Aujourd'hui, les fédérations étudiantes (FECQ-FEUQ) organisent une manifestation dans les rues de Montréal. Bien que plusieurs membres des fédérations présent-e-s à cette manifestation, voire même la majorité, combattent les hausses de bonne foi dans une perspective d'accès universelle à l'éducation, nous estimons que la stratégie mise de l'avant par les hautes instances de la FECQ et de la FEUQ est tout autre.
Lutte contre le dégel ou gestion de coupures?
Tout en disant combattre le dégel des frais de scolarité, la FEUQ met de l'avant dans un nouveau «Pacte social de l’éducation post-secondaire» l'idée d'un impôt post-universitaire en plus d’une loi-cadre sur les frais afférents.
L’impôt post-universitaire consiste en un report des frais de scolarité à la fin des études au moment où l’étudiant-e gagne un revenu d’au moins 20 000$ par année. En plus de faire payer les ancien-ne-s étudiant-e-s qui vivent sous le seuil de la pauvreté, ce projet laisse planer le spectre d’une dette consi -dérable. Malgré le fait que les instances des associations membres ne se sont pas encore positionnées sur la question, le président de la FEUQ Jean-Patrick Brady ne se gêne pas pour présenter cette idée comme une alternative à la hausse des frais1 .
Quant à la loi cadre sur les frais afférents, elle aurait comme objectif d'éviter les hausses abusives de frais afférents dans les différents campus, sans toutefois remettre en question la pertinence même d’imposer de tels frais. En ce sens, elle viserait donc à les réglementer plutôt qu’à simplement les éli-miner. Selon cette loi, les hausses ne pourraient être imposées sans l’accord des associations étudiantes. Or, il n’est pas fait mention d’une nécessaire consultation démocratique des étudiant-e-s sur celles-ci.
Alors que plusieurs associations étudiantes se mobilisent pour un réinvestissement public en éducation et dans l'ensemble des programmes sociaux, les fédérations étudiantes préfèrent rester dans le cadre de l'idéologie néolibérale dominante en mettant de l'avant des solutions qui légitimisent le désengagement de l'État tout en faisant reposer le fardeau du financement sur les étudiant-e-s qu'elles prétendent représenter.
Une stratégie perdante
Cette stratégie des fédérations étudiantes ne date pas d'hier. Tout au long de leur histoire, elles ont préféré proposer des stratégies allant dans le sens des politiques étatiques au lieu de mettre de l'avant un véritable projet de société progressif.
En 1996, la FECQ se retrouve à la table de négociation d'une grève qu'elle n'a pas mis sur pied et propose de régler le conflit en abolissant les avantages sociaux des professeur-e-s2. La FECQ et la FEUQ refusent de s’opposer à l’instauration d’une taxe à l’échec au collégial. Rapellons que celle-ci pénalisait financièrement les étudiant-e-s ayant subit un échec et incitait fortement ces étudiant-e-s à l’abandon pure et simple de leur projet d’étude.
En 2000, une coalition d’associations indépendantes mène une lutte contre la taxe à l’échec . La FECQ et la FEUQ ira négocier seule son abolition alors qu’elle n’a pas initiée le mouvement et acceptera même la mise en place de plans de réussites au collégial qui soumettent l’éducation à une logique productiviste.
En 2003, la FECQ publie un communiqué de presse pour féliciter le parti libéral pour sa prise de pouvoir et elle est la seule organisation dite syndicale à applaudir le dépôt du budget provincial3.
En 2005, les fédérations étudiantes acceptent de participer aux négociations de la grève étudiante sans la CASSÉÉ, l'organisation ayant mis sur pied le mouvement. Elle aura des revendications moins larges et laissera de côté toute perspective de gratuité scolaire dans ses négociations. Après une entente plutôt faible, la FEUQ fait une tournée des campus pour appeler les membres à revenir en classe. L’entente sera ultimement rejetée par une majorité d’étudiant-e-s de cégeps et d’universités.
S'unir sur d’autres bases!
Depuis le début des années 1990, la stratégie de lobbying des fédérations étudiantes est prédominante dans le mouvement étudiant. C'est aussi depuis ce moment que furent enregistrés les pires reculs en éducation, souvent avec l'aval explicite des fédérations.
L'histoire des luttes étudiantes et de l'ensemble des luttes sociales nous prouve une chose: les gains les plus imposants en éducation furent obtenu par la mobilisation massive plutôt que par le lobbying. Les plus gros gains en éducations furent enregistrés dans les années 1970 alors que la stratégie combattive était hautement prédominante.
Par cette critique, notre objectif n'est pas de diviser le mouvement mais plutôt de l'unir sur les bases combattives qui ont si bien servi la cause étudiante au fil du temps tout en mettant en évidence les contradictions des organisations qui ont apporté plus de torts que de bien au mouvement étudiant.
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1 Clairandrée Cauchy, «Droits de scolarité: la Fédération étudiante universitaire cherche la formule idéale», Le Devoir, 7 août 2007, p. A5
2 Éric Trottier, «Les étudiants font des suggestions à la ministre», La Presse, 9 novembre 1996, p. A1
3 Vincent Larouche, «La FECQ casse l’élan du mouvement étudiant», L’Aut Journal, novembre 2003 (http://archives.lautjournal.info/autjou ... 10&noj=224)