Le problème vient du peuple
Ah, ce maudit peuple — toujours là à jouer les trouble-fête...
Le problème vient pas de nous : il vient des médias.
Ce serait intéressant de préciser de
quel problème on parle, exactement...
De plus, ça ne nous avance pas beaucoup de dire que le problème, quel qu'il soit (je vais prétendre, pour les fins de ce message, qu'il s'agit d'une « perversion du processus démocratique »), « vient des médias ».
Je crois qu'on s'entendra tous pour reconnaître le fait que les médias jouent effectivement un rôle immense — un rôle démesuré — dans l'aménagement (« the shaping of ») de l'espace politique où l'exercice électoral prend place. Il y a donc ce problème de la démesure. Les voix citoyennes sont complètement enterrées par la tonitruante voix des médias. (C'est à dessein que j'utilise « voix » au singulier; on sait bien que la concentration des médias a pour effet d'homogénéiser le discours ambiant.)
Il y a aussi le problème du
détournement du processus démocratique. Plutôt que d'avoir une réelle
conversation politique (qui suppose une multiplicité de points de vue), l'exercice électoral prend la forme d'une communication essentiellement unidirectionnelle: les partis beuglent leur message en boucle continue, les médias saisissent de cela les éléments qui leur conviennent, en fonction d'un cadre narratif presque déterminé d'avance, un cadre qui donnera « une bonne histoire » (Ohhhh! Ahhhhhh! Regardez par là!!! Ça briiiiiiilllllle! L'ADQ!!!! Ce modeste parti parti de rien du tout qui s'élève dans les cieux avec grâce tel... blahblah...), et puis le peuple, en bout de ligne, reçoit sa bouillie prémâchée dans un état de passivité généralisée. En cette ère où les médias de masse surpuissants abrutissent la population à coups de divertissement savamment calibré, le processus électoral s'est presque complètement assimilé à un soap ou à une série de téléréalité. Les médias de masse ne connaissent qu'une recette; ils l'appliquent indifféremment à Loft Story et aux élections.
Toute l'obscénité de cet état de fait ne doit pas nous faire perdre notre détermination — et encore moins notre lucidité. Il faut se résoudre à l'évidence que les médias de masse ne sont nullement en voie de disparaître; les solutions qu'il faudra mettre de l'avant devront en tenir compte.
Quoi faire, donc, pour renverser la vapeur? Je n'ai qu'une petite idée, quelques petits fantasmes à suggérer (malheureusement, j'ai pas vraiment le temps d'approfondir — une autre fois, peut-être):
- Un mode de scrutin revu
Le mode de scrutin « proportionnel mixte »
tel que revu et corrigé par le Comité citoyen qui a participé à la Commission spéciale sur la Loi électorale me semble un excellent point de départ.
- L'abolition complète des sondages en période électorale
Très sérieusement, je ne vois
aucune justification valable à la publication de sondages dans le processus électoral. Leur présence contribue grandement à faire de l'exercice un concours de popularité qui occulte complètement la « conversation politique ». (En passant, j'ai souvenir d'avoir entendu parler de pays où les sondages sont effectivement proscrits.)
- Le financement public complet des campagnes électorales
Ai-je vraiment besoin de faire la démonstration de l'influence infiniment corruptrice du financement intéressé qui nourrit présentement nos campagnes électorales?
- La multiplication des assemblées citoyennes, des petits débats de quartier, etc.
"Things are more like they are now than they ever were before." (Dwight Eisenhower)