômés riches, dans quels pays irait-on les chercher ? Dans les pays dit en voie de développement, en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. On écumerait ainsi la bourgeoisie montante internationale à notre profit, c’est-à-dire au profit de la classe sociale québécoise dirigeante.

Partout dans le monde, le pouvoir bourgeois considère qu’il est moins coûteux pour lui, et moins dangereux, de payer à une importante partie de la population (plus de 450 000 bénéficiaires au Québec) une assistance sociale (qu’il donne d’une main tout en la reprenant de l’autre), plutôt que de changer quoi que ce soit au système qu’il a établi jadis pour acheter la paix sociale.

Pour la gratuité de l’enseignement

Les étudiants me paraissent donc en droit d’exiger non seulement le gel de leurs frais de scolarité, mais la gratuité de l’enseignement qu’on leur offre.

L’éducation est l’affaire de toute la collectivité et doit donc répondre à une première exigence : permettre à tous d’avoir accès au savoir, et non pas seulement à cette minorité qu’on forme pour que se perpétue le pouvoir bourgeois, ce système inéquitable qui surveille et punit de plus en plus le citoyen ordinaire parce que, sous le prétexte de vouloir notre bien, c’est sa domination bourgeoise que l’État entend préserver et faire fructifier.

Le cas de Brian Mulroney en est l’illustration parfaite : pour devenir un membre véritable du pouvoir bourgeois, il a dû s’enrichir et, pour s’enrichir, il lui a fallu passer au-dessus des lois, lesquelles lois pourraient peut-être encore le protéger parce que le pouvoir bourgeois les a ainsi faites qu’elles sont d’abord au service de ses intérêts, dans le sens large et étroit du mot. Un simple citoyen aurait agi comme l’a fait Mulroney qu’il serait déjà derrière les barreaux, et sans doute pour plusieurs années.

Nier aux étudiants le droit à la gratuité de l’enseignement, c’est contribuer à faire perdurer un pouvoir bourgeois qui n’a que lui-même comme finalité.


Lien: http://lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=537
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Messagede exocortex le Mar Jan 22, 2008 11:42 am

Voyons donc, ce gars-là est vraiment louche. Il écrit des textes dans le devoir pour nous dire que l'ADQ est à son sens le meilleur parti politique, et ensuite ça.
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Messagede Mir le Mar Jan 22, 2008 1:59 pm

COMIQUE!!!

J'ai jamais vu ça!!

Il pestait l'autre fois dans le devoir contre les intellectuels de gauche, et maintenant il est rendu au matérialisme historique...

Hahahahah!
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Messagede Carbo le Mar Jan 22, 2008 2:23 pm

Comme quoi un ancien marxiste c'est parfois comme un ancien fumeur. Ils pestent et ensuite, ils recommencent. Vous savez, il y en a plusieurs comme lui au Québec parmi les boomers. Ce serait l'fun qu'ils reprennent du service un de ces :!:
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Messagede complete1993 le Mar Jan 22, 2008 3:23 pm

Un alcoolique adéquiste qui est sur le bord de l'expulsion de son domaine pour taxe impayé. Pourquoi s'attarder sur un attardé ?

C'est tout simplement un plouc qui meurt un petit peu à tous les jours et tout ce que j'éprouve, c'est de la pitié.

Quel triste fin pour ce grand dramaturge...
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Messagede Carbo le Mar Jan 22, 2008 3:42 pm

Un atardé ou un grand dramaturge? Est-il possible d'être les deux à la fois. Peut-être. Edgar Allan Poe dormait dans les caniveaux à une certaine époque, non? Et que dire de Kerouac l'alcoolique complètement paumé...
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Messagede BlacKGuarD le Mar Jan 22, 2008 5:13 pm

Reste qu'il a raison sur le coup. Peut-être s'est-il planté de par le passé. Même récemment. Peut-être se trompe-t-il tous les jours au sujet de ceci ou cela mais sur le coup, il a parfaitement raison et sa voix en est une de sagesse.

