de BenoitL le Lun Sep 01, 2008 1:13 am
***Attention SPOILERS***
Malgré l'accueil qu'on a semblé lui réserver dans les cercles militants, il était tout de même inconcevable qu'on juge de la qualité du film à ma place. C'est la raison pour laquelle je suis allé le voir Le Banquet ce soir, avec certaines attentes, dois-je l'avouer. Pas que je m'attendais à voir le film de la décennie, ni même un film de grande qualité, mais j'anticipais déjà où le scénario allait nous mener et où il n'allait pas le faire. Quels thèmes allaient être abordés, avec quel crayon gras les personