Sous-financement des universités - L'UQAM, [...] Le Devoir

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Sous-financement des universités - L'UQAM, [...] Le Devoir

Messagede Francis Ménard le Ven Fév 29, 2008 9:34 am

Opinion
Sous-financement des universités - L'UQAM, la pointe de l'iceberg

Cécile Sabourin, Présidente de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU)

Édition du vendredi 29 février 2008

Mots clés : financement, UQAM, Investissement, Université, Québec (province)


Déficits budgétaires, rétention par le gouvernement de subventions dues aux universités, projets d’immobilisations d’envergure: comment interpréter les messages entourant le sous-financement universitaire?

La reconnaissance du sous-financement de base des universités québécoises fait largement consensus. Les intervenants québécois en enseignement postsecondaire avaient cru, en février 2006, qu’une solution durable était en vue. Deux ans plus tard, les transferts fédéraux se font toujours attendre et un bras de fer est engagé entre la ministre Michelle Courchesne et les universités.

Pour faire face aux déficits, ces dernières soumettent annuellement leurs activités — l’enseignement surtout — à d’importantes compressions. Faut-il s’en étonner? Si nous mettons l’accent sur la situation de l’UQAM — la pointe de l’iceberg —, en étant conscients que l’enjeu du sous-financement concerne toutes les universités, c’est qu’il faut craindre qu’une lecture tronquée de la réalité ne provoque à l’UQAM une sévère cure minceur, désastreuse pour l’établissement, pour l’ensemble des universités et pour le Québec.

Un projet de société
La démocratisation de l’enseignement universitaire a permis la création de l’UQAM (1969) et des constituantes du réseau de l’Université du Québec. Ce développement consacrait la reconnaissance que l’accessibilité aux études supérieures permettrait de «bâtir le Québec». Dès lors, les moyens financiers devaient appuyer le démarrage, le développement et l’expansion du réseau universitaire.

Depuis des années, le financement de base des universités est lié à l’effectif étudiant et au domaine d’étude, ce qui oriente les décisions en matière de gestion. Il demeure dissocié du financement de la recherche et cette fracture a des effets déterminants sur la santé financière et sur les déficits de toutes les universités.

Grille de financement
L’amorce du réinvestissement gouvernemental en 2007-08 permet d’appliquer une nouvelle grille pondérée de répartition des subventions aux universités. Comptant désormais 23 disciplines, au lieu de 11, et trois cycles d’études, cette grille est réputée refléter le «coût moyen réel» de l’offre des divers programmes dans les «grandes universités». En fait, elle reflète aussi la rationalisation budgétaire effectuée de 2001 à 2003.

La programmation académique joue donc, avec les effectifs étudiants, un rôle déterminant sur la subvention qui garnira le budget de fonctionnement de chaque université. Cette formule encourage une concurrence interuniversitaire afin d’attirer les «clientèles» dans les disciplines «payantes». La tentation déjà présente de gérer les programmes sur des bases éloignées de la mission universitaire risque de s’accentuer avec les nouvelles pondérations.

Quelques données et le «cas» UQAM
La subvention de base versée par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) représente, dans le budget de fonctionnement de l’UQAM, une proportion beaucoup plus importante (près de 66 % en 2004-05) que pour l’ensemble des universités québécoises (53 %). Cet écart est demeuré stable depuis 1997-98. Ainsi, à cause de l’importance de son financement provenant du MELS, l’UQAM se révèle particulièrement sensible aux changements de politiques de financement.

La nouvelle grille de répartition des subventions en vigueur depuis 2007-08 ne corrige pas cette situation. En accroissant, entre autres, le poids du financement pour les études aux cycles supérieurs et pour le secteur de la médecine (absent à l’UQAM), elle défavorise davantage les universités qui ont un pourcentage plus important de leurs étudiants inscrits aux programmes moins bien financés. Cela explique l’effort de recrutement des universités pour les cycles supérieurs, de même que l’impasse budgétaire inévitable pour un département, voire une université, qui possède un premier cycle important. Ainsi, plus fort est le premier cycle… plus faible est l’apport budgétaire.
La charge d’enseignement
Comme le rappelait à juste titre le Syndicat des professeurs de l’UQAM (SPUQ) dans un message diffusé le 26 janvier dans Le Devoir, l’UQAM fait de plus en plus appel aux chargés de cours parce qu’elle manque de professeurs. En 2004-05, ceux-ci assumaient 47 % des cours en comparaison de 61,8 % dans l’ensemble des universités. En 2007-08, 40,8 % seulement des charges de cours au premier cycle sont données par des professeurs. Le nombre de chargés de cours et le nombre de charges de cours qu’on leur confie ont augmenté et continuent d’augmenter plus rapidement à l’UQAM que dans l’ensemble des universités.

La surcharge s’exprime aussi par le ratio étudiants/professeur, qui était de 27,3 à l’UQAM en
2005-06, en comparaison de 21 pour l’ensemble des universités québécoises. Le ratio est particulièrement désastreux au premier cycle: 23,5, comparativement à 17,3 pour l’ensemble des universités. Cela révèle clairement un corps professoral insuffisant. Pourtant, le ratio de 18,5 était considéré, au cours des années 1990, comme la norme afin de préserver la qualité de l’enseignement et de l’encadrement étudiant.

Pour sortir de l’impasse
Au moment où l’UQAM vit une crise financière reflétant de manière aiguë l’état du sous-financement des universités, il est primordial que toutes les parties concernées assument leurs responsabilités en faveur d’une sortie de crise qui renforce le réseau des universités. La mise sur pied d’un comité sur le financement par le recteur Claude Corbo constitue une piste intéressante afin de s’attaquer aux iniquités fondamentales du financement de base.
Le SPUQ rappelait récemment que l’UQAM fut fondée afin de contribuer à rattraper le retard du Québec dans la formation universitaire. Résolument urbaine et populaire, l’UQAM s’est toujours efforcée de conjuguer excellence et accessibilité, innovation et démocratie, créativité et humanisme. Accomplir cette mission — toujours aussi pertinente — exige un effort collectif de la part des professeurs, des autres membres du personnel et de la société québécoise.

De manière plus générale, la «question de l’UQAM» nous amène à dénoncer l’absence de concertation entre les instances gouvernementales responsables du financement de base et du financement de la recherche, notamment la croissance des interventions directes du gouvernement fédéral dans les universités. Le mode de financement actuel s’appuie sur une asymétrie toxique. Des fonds significatifs, pour la recherche, proviennent du ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation (MDEIE), tandis que, pour l’enseignement et le fonctionnement général, l’argent provenant du MELS ne suffit pas.
Ce déséquilibre, s’il semble favoriser la recherche à court terme, effrite l’université québécoise comme institution où recherche et enseignement se fertilisent mutuellement. Il faut de toute urgence commencer par réunir enseignement et recherche sous une seule responsabilité gouvernementale. Et surtout, il faut cesser de se mentir collectivement: nous proclamons l’importance de l’éducation supérieure mais, en hypertrophiant la recherche, nous étranglons l’enseignement et mettons en péril nos institutions universitaires.
Francis Ménard
Gauchiste du Oueb en devenir
 
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