Je ne vais pas lui dire de retourner dans le tunnel s'il semble enfin voir la lumière, damned...
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Messagede démon_néolibéral le Mar Jan 22, 2008 8:59 pm

Victor-Levy Beaulieu, débile un jour, débile toujours. Matérialisme historique, lutte des classes... Marx et Smith sont mort depuis longtemps, on pourrait peut-être se tourner vers l'avenir plutôt que de revenir sur quelque chose d'aussi dépassé.
The best way to encourage economic growth is to unleash individuals to pursue their own selfish economic interests.

Adam Smith

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Messagede BlacKGuarD le Mar Jan 22, 2008 9:40 pm

Ouais, c'est sûr, ça fait un bail qu'ils sont morts donc ça invalide toutes leurs théories. Du coup, j'ai l'impression que la gravité doit battre de l'aile, vu que ça fait 280 ans que cet enfoiré de Newton est décédé! Et j'te parle même pas des théorèmes grecs... Pfiou...

Ah, c'est de la SC-I-EN-CE, ça? Et la politique, non? Pfft.

C'est pas l'âge ou l'époque qui donne de la pertinence au propos. Si tu connaissais un tantinet davantage les sciences sociales et humaines, tu l'aurais compris il y a longtemps. De même pour les sciences naturelles, du reste.
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Messagede marechalCAMBRONNE le Mar Jan 22, 2008 9:52 pm

Laissons les zapartistes faire leur affaire de VLB

"À la stupéfaction générale des intellectuels du Québec, VLB a déclaré qu'il voterait ADQ car c'est le parti qui a le plus de chance de donner au québécois un pays. Après quelques instants de doute, la communauté s'est ressaisie et s'est rendue à l'évidence: il a recommencé à boire!"
Le seul péquiste membre de l'ASSÉ???
En fait on est 2! 2 portes paroles régionaux en plus.
C'est ben la première fois que je suis l'extrême droite de quelqu'un moi!
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Messagede Panurge le Mar Jan 22, 2008 10:02 pm

C'est pas l'âge ou l'époque qui donne de la pertinence au propos. Si tu connaissais un tantinet davantage les sciences sociales et humaines, tu l'aurais compris il y a longtemps.


Ceci étant, Marx est manifestement suranné. Et aucun scientifique sérieux ne s'en réclame.
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Messagede Kapitaine_Kolon le Mar Jan 22, 2008 10:06 pm

Carbo a écrit:Un atardé ou un grand dramaturge? Est-il possible d'être les deux à la fois. Peut-être. Edgar Allan Poe dormait dans les caniveaux à une certaine époque, non? Et que dire de Kerouac l'alcoolique complètement paumé...


Et Michael Crichton a RÉELLEMENT combattu des dinosaures... Il y a l'auteur, il y a les personnages et il y a le mythe que son "exécuteur testamentaire" autoproclamé et jaloux a construit en mélangeant les deux. (Au besoin : je parle de Poe.)

Ceci dit, j'ai pris la peine de lire les lettres de VLB au Devoir et je trouve vos réactions quelques peu excessives. Dans le sens "téléphone arabe" du terme. Pour remédier à la situation, je vous poste les textes en question. Gratos !!!

Se déprendre de soi-même
Victor-Lévy Beaulieu, Édition du lundi 07 janvier 2008

Parce que Léandre Bergeron dit dans Né en exil qu'il est d'accord avec l'allégement de l'État que propose l'Action démocratique du Québec, Michel Lapierre (Le Devoir du 22 décembre dernier) en conclut aussitôt que «Bergeron rêve à l'ADQ». Parce que j'ai voté pour l'ADQ en mars 2007, Jean-François Nadeau ne cesse pas depuis ce temps de dire que je cire les souliers de Mario Dumont.

La chose me ferait plutôt rire si les propos de Lapierre et de Nadeau ne découvraient pas ce sein que l'on ne saurait voir, c'est-à-dire ce mépris que l'intellectuel dit de gauche affiche pour tout ce qui, du moins le croit-il, ne lui ressemble pas.

Si j'ai souhaité en mars dernier que l'ADQ devienne l'opposition officielle, c'est pour deux raisons: par désespoir envers le Parti québécois qui, par simple souci électoraliste, avait mis au placard l'idée même de l'indépendance. Pourquoi aurais-je voté pour un parti qui n'était même plus l'ombre de lui-même? Une bonne fessée électorale, n'était-ce pas ce qui pouvait lui arriver de mieux? Quant à l'ADQ, ne représentait-elle pas un fort courant de la culture québécoise, de droite bien sûr, mais il me semble que, dans la démocratie représentative qui est la nôtre, il est préférable de respecter ce droit plutôt que de le laisser couver de façon souterraine comme ça a été le cas après chacune des élections auxquelles l'ADQ avait participé jusqu'alors.

Les intellectuels de gauche et, au tout premier chef, les journalistes, n'ont pas cessé durant la campagne électorale de mars dernier de claironner que les adéquistes étaient des gens de rien, des ignares et des illettrés. C'était peut-être le cas, mais c'était oublier que ces gens de rien, ces ignares et ces illettrés avaient par deux fois dit oui à des référendums sur la souveraineté; et c'était oublier aussi que sans ces gens de rien, ces ignares et ces illettrés, le Parti québécois n'aurait jamais exercé le pouvoir. C'était oublier surtout que le seul projet collectif qui intéressait et intéresse toujours les Québécois, donc aussi les gens de rien, les ignares et les illettrés, est la souveraineté.

Après les élections, on aurait pu s'attendre à ce que disparaisse ce mépris par-devers ces gens de rien, ces ignares et ces illettrés élus députés par le tiers de la population. Ce ne fut pas le cas, ni à l'Assemblée nationale ni chez les intellectuels de gauche. Le gouvernement libéral et le Parti québécois jouèrent de connivence pour essayer de prouver hors de tout doute raisonnable que les députés adéquistes étaient des épais et qu'ils devraient retourner à la petite école, encore chanceux seraient-ils d'y être acceptés. Dans ce jeu-là, ce sont les femmes qui furent les plus incendiaires. Même la toute gentillette Marguerite Blais y alla de quelques vociférations fort viriles. Cette attitude du gouvernement libéral et du Parti québécois me rappelle qu'avant les Rébellions de 1837-1838, la petite bourgeoisie qui contrôlait le Parlement aurait voulu qu'on y votât une loi pour empêcher un forgeron devenu député d'y siéger, car cet homme de rien, cet ignare et cet illettré ne pouvait que faire honte à une aussi respectable assemblée peuplée de gens de biens, de savants et de lettrés.

Je ne prétends pas que tous les députés adéquistes sont à leur place au Parlement, mais il en va de même avec les députés péquistes et libéraux. Le fait n'a pas grand-chose à voir avec l'ADQ elle-même, mais avec l'attraction que le pouvoir possible exerce sur ceux qui rêvent d'être politiciens. Si, en mars 2007, de grosses pointures ne sont pas allées vers l'ADQ, c'est que, six mois avant le déclenchement des élections, personne ne pouvait prévoir que ce qui grondait souterrainement allait trouver enfin à s'exprimer par le parti de Mario Dumont.

Les intellectuels de gauche et les médias ont manifesté vite leur désapprobation quand l'ADQ a suggéré qu'il fallait réformer la bureaucratie, le système de santé, le système carcéral, le système du bien-être social, la politique de l'immigration et l'abolition des commissions scolaires dans le but de rendre plus humaine l'éducation. Je signale, pour l'exemple, que ni le gouvernement libéral, ni le Parti québécois, ni les intellectuels de gauche et les médias n'ont paru étonné de la réponse des dirigeants des Commissions scolaires qui n'ont pas parlé de ce qui pourrait peut-être changer dans le système, ramenant toute la chose au seul fait qu'ils étaient de bons gestionnaires et que cela devrait suffire à justifier leur nécessité.

L'ADQ elle-même n'a peut-être pas de réponses valables à donner sur tous ces sujets-là, mais cela veut-il dire pour autant que l'on ne doive pas les remettre en question? Si notre société est en mutation, donc en état de changement, quel mal y a-t-il à mettre en question notre conformisme et les normes qui y sont attachées et attachantes? Serait-ce que la bourgeoisie politique et sociale qui se partage les profits de ce conformisme ne voit pas l'intérêt de changer en profondeur le type de société dans lequel on vit, qui donne presque toute la richesse à quelques-uns et accule tous les autres à l'appauvrissement?

Un an après les élections, je trouve encore que c'est une bonne chose que l'ADQ soit devenue l'opposition officielle. Pour la première fois depuis des lustres, la dernière session parlementaire ne s'est pas terminée par des lois-décrets, ces symboles parfaits de ce qu'est la démocratie quand elle devient la caricature d'elle-même. Et sans l'ADQ, le Parti québécois aurait-il recentré aussi rapidement son discours, bien qu'il l'ait fait de façon paradoxale en jetant par-dessus bord l'idée d'indépendance tout en promouvant les valeurs d'un nous identitaire qui ne peut pourtant se pratiquer que si on est véritablement souverain? Et le gouvernement libéral lui-même parlerait-il autant du nationalisme et du maître chez soi s'il n'était pas minoritaire?

En mars 2007, je souhaitais que le résultat des élections soit tel qu'il nous oblige tous à un grand brassage d'idées, ce dont on manquait désastreusement depuis au moins quinze ans. L'ADQ n'aurait servi qu'à être le déclencheur de ce grand brassage-là d'idées que, pour ma part, je trouve la chose loin d'être déconfortante, surtout quand je vois le premier ministre du Québec et Pauline Marois participer à une publicité télévisée sur les ondes de Radio-Canada, publicité destinée à nous faire regarder un show de variétés animé par Marc Labrèche! Les médias, curieusement, n'ont pas parlé de ce qui me paraît pourtant le comble de la perversité politicienne. Mais aurait-ce été le cas si, en lieu et place de Charest et de Marois, on y avait retrouvé Mario Dumont?

Pour terminer, je voudrais citer deux philosophes dont les propos me semblent plus que jamais mériter réflexion de notre part.

Dans l'un de ses cours au Collège de France, Jules Michelet a dit: «On ne peut gouverner sans savoir et sans prévoir. On ne peut savoir et prévoir que ce qu'on fait soi-même. On, c'est-à-dire le peuple, ne peut gouverner qu'autant qu'il s'est élevé. Élevé comment? Comme homme et comme citoyen, comme ouvrier, comme science et comme action, afin qu'il puisse agir et dans la patrie et dans le monde, émigrer, aimer librement, préférer la patrie. Il faut que les portes de la Cité restent ouvertes et que, d'une classe à l'autre, le passage ne soit pas infranchissable, mais qu'il ait, de l'une à l'autre classe, circulation d'hommes et d'idées. Ne dites pas seulement: "La France est divisée". Dites aussi: "Je suis divisé et dispersé en moi; je laisse aller aux quatre vents du monde mes puissances et mon unité; je ne me reste pas, je ne garde nulle force attractive qui me rattache aux autres."»

Quant à lui, Michel Foucault a écrit dans L'Usage des plaisirs:

«Il y a des moments dans la vie où la question de savoir si on peut penser autrement qu'on ne pense et percevoir autrement qu'on ne voit est indispensable pour continuer à regarder et à réfléchir. La seule espèce de curiosité qui vaille la peine d'être pratiquée avec un peu d'obstination est non pas celle qui cherche à s'assimiler ce qu'il convient de connaître, mais celle qui permet de se déprendre de soi-même.»


