de Tovarichtch le Mar Nov 13, 2007 10:32 am
Paru dans Le Devoir.
Un grain de sable dans l'engrenage de la grève étudiante
BRIAN MYLES
Édition du mardi 13 novembre 2007
Mots clés : cégeps, manifestation, UQAM, Étudiant, Grève, Québec (province), Montréal
Des collèges menacent de recourir à la loi 43 pour contrecarrer les plans du mouvement étudiant
Le mouvement de grève des étudiants prend véritablement son envol cette semaine. Le spectre de la loi 43 plane cependant sur leur liberté de faire la grève comme ils veulent. Vraiment?
Le mouvement de grève des étudiants se heurte à un obstacle: la loi 43 pourrait en effet compromettre leur capacité de dresser des lignes de piquetage et de bloquer l'accès aux collèges dans les prochains jours.
Les cégeps de Lanaudière (Terrebonne), Saint-Laurent et Drummondville ont laissé entendre qu'ils appliqueraient la loi 43 aux dépens des étudiants s'ils décident d'empêcher l'accès aux maisons d'enseignement dans le cadre de la grève.
Adoptée dans une vive controverse en décembre 2005, la loi 43 a permis au gouvernement Charest d'imposer les conditions de travail et les conventions collectives des employés du secteur public jusqu'en 2010, en plus d'empêcher toute contestation de son application.
La loi ne vise nullement les étudiants. Après tout, ce ne sont pas des salariés de l'État. Par contre, la loi oblige les dirigeants d'organismes publics à prendre les mesures nécessaires pour que les services habituels soient dispensés. «Dans le contexte juridique actuel, le collège rappelle aux étudiants qu'ils ne peuvent entraver l'accès à ses installations et ne peuvent non plus faire obstacle au maintien des services habituels», écrit la rectrice du Collège de Terrebonne, Céline Durand, dans un communiqué.
Le collège de Terrebonne envisage de demander une injonction contre les étudiants si jamais ils osent paralyser le campus. La direction espère cependant trouver un terrain d'entente avec les étudiants pour leur permettre de manifester, sans compromettre le fonctionnement du cégep.
L'article 28 de la loi stipule que nul ne peut, par omission ou autrement, faire obstacle ou nuire de quelque manière à la prestation des services donnés par un organisme du secteur public, par exemple un cégep. L'article 29 précise que nul ne peut entraver l'accès à ces mêmes lieux. En d'autres mots, les organismes publics ont l'obligation de veiller à la continuation des services. Ils s'exposent à de lourdes amendes, variant de 25 000 $ à 125 000 $, s'ils ne le font pas.
L'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSE) a dénoncé l'attitude «répressive et antidémocratique» des cégeps en question. Pour que la grève prenne son plein essor, il est essentiel d'empêcher les étudiants et professeurs d'entrer dans les collèges, explique Marie-Ève Ruel, secrétaire aux affaires académiques de l'ASSE. «La grève, c'est pour empêcher le fonctionnement des cours, c'est une levée des cours, dit-elle. C'est important de faire du piquetage pour informer la population du pourquoi de la grève.»
Les étudiants ont reçu l'appui de la Fédération nationale des enseignants (FNEEQ-CSN), qui juge «abusive» la mise en garde des cégeps, car la loi n'a pas été conçue pour sanctionner les étudiants. «Cette volonté de s'en tenir à la lettre de la loi, plutôt que d'assumer une lecture souple au niveau de l'esprit, constitue pour nous une opposition de fait aux luttes étudiantes concernant le coût des études post-secondaires et l'amélioration des conditions d'études en général», a indiqué le président de la FNEEQ, Ronald Cameron, par voie de communiqué.
Une porte-parole du Conseil du Trésor, Catherine Poulin, a clarifié la question en fin de journée. «La loi 43 est une loi de relations de travail», dit-elle. Si un professeur décide de ne pas donner de cours, dans un geste de solidarité avec les étudiants, il serait passible de sanctions en vertu de la loi. Par contre, la direction d'un collège ne saurait être tenue responsable pour la fermeture d'un campus sous la pression des étudiants en grève. «Si ce n'est pas un problème de relations de travail, la loi 43 ne peut pas s'appliquer», dit Mme Poulin. «Si des étudiants bloquent un cégep, [la direction] ne sera pas poursuivie en vertu de la loi 43», ajoute-t-elle.
L'université populiste
Dans le courant de la semaine, entre 30 000 et 34 600 étudiants entreront en grève pour une durée limitée afin de protester contre la hausse des droits de scolarité. En matinée, quelque 300 manifestants ont fait le tour de l'îlot Voyageur, lors d'un rassemblement visant à dénoncer le plan de redressement financier à l'UQAM. Les étudiants exigent que le gouvernement éponge le déficit de 300 millions réalisé par l'UQAM dans ce projet immobiliser inachevé, et qu'il réinvestisse également en éducation.
Les étudiants ont également inauguré l'Université populaire à Montréal (UPAM), une série d'ateliers et de conférences sur une éducation universitaire à réinventer, dans une perspective «ouverte, gratuite, multidisciplinaire, décentralisée et autogérée». En après-midi, une manifestation de 50 à 100 personnes a dégénéré, alors que des
étudiants ont empêché l'aspirant recteur de l'UQAM, Claude Corbo, de quitter un local du pavillon Judith-Jasmin. La police de Montréal a dû intervenir. Trois manifestants ont été arrêtés. Ils sont passibles d'accusations de voies de faits, d'agression armée et de séquestration, a dit un porte-parole de la police, Daniel Lacoursière.
Secrétaire aux Affaires Externes de l'AFESH-UQÀM