Inquiétude
Paru sur le site
http://www.cyberperesse.ca/opinionsPar Vivian Barbot
Ginette Desbiens
Monique Durette
Gabriel Danis
Sylvie de Grosbois
Nicole de Sève
Nicole Filion
Carmen Fontaine
Jacques Fournier
Daniel Lachance
Lyette Lachance
Richard Langlois
Claudine Laurin
Paul Lévesque
Françoise Lemaître-Auger
Carole Lejeune
Chantal Locat
Marie Pelchat
Gabrielle Pelletier
Normand Pépin
Louise Picard
Claude Saint-Georges
Robert Théoret
Nous sommes des citoyennes et des citoyens, engagés dans le mouvement
des femmes, les mouvements sociaux, communautaires, culturels et le
mouvement syndical, qui ne peuvent rester silencieux devant le contenu
de votre texte « Pour un Québec lucide ». Nous aussi sommes préoccupés
par la décroissance démographique, l’état des finances publiques, la
gestion de la dette et des effets de la mondialisation c’est pourquoi
nous désirons vous faire part des inquiétudes que suscite la lecture
d’un tel manifeste.
Inquiétude devant ce texte moraliste de personnes qui s’habillent en «
conseillers des princes » et qui, sous prétexte de lancer un débat
public, se placent au-dessus de la mêlée afin d’influencer les décisions
en matière politique, sociale et économique de notre gouvernement.
Inquiétude devant votre arrogance. Gonflés de certitudes, vous nous avez
assénés vos jugements péremptoires, distribuant blâmes et satisfecit,
comme si, par nature, le seul fait d’appartenir à une élite
intellectuelle, sociale et économique vous conférait une culture et un
savoir innés, sans égard aux démentis que la réalité se charge de nous
révéler.
Inquiétude devant votre diagnostic qui occulte le fait que la croissance
débridée des coûts de la santé est largement tributaire de l’inflation
constante du prix des médicaments et du lobby des technologies médicales.
Inquiétude face à votre manière d’appréhender les conséquences du
vieillissement de la population sur les finances publiques qui occulte
le fait que grâce à leurs contributions à des caisses de retraite ou à
des REER des milliers de femmes et d’hommes vont continuer à payer des
taxes à la consommation et de l’impôt.
Inquiétude devant votre silence sur les privilèges illégitimes et
exorbitants dont jouissent les multinationales, les pétrolières, les
banques, les compagnies pharmaceutiques et les institutions financières
qui privent le gouvernement d’importantes rentrées fiscales et
accentuent le poids de la dette.
Inquiétude devant votre absence d’explications sur le fait que,
notamment à la suite de la crise de l’emploi, de la signature des
accords de libre-échange et de la diminution constante des transferts
fédéraux, les politiques de distribution de la richesse collective sont
devenus exsangues au Québec.
Inquiétude de ne pas trouver dans votre « cri du cœur collectif» de
référence à l’effet sur les services publics de la décision
gouvernementale d’inciter des dizaines de milliers d’employés de l’État
à prendre leur retraite, même prématurée, pour alléger les finances
publiques.
Inquiétude devant votre mutisme sur les efforts, les sacrifices et les
conditions parfois insoutenables imposés à une fraction de plus en plus
importante de la population.
Inquiétude devant les menaces qui pèsent sur les salariés confrontés à
des violations de leur droit à la syndicalisation, à des fermetures
d’usines ou aux demandes patronales de baisser les salaires et d’altérer
les conditions d’exercice de leur travail.
Inquiétude devant votre incapacité à comprendre que nous vivons
présentement une crise de confiance envers le gouvernement et que cette
crise est précisément due au choix des élites en place d'établir des
politiques publiques qui tentent de faire du Québec un espace où les
règles du marché pourront s'appliquer avec le moins d'entraves possibles
et qui produit plus d'exclusion que de distribution de la richesse.
Inquiétude car ce « crime social » ne peut, actuellement, être jugé
devant aucun tribunal si ce n’est une fois aux quatre ans dans un
isoloir qui nous convie souvent à changer « quatre trente sous pour une
piasse » tant que le mode de scrutin ne fera pas plus de place à la
proportionnelle dans la répartition des voix.
Inquiétude de ne pas trouver dans votre diagnostic une évaluation des
politiques familiales, des politiques défaillantes de conciliation
travail-famille et des orientations de nos politiques d’immigration,
politiques essentielles à la correction du déficit démographique.
Inquiétude de constater que toute contestation de vos propos et de votre
projet social est, pour vous, un refus du changement et un engagement
pour « une république du statu quo ».
Inquiétude car votre reproche au mouvement syndical d’être trop centré
sur la « protection à courte vue des intérêts de ses membres » vous
n’osez pas l'adresser aussi aux groupes d’intérêt, « ces experts », qui
pullulent autour du gouvernement.
Inquiétude car ce que vous nous proposez c’est d’abandonner le modèle
social fondé sur l’universalité des droits sociaux, économiques et
culturels.
Inquiétude car si la responsabilité individuelle est essentielle dans la
construction d’un pays à la mesure de nos rêves, elle doit s'exprimer,
cette responsabilité, dans un État fort, solidaire, équitable et
démocratique.
Inquiétude car vous ignorez toutes ces propositions mises sur la table
par le mouvement des femmes, les groupes environnementaux, les
associations étudiantes,. les organisations sociales et syndicales qui
alimentent depuis des décennies la réflexion au Québec.
Nos inquiétudes nous rendent toutefois lucides car nous sommes
convaincus, qu’en dernière instance, les femmes et les hommes du Québec sauront refuser la voie que vous nous proposez et continueront de se battre pour la primauté des valeurs de solidarité, d’égalité, de justice et d’équité dans notre société.
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