Libre-Opinion: La paille et la poutre
Victor-Lévy Beaulieu, Édition du mercredi 16 janvier 2008

Quand on ne veut pas vraiment prendre connaissance du message, on tire sur le messager. Pour Jean-François Nadeau, je suis donc un récidiviste qui, les yeux fermés, appuierait tout ce que dit ou fait Mario Dumont.

Permettez que je précise les choses une fois pour toutes.

Je ne suis pas membre de l'ADQ et je ne l'ai jamais été. Le texte que j'ai publié dans Le Devoir de lundi dernier rendait tout simplement compte de l'opinion qui est la mienne depuis les élections de mars 2007. Tenant pour acquis qu'il n'y a plus de parti indépendantiste au Québec et que les trois partis qui nous représentent actuellement à l'Assemblée nationale sont de centre-droit, royaume du néolibéralisme, je disais que, tout compte fait, l'ADQ n'avait pas si mal fait que ça depuis qu'elle est l'opposition officielle.

Je disais surtout que je ne prenais pas pour rien le grand brassage d'idées que la présence de l'ADQ à l'Assemblée nationale devrait susciter surtout auprès des intellectuels dits de gauche. Si j'en juge par le manifeste de Gérald Larose sur la gouvernance souverainiste qu'il propose, ce n'est toutefois pas demain qu'on va se déprendre de nous-mêmes!

Dans l'attente de la création d'un parti résolument indépendantiste auquel je me rallierais avec joie, pas question que je finasse avec ces deux vieilles choses mortes que sont le Parti libéral et le Parti québécois. En attendant, je me sens le droit de réfléchir à haute voix comme je veux, quitte à me tromper. Et si je me trompe, je préfère me tromper avant qu'après. Et ce ne sont pas ceux qui jouent aux p'tits Jos Connaissant prétendument gauchistes, comme Jean-François Nadeau, qui m'interpellent vraiment.

Avant de condamner le populisme chez les autres, Nadeau devrait relire les 200 dernières pages de la biographie qu'il a consacrée à Pierre Bourgault. Cette recension de tous les potins et ragots de la colonie dite artistique et de la presse à sensation à propos de la sexualité de Bourgault, pleine de sous-entendus vicieux, qu'est-ce donc, sinon du populisme dont le seul but est de racoler le bon peuple afin de lui vendre le plus grand nombre possible d'exemplaires? À trop voir la paille dans l'oeil de son voisin, on ne se rend plus compte de la poutre qu'on a dans le sien.

Et c'est ainsi qu'on finit par mépriser les gens de rien, les illettrés et les ignorants parce que, bourgeois dit de gauche, on se croit en possession de toute la vérité, une, universelle et apostolique comme le prétendait et le prétend toujours l'Église catholique. Je préfère être du côté des gens de rien, des illettrés et des ignorants au milieu desquels je vis par ailleurs, dans l'inquiétude, la misère culturelle et sociale dont nous essayons courageusement de sortir sans l'aide de grand monde pour nous aider. Quant aux bourgeois dits de gauche, ils lisent peut-être beaucoup et mieux que l'autodidacte que je suis, mais ils ne sont pas nombreux à passer par chez nous, même en été. Pourtant, je ne doute pas que s'ils se mettaient plus souvent les pieds dans ce fumier que nous sommes souvent pour eux, grand bien leur ferait.

***

Réplique

Victor-Lévy Beaulieu a le droit d'exprimer sa pensée. Évidemment. Mais ses admirateurs, dont je suis comme il le sait, ont j'imagine le même droit que lui. Je ne suis pas le seul à trouver que les récents propos de VLB dépassent l'entendement, comme en donnent déjà un indice les lettres de lecteurs que Le Devoir a publiées ces derniers jours. Écrire que c'est par souci d'humanisme que l'ADQ voudrait réduire à néant les commissions scolaires, écrire encore qu'une politique économique de droite, comme en propose l'ADQ, mérite l'attention parce qu'il faut bien battre la même mesure que tout le monde, voilà qui est fort de café.

