Étudiez d'abord, payez plus tard!
Clairandrée Cauchy
Édition du jeudi 28 février 2008
Le PQ envisage le report du paiement des droits de scolarité après la fin des études, à même la déclaration de revenus
Alors que le mouvement étudiant s'égosille sur les hausses des droits de scolarité depuis près d'un an, le PQ flottait jusqu'à maintenant sans position définie sur ce sujet délicat, à cheval entre la dernière plate-forme électorale qui proposait le gel et les propos de la chef en faveur d'un dégel. Un comité de réflexion du PQ est sur le point d'accoucher d'une nouvelle position: le remboursement post-universitaire, qui permettrait aux étudiants de ne rien débourser pendant qu'ils sont sur les bancs d'école et de rembourser par la suite le coût de leurs études au moyen de leur déclaration de revenus.
Le Parti Québécois s'apprête à proposer que les étudiants puissent reporter le paiement de leurs droits de scolarité et de leurs frais afférents après leurs études universitaires, a appris Le Devoir. Lorsque les ex-étudiants jouiraient de revenus plus importants, ils pourraient rembourser le coût de leurs études au moment de remplir leur déclaration de revenus.
L'idée, baptisée le «Remboursement post-universitaire» (RPU), émane d'un comité de réflexion dirigé par la députée responsable de l'éducation, Marie Malavoy, sur la contribution étudiante. Le Comité national des jeunes du Parti Québécois (CNJ-PQ) en reprend les grandes lignes dans une proposition qui fera l'objet de discussions lors du prochain conseil national d'orientation du PQ, le 15 mars prochain.
Le comité de réflexion dirigé par Mme Malavoy, qui doit rendre compte de ses cogitations directement à la chef, peaufine actuellement les modalités d'application de cette «alternative aux droits de scolarité». Le RPU permettrait aux étudiants de choisir entre le paiement immédiat des frais ou le report sur leurs déclarations de revenus. Les ex-étudiants dont le revenu est inférieur à 30 000 $ ne seraient cependant pas tenus de commencer à rembourser, selon le scénario à l'étude. Des frais d'intérêt seraient également ajoutés aux montants ainsi différés. Ce faisant, le régime de prêts et bourses serait délesté du coût des droits de scolarité, ce qui permettrait, selon certaines personnes interrogées, de bonifier le régime d'aide financière d'autant.
La position du Parti Québécois sur les droits de scolarité est quelque peu floue depuis l'arrivée de Pauline Marois à sa tête au printemps dernier. Lors de la dernière campagne électorale en mars 2007, le PQ prônait le gel des droits de scolarité. La nouvelle chef a cependant effectué depuis un changement de cap majeur, endossant le principe d'un dégel des droits de scolarité et refusant de s'engager à annuler la hausse de 30 % sur cinq ans décrétée par le gouvernement libéral.
De passage à Gatineau il y a deux semaines, la chef péquiste Pauline Marois avait évoqué à mots couverts ce scénario. «Il faut trouver un moyen de réduire l'endettement étudiant. Il faut trouver un nouveau modèle pour le remboursement des dettes d'études», avait-elle affirmé, en plaidant pour un nouveau contrat social qui prévoirait une contribution accrue non seulement des étudiants, mais aussi du gouvernement au financement des universités.
Le bât blesse cependant lorsqu'il est question du niveau de la contribution étudiante. Le comité avance que celle-ci pourrait équivaloir à 15 % de l'ensemble du financement des universités, dans la mesure où l'État s'engagerait à couvrir 60 % du financement. Ce faisant, les droits de scolarité fluctueraient en fonction des autres sources de revenus, gouvernementales ou privées. Cette proportion était d'environ 14 % en 2004-05, selon les données présentées au comité. Des militants péquistes ont confié au Devoir qu'ils s'inscrivent en faux contre ce principe, craignant que cela ne pave la voie à des hausses des droits de scolarité.
Conseil national
La proposition présentée par le CNJ-PQ au Conseil national, qui définira la plate-forme électorale, reprend le principe du RPU et la proportion de 15 % de la contribution étudiante. En entrevue, le président du CNJ-PQ, Sébastien Lemire, a cependant pris ses distances vis-à-vis du niveau de 15 % de la contribution étudiante.
«Cela crée plus de confusion que cela clarifie les choses», note-t-il, annonçant d'entrée de jeu que la proposition du CNJ-PQ pourrait être rapidement amendée à l'instance du 15 mars. Il suggère que les droits de scolarité soient maintenus à leur niveau actuel, avec un ajustement au coût de la vie. La proposition du CNJ avance par ailleurs que les diplômés qui choisissent de s'installer, pendant au moins cinq ans, dans une région ressource voient l'ardoise de leurs études effacée.
Il faut dire qu'une course à la direction du CNJ-PQ se tiendra au cours de la fin de semaine du 15 mars. La rivale du président actuel, Isabelle Fontaine, décrie la proposition du CNJ-PQ, mal à l'aise avec l'idée de lier la contribution étudiante aux subventions gouvernementales. Elle préconise la tenue d'un sommet sur le financement des études post-secondaires. Entre-temps, un gouvernement péquiste devrait, selon elle, geler les droits de scolarité en «dollars courants», ce qui équivaut à une indexation au coût de la vie.
Une proposition d'indexation des droits de scolarité est aussi avancée par la région de Montréal-Ville-Marie. La région de l'Outaouais présente, quant à elle, une proposition en faveur de la gratuité scolaire.
Les conclusions des travaux du Comité sur la contribution étudiante présidé par Mme Marois ne seront connues qu'après la tenue du Conseil national d'orientation du 15 mars prochain.