Du beurre dans la poêle
http://www.cyberpresse.ca/article/20071026/CPOPINIONS03/710260794/-1/CPOPINIONS03André Pratte
La Presse
La plus radicale des associations étudiantes, l'Association pour une solidarité syndicale étudiante, a suspendu sa campagne en faveur d'une grève de protestation contre la hausse des droits de scolarité. L'ASSÉ n'avait pas le choix: peu d'étudiants appuyaient le débrayage envisagé.
La hausse des droits décrétée par le gouvernement (50$ par semestre pendant cinq ans) est donc passée comme du beurre dans la poêle. Comment expliquer cette passivité quand on sait qu'il y a deux ans, le mouvement étudiant avait fait reculer le même gouvernement dans son intention de rendre moins généreux le régime de prêts et bourses?
Dans le cas de la transformation de 103 millions de bourses en prêts, les étudiants avaient obtenu l'appui de la population. Cette mesure, cela sautait aux yeux, désavantageait les plus pauvres parmi les étudiants. À l'opposé, la population québécoise est depuis longtemps favorable à une hausse modérée des droits de scolarité. La plupart des gens savent qu'une telle hausse est à la fois nécessaire, raisonnable et juste. Malgré cette ouverture, les politiciens, tous partis confondus, ont maintenu le gel dans l'espoir de s'attirer le vote des jeunes (espoir vain, dans le cas des libéraux) et par crainte de provoquer leur colère.
On le voit aujourd'hui, cette dernière peur n'était pas fondée. Devant un gouvernement qui prend une décision justifiée et se tient debout, les étudiants n'ont pas le gros bout du bâton. On en avait déjà eu une preuve il y a 15 ans. Quand le gouvernement Bourassa a décidé de tripler les droits en trois ans, les étudiants ont débrayé massivement... mais le mouvement s'est essoufflé quand le premier ministre a clairement fait savoir qu'il ne reculerait pas. Aujourd'hui, la hausse étant à la fois modérée et étalée dans le temps, les jeunes sentant la détermination du gouvernement, la grève n'aura même pas lieu.
Alors même qu'on apprenait cette nouvelle, le gouvernement a publié une imposante étude de l'économiste Valérie Vierstraete, de l'Université de Sherbrooke. Cette analyse vient confirmer ce que nombre d'autres avaient démontré: l'évolution des droits de scolarité a généralement peu d'effet sur l'accessibilité aux études universitaires. Ainsi, des augmentations importantes survenues en Ontario et en Colombie-Britannique, au cours de la dernière décennie, n'ont pas empêché ces provinces de connaître une hausse substantielle de la fréquentation universitaire.
Pour ce qui est du Québec, Mme Vierstraete a pu calculer l'impact qu'auraient sur les inscriptions à l'université différents scénarios d'augmentation des droits. L'économiste est arrivée à la conclusion que cet impact est pratiquement nul, sauf dans les cas de chocs tarifaires (par exemple, si les droits de scolarité étaient triplés d'un seul coup).
Les militants étudiants se retrouvent à court d'arguments pour appuyer leur lutte contre des augmentations raisonnables des droits de scolarité. Le calme régnera donc au cours des prochains mois sur les campus. Les universités auront un peu plus d'argent à leur disposition. Et tout le monde pourra consacrer ses énergies à ce qui devrait être la seule priorité de tous: la qualité de la formation.