Mais plutôt que de répondre aux arguments que plusieurs lecteurs ont avancés en réplique à ses propos surprenants, VLB joue les matamores blessés et tire dans tous les sens. Revoilà donc, en forme de pirouette, un vieux couplet sur les régions, assaisonné d'attaques personnelles, servi au nom du peuple lui-même. Est-ce là un indice de la profondeur de sa réflexion au sujet de l'ADQ? C'est en tout cas faire injure aux gens de rien de vouloir faire croire qu'ils préfèrent se contenter de bouillies intellectuelles pour se nourrir.

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Messagede Alex The Tall le Mar Jan 22, 2008 11:22 pm

Panurge a écrit:
C'est pas l'âge ou l'époque qui donne de la pertinence au propos. Si tu connaissais un tantinet davantage les sciences sociales et humaines, tu l'aurais compris il y a longtemps.


Ceci étant, Marx est manifestement suranné. Et aucun scientifique sérieux ne s'en réclame.


Euh, c'est comme tellement pas le cas. Le marxisme politique *au niveau pratique* peut-être, anyway ce marxisme n'a jamais été réellement appliqué, mais au niveau de l'analyse sociologique ou politique Marx n'est pas dépassé. C'est de la foutaise!

L'analyse marxiste est aussi bonne sur plusieurs points de vues qu'une analyse libéral ou réaliste (quoi que perso, je préfère le marxisme qui utilise la dialectique, mais bon!). C'est trois courants majeurs ont évoluer avec le temps, dans le marxisme, la base reste celle de Marx, mais plusieurs autres "scientifiques" l'ont améliorer ou dégradé. Tout comme le réalisme qui tire sa source de Hobbes et de Machiavel ou le libéralisme qui tire sa source de Smith ou de Locke!

Si on lit encore Platon aujourd'hui et qu'il est encore très utilise au point de vue philosophique et analystique, Marx est loin d'être dépassé et nous avons encore beaucoup de choses à apprendre de ce barbu comme la majorité des philosophes en tant que telle!

Tsé, avant de déclarer que quelque chose est "out of date" pouvez-vous réfléchirs sibolaque, desfois j'ai l'impression de parler à des non-éduqués!
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Messagede Panurge le Mar Jan 22, 2008 11:34 pm

Tsé, avant de déclarer que quelque chose est "out of date" pouvez-vous réfléchirs sibolaque, desfois j'ai l'impression de parler à des non-éduqués!


De fait, pour utiliser l'expression 'out of date', il faut être un béotien manifeste.
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Messagede BlacKGuarD le Mer Jan 23, 2008 12:57 am

Panurge: trollisme habituel.

Dommage car quand tu t'efforces, t'as réellement une façon intéressante de défendre tes opinions, bien qu'elles soient farouchement contraires aux miennes, hormis pour ce qui est de l'État.

Marx est peut-être suranné dans ce qu'il a de pratique (les marxistes purs se font rares!) et de littéral, il n'en demeure pas moins que bon nombre des thèses qu'il défendait sont encore d'actualité, défendues par une frange importante des activistes politiques (les courants dérivés du marxisme sont très importants, mondialement parlant) et que plusieurs études ont encore cours sur les dérivés idéologiques du marxisme.

Dans tous les cas, ce n'est pas qu'il dise que Marx et Smith sont dépassés qui m'énervait ou, plutôt, si, d'une certaine façon. Leur "non-pertinence" aurait pu être attaquée sur des bases autre que l'âge. Bien entendu que l'âge a à voir mais il ne fait pas tout et, surtout, il ne rend pas un auteur ou un texte moins crédible du fait de son - tout relatif - éloignement temporel.
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