Monsieurb: Ok, mettons que la tribu des grands sont historiquement des bergers et que les petits sont historiquement des agriculteurs.
Supposons que depuis quelques temps, le légume fonctionne mieux que la viande de chèvre et que les plantations sont en pleine expansion. On veut tous éviter que les grands soient déclassés du secteur agricole à cause de leur taille et des préjugés. Il est permis, pour un maraîcher humaniste qui a ce problème à cœur, d'embaucher quelques grands dans ses plantations, pour servir de modèle auprès des siens et pour favoriser le rapprochement des communautés. Selon moi (mais probablement pas pour Panurge) il est permis qu'un gouvernement ou une structure similaire aide financièrement l'embauche de grands bien formés et passionnés pour le jardinage mais victimes de racisme de la part d'employeurs petits et butés sur la taille des gens. Je crois qu'on peut tous s'entendre là-dessus.
Mais si le passage est bien ouvert entre les rôles socioéconomiques attribués aux deux tribus, que des grands peuvent être jardiniers et des petits bergers, et qu'en même temps, les grands continuent de s'identifier culturellement aux troupeaux d'antan, que la plupart gardent une ou deux chèvres à la maison, et que les petits continuent de s'identifier aux jardinage, y a-t-il encore un problème???
Et si les activités de jardinage et de bergerie devenaient tout aussi profitables, et que les communautés, par tradition, par habitude, par volontés individuelles, gardaient leurs rôles traditionnels, sans entraver la possibilité que des individus aient des rôles non-traditionnels sans subir aucun préjuger néfaste, y aurait-il encore un problème?
Je me demande simplement si vous luttez contre l'oppression ou bien contre la tradition, fut-elle non-oppressive.
Je vais te donner un exemple, prend le cliché de "c'est le gars qui cruise, c'est la fille qui se fait cruiser".
Encore une fois, c'est une question de vécu. Pour ma part, j'ai l'impression qu'au Québec et dans ma génération c'est plutôt souvent le contraire. En tout cas, si je regarde autour de moi et dans mon expérience personnelle, je vois pas mal de filles qui ont le premier pas et le dernier mot en matière de cruise.
Je te garanti que ça ne rend pas ces filles moins filles.
T'as pas idée de la quantité de filles (adultes!) qui veulent un gars qui soit plus "protecteur", voire dominant.
Et alors? Si ça se fait à leur détriment (par exemple, dans le cas des femmes battues) je trouve ça abject. Mais peut-on s'entendre que la plupart de ces filles qui aiment avoir un compagnon style protecteur ne tombent pas sur des caves violents, et qu'elles en tirent un plaisir et une joie légitimes? Si personne n'est tenu de se conformer à ces stéréotypes, et que chacun trouve chaussure à son pied, où est le problème? D'un autre point de vue, est-il possible que ce soit le stéréotype lui-même qui se conforme aux volontés de la majorité? Et que ce soit la raison de son succès dans la culture populaire?
Si on prend comme vrai que se vouloir libre, c'est aussi vouloir les autres libres (je crois que sinon c'est un ego-trip, rien d'autre),
Envers et contre leur volonté? Non merci.
Si tu considères que mes volontés sont des chaînes, c'est toi qui brime ma liberté. Mon ignorance, elle, peut être des chaînes, et alors, ton seul droit est de me les "enlever" par la connaissance et l'éducation. Par exemple, à travers cette discussion ou en me faisant lire du Judith Butler ou du Michel Foucault, et encore, seulement si j'y consent. Ton seul outil c'est de proposer, et après ça, c'est à moi de disposer, voilà la liberté.
comment une société juste et équitable (si on prend ça comme signifiant société d'individus libres) pourrait exister avec des conceptions pareilles (homme = fort; femme = faible)
Si ces conceptions ne sont pas limitatives ou préjudiciables envers une femme forte et un homme faible et que ceux et celles qui s'y conforment le font volontairement.
Je vous propose explicitement de lutter contre les oppressions sexistes de manière positive, en incarnant à votre guise des femmes fortes et des hommes sensibles. Grâce à ces modèles, et avec l'urbanisation et la tertiairisation de nos économies occidentales, il n'est pas exclu que les volontés individuelles se mènent d'elles-même à l'homogénéisation des rôles sociaux et économiques. Le temps nous le dira. Vous pouvez aussi promouvoir des modèles androgynes, flous, bisexuels et confondants, mais si la population, au choix, préfère les modèles hypersexualisés proposés par les corporations, ne vous surprenez pas: c'est parce qu'elle se sent réellement sexuée, et socialement sexuée.
Ge:
Il semble y avoir une légère confusion ici. La construction sociale n'a rien à voir avec les « attributs physiques objectifs .
Je me serai mal exprimé alors.
J'ai dis: «selon moi les différences de sexes, de tailles, de symétrie du visage, d'ethnie, ect. sont des attributs physiques objectifs
qui ont leur pendant dans la sphère sociale (ce que vous appelez "construction sociale")»
Le «ce que vous appelez.» se référait à «leur pendant dans la sphère sociale» et non au début de la phrase.
Déconstruire les genres revient à éliminer les préjugés sociaux.
C'est de la magie?
Le problème, ce n'est pas l'identité comme telle. Ce sont les conceptions abstraites et matérielles qu'on lui rattache.
Même quand ces conceptions ne causent pas de préjudice? Et/ou qu'elles sont bien assumées par la personne qui s'y identifie?
(exemple du deuxième cas: un punk qui ne se fait pas truster peut toujours changer de look, il n'est pas né ainsi, comme une femme il y a 40 ans (sexe) ou un gitan (ethnie). Ou alors, il peut également forcer la touche pour se donner une excellente réputation, ce qui est très possible dans une société où les préjugers existent mais sont flexibles. Ainsi, sans abolir l'identité "punk", le construit social, il peut l'élargir à son échelle et lui donner un côté "je suis trustable").
Les préjugers font parti de notre monde conceptuel, et notre cerveau se construit grâce à ceux-ci. C'est ce qui nous permet de ne pas être constamment comme un bébé qui doit tout réapprendre.
Les surprises aussi font parti de notre monde, heureusement, et j'aime particulièrement les gens qui surprennent et qui cassent certains préjugers des gens fermés d'esprit (la fille championne de boxe qui surprend le connard qui s'essaie, ou le punk qui connaît parfaitement ses droits et qui surprend le policier, ect.) et cela est possible et souhaitable sans éliminer les identités et les concepts "fille" ou "punk".
Le stéréotype de la femme-porteuse est un exemple de stéréotype qui est tombé avec l'évolution des moeurs au Québec, ici où la plupart des femmes n'a pas d'enfant ou alors un seul. Comme ce stéréotype est tombé, les préjugers par rapport aux femmes avec ou sans enfants disparaissent. Ainsi les stéréotypes peuvent tous tomber, mais habituellement
après une évolution sociale, rarement avant.
Je ne vois d'où tu sors ce chiffre, mais je le trouve un peu déplacé. L'influence de ton sexe est surtout l'influence des conceptions majoritairement acceptées par la société. Sans une révolution totale de ces concepts, un monde juste et égalitaire est impossible.
Le chiffre est un chiffre gratuit, approximatif, mais raisonnable. Je te met au défi de trouver plus de 1% de la population mondiale qui souhaite ne plus être identifiée comme "femme" "homme" "fille" ou "gars". Sérieusement, qu'en penses-tu?
Enfin, je dirai comme Panurge, que les révolutions de concepts ne sont pas garants de révolutions dans le concret. Mais contrairement à lui, je trouve que les débats, les définitions de termes et de concepts ont un rôle immense à jouer dans nos perceptions du monde et par là, sur nos actions et les conséquences de celles-ci sur le monde, et le "verbe créateur" n'est pas pour moi une occasion de moquerie.
(heureusement, vu comme je suis verbo-moteur ces temps-çi)