de eloy le Sam Oct 04, 2008 2:35 am
Gatineau, le 4 octobre 2008
(durant la nuit, faute d'arriver à dormir)
Accusé réception d'un étudiant dégoûté
(La présente lettre, dont la diffusion publique est fortement encouragée, ne vise personne à titre personnel, mais bien l'Université du Québec en Outaouais en tant que personne morale)
Madame/Monsieur
Par la présente, je réponds à votre deuxième avis de convocation, qui heureusement pour ma santé mentale, me fut acheminé cette fois-çi sans l'intermédiaire d'un huissier. J'accuse réception certes de votre convocation, émise en date du 3 octobre, mais je ne me présenterai pas devant votre comité, véritable tribunal d'inquisition, où j'aurais sans doute été soumis à « la Question ». Mon absence, du point de vue de votre institution aux airs autocratiques, vous donnera sans doute toute liberté de déblatérer sur mon sort et de m'imposer des sanctions sans que je puisse me défendre de vive voix. Soit.
Je ne me présenterai pas devant votre comité ce mercredi 10 octobre 2008 à 12:10, puisqu'il m'appert que ma simple présence équivaudrait à mon accord tacite vis-à-vis la légitimité du présent processus répressif. Or, il n'en est rien. Votre comité, composé de six postes, ne laisse que deux postes aux représentant-es étudiant-es, ce qui laisse le plein pouvoir de la décision entre les mains de l'administration. Ces deux derniers postes sont de surcroît vacants actuellement. Pour ce qui est des autres membres du comité, certains sont à la fois juge et parti dans le litige actuel, ce qui bien-sûr, est inacceptable et va à l'encontre de la justice naturelle. De plus, votre politique de « santé, sécurité et prévention » en vertu de laquelle vous me convoquez, spécifie noir sur blanc que les décisions dudit comité son finales et sans appel. C'est donc devant un comité anti-démocratique, partial et incontestable que je devrais prouver mon innocence? Il faudra repasser une prochaine fois.
Dans la première convocation, vous convoquiez les neuf « accusé-es » à 20 minutes d'intervalle, en les avisant moins de 24 heures à l'avance. Cela me suffit amplement comme preuve de votre mauvaise foi dans les démarches. Semblant de tribunal expéditif, ce que nous aurions à vous dire ne changerait sans doute pas grand chose à votre décision, puisque dans un si court laps de temps, nous n'aurions sans doute le temps que d'entendre votre version des faits avant d'être conduit à l'échafaud.
Dans cette nouvelle convocation, vous faites fi de ce que nos demandes acheminées le vendredi 3 octobre dernier. Nous avions demandé-es à être entendu collectivement puisque les charges sont portées collectivement; refusé. Nous avions demandé-es d'être entendu au plus tôt le 10 octobre le temps de se préparer; refusé. Nous avions demandé-es un comité impartial; refusé.
Par ailleurs, de quoi sommes nous accusé-es? À mon sens, il ne peut s'agir que d'avoir réunie l'ensemble de la communauté universitaire dans le projet vivifiant de création d'un café étudiant coopératif, qui va d'ailleurs bon train. L'UQO ne se targue-t-elle pas faussement depuis des années dans ses publicités d'être un endroit où il y a une vie étudiante dynamique? À voir la façon dont vous remerciez ceux et celle qui s'impliquent à l'université, cela n'est pas prêt de changer. Impliquez-vous disaient-ils!
Bien-sûr, pour auto-gérer nos café-bars, il fallait en expulser l'opérateur actuel, soit la compagnie Laliberté, et rien ne fut plus aisé. Cette compagnie privée, meut par le simple appât de profits, offrait un service des plus médiocres, depuis que votre Conseil d'administration, lui aussi meut par le simple désir de rentabilité financière, lui avait concédé la gestion des café-bars et cafétérias sur les deux campus. Cela la plaçant dans une situation de monopole, elle ferma nos café-bars, les jugeant non rentables.
Spontanément, les étudiant-es se mobilisèrent en début de session pour dénoncer cette aberration et l'absence de considérations de la compagnie Laliberté envers la communauté universitaire. Ces dernier-ères, bien déterminer à mettre la compagnie hors de l'enceinte de l'université, étaient toutefois conscient-es que pour ce faire, cette dernière devait résilier son contrat. Dans une mobilisation sans précédents à l'UQO, et avec l'appui généralisé de la communauté universitaire (profs, employé-es, étudiant-es, chargé-es de cours, etc.), un moyen de pression issu des pratiques syndicales combatives apparût aux yeux de tous et toutes comme la solution de prédilection: le boycott.
Ainsi, dans l'ensemble des accusations que vous portez collectivement aux neuf militant-es dans la première lettre, la seule à laquelle je réponds pour ma part « coupable » est la suivante: « nuit à l'exercice ou à l'exécution du mandat relatif à la prestation de services alimentaires ». C'était précisément le but du boycott.
Pour ce qui est d'avoir « intimidé un ou des membres de la communauté universitaire », « fait preuve d'un comportement provocant et indécent » et avoir « mis en danger la santé de la communauté universitaire en procédant à la vente ou à la distribution de produits alimentaires en ne respectant pas les normes », ainsi que toutes autres accusations possibles, je clame haut et fort « non-coupable ». D'ailleurs, petit apartheid, il est particulièrement ironique de voir l'administration de l'université se soucier soudainement de la qualité des produits alimentaires en vente sur le campus avec le monopole qu'elle avait concédée à Laliberté (et sa panoplie de distributrices Coca-Cola), compagnie décriée à travers le Québec, au même titre que Sodexho, Chartwell's et autres du genre. Qui plus est, il est particulièrement déplorable que l'UQO préfère dans ce dossier défendre les intérêts la compagnie Laliberté en réprimant les étudiant-es.
Je vous envoie pour ma part cette lettre par courriel, n'ayant ni les moyens financiers (d'ailleur, il est honteux que l'UQO dilapide des milliers de dollars à réprimer les étudiant-es), ni l'envie de vous faire ressentir la gêne et le stress que cela peut occasioner de se faire courir après par un huissier, photos de vous à la main. Je tiens à terminer cette lettre en disant que je referais les « faits et gestes » que j'ai posés, si la chance m'en était donnée, le syndicalisme de combat prouvant bien son efficacité pour arriver aux buts que s'étaient fixés les étudiant-es. Après tout, à qui est l'UQO?
Pour toute présence devant le comité, je réponds donc par cette lettre, qui j'en suis assuré, me laisse une bien plus grande liberté d'expression. Je vous prie de la recevoir comme ma défense ce mercredi 10 octobre 2008 à 12:10 lorsque vous constaterez mon absence devant votre comité. C'est plutôt nous, militant-es intimidé-es, diffamé-es, harcelé-es et brimé-es, qui devrions être les plaignant-es dans cette histoire.
Veuillez agréer, madame, monsieur, l'expression de mon plus profond dégoût face à l'intimidation dont moi et mes camarades sommes victime,
Eloï Gourde-Bureau
Étudiant au baccalauréat en sciences sociales de l'UQO