Les travailleurs et les travailleuses en lock-out méritent tout notre appui!
Le conflit opposant les quelques 250 travailleurs et travailleuses du Journal de Montréal (JdeM) à l’empire Quebecor se poursuit. Le lock-out a été décrété le 24 janvier dernier [1] et la grève fut votée trois jours plus tard à plus de 99%.
La direction du JdeM veut imposer au total une liste de 233 reculs à ses employé-e-s. Parmi ceux-ci, la convergence entre les médias du groupe, les suppressions de postes et l’allongement de la semaine de travail. La convergence signifie le droit absolu de se servir de tout le contenu rédactionnel et photographique du JdeM dans d’autres journaux et médias de Quebecor et inversement. Cette convergence causerait inévitablement des mises à pied importantes dans toutes les filiales de la compagnie. La direction veut aussi éliminer une centaine d’emplois immédiatement dans le secteur des annonces classées et des bureaux. Ainsi des travailleurs, qui sont la plupart du temps des travailleuses, à 99% en ce qui concerne les annonces classées, [2] se retrouveraient sans travail. De plus, les travailleurs et les travailleuses des annonces classées encore en poste (75 sur 150) subiraient une baisse de salaire de 25%. Enfin, tous les salarié-e-s verraient leur semaine de travail augmentée de 25% du nombre d’heures travaillées, sans compensation monétaire.
Réduire à tout prix les coûts de production pour maintenir les profits, voilà l’objectif du lock-out. Pourtant, les profits, malgré une baisse de revenus aux annonces classées due aux nouvelles technologies, restent très importants. Ils étaient estimés à environ 50 millions de dollars sur un chiffre d’affaires de 200 millions l’an dernier.
Cependant, plusieurs militants et militantes d’extrême gauche rechignent à l’idée de soutenir ces travailleurs et ces travailleuses de l’information. Nous avons constaté la semaine dernière la même attitude face à la grève des professeur-e-s à l’UQAM. En fait, cette position reflète souvent une attitude idéaliste, moralisante par rapport aux luttes et aux grèves qui peuvent être menées dans ces secteurs d’activités. Bien sûr, les médias et l’école sont des courroies de transmission de l’idéologie dominante. Et il y a des journalistes et des professeur-e-s qui sont des agents enthousiastes de la désinformation et de la propagation des préjugés bourgeois, alors que d’autres, plusieurs autres, les contestent et les combattent du mieux qu’ils et elles le peuvent. Les marxistes savent depuis longtemps que dans une société de classes, les idées dominantes sont celles de la classe dominante (voir L’Idéologie allemande de Karl Marx). Mais nous nous faisons un devoir de soutenir les travailleurs et les travailleuses en lutte contre leurs patrons, indépendamment de leur degré actuel de conscience. Sinon, il vaut mieux ranger tout espoir de transformer le monde… Nous soutenons les luttes économiques des travailleurs et des travailleuses des communications et de l’éducation, comme nous soutenons les luttes de tous les autres secteurs du salariat. C’est souvent dans ces affrontements que la conscience des véritables enjeux peut progresser plus rapidement, car les conditions matérielles et le rapport à l’autorité sont chamboulés. C’est dans cet esprit que nous y intervenons avec une orientation qui met de l’avant la solidarité et la combativité, le contrôle direct et absolu de la lutte par l’assemblée des travailleurs et des travailleuses, la recommandation de l’élection par l’assemblée d’un comité de grève révocable en tout temps et la généralisation la plus large possible de la lutte; une extension et une intensification qui sont indispensables lorsque l’on comprend que la stratégie patronale est de défoncer les salarié-e-s, un établissement à la fois. En fait, les travailleurs et les travailleuses du JdeM, et du Réveil au Saguenay (où les patrons veulent faire passer le nombre d’employé-e-s de 80 qu’ils et elles étaient en décembre 2008, à 18 à la signature d’une nouvelle «entente» de travail) et de toutes les autre filiales de Quebecor auraient dû utiliser l’arme de la grève dès l’imposition d’un lock-out contre leurs camarades du Journal de Québec le 22 avril 2007; un lock-out qui ne s’est terminé qu’au mois d’août 2008. La «stratégie» syndicale de se conformer et se soumettre au cycle légal des périodes de luttes permises par le Code du travail est un atout dans la main de Péladeau comme de tous ses compères exploiteurs. La meilleure stratégie pour notre classe est d’agir en masse et en coordination et non pas attendre et se faire culbuté par les capitalistes, une entreprise ou un secteur à la fois au nom de la conformité à une loi, toute entière au service de la classe exploiteuse.
L’histoire du mouvement ouvrier démontre que les luttes des travailleurs et des travailleuses des communications sont des luttes justes et souvent des luttes importantes qu’il faut soutenir. Ces luttes ont même pris quelques fois l’ampleur d’affrontements majeurs avec l’État. Nous n’avons qu’à penser au célèbre lock-out des journalistes, des employé-e-s de bureaux, des typographes et des pressiers de La Presse en 1971 et à la manifestation d’appui du 29 octobre de la même année, réunissant quelques 15 000 personnes et où une manifestante est morte et où des centaines de personnes ont été matraquées, gazées et arrêtées [3]. On devrait se souvenir aussi du conflit de Wapping en 1986-87, dans le Royaume-Uni de l’infâme Margaret Thatcher, où les 6000 travailleurs et travailleuses du Times, du Sunday Times, du Sun, et de News of the World ont mené une grève contre les plans de restructuration du magnat Rupert Murdoch. Cette lutte, marquée par plus de 1000 arrestations et un grand nombre de blessé-e-s, fut un des épisodes les plus marquants de la lutte contre l’offensive réactionnaire de Thatcher après la grève héroïque des mineurs de charbon de 1984-85.
C’est pourquoi, c’est sans aucune hésitation que le Groupe Internationaliste Ouvrier appelle au soutien à la lutte des travailleurs et des travailleuses du JdeM et du Réveil. Il faut boycotter et encourager activement le boycott du JdeM et du Réveil qui continuent de paraître, malgré la soi-disant loi anti-scabs, une loi qui n’est qu’un effet de manche, une illusion, et qui n’est en général rien d’autre qu’une loi anti-piquetage de masse. Il faut soutenir les grèves, il faut étendre les grèves et il faut unifier les grèves. La reprise des luttes est une condition sine qua non du combat plus généralisé pour le socialisme.
Le Groupe Internationaliste Ouvrier
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[1] Avec celui imposé aux travailleurs et aux travailleuses du Réveil au Saguenay le 4 mars dernier, le dirigeant universellement honni de Quebecor, Pierre Karl Péladeau en est à son 15ème lock-out en 14 ans.
[2] Les licenciements toucheraient les domaines suivants : secrétariat, comptabilité, réception, maquette, documentation, téléphonistes, recherche, etc.
[3] Selon Wikipedia il y a eu alors environ 200 arrestations et 300 blessé-e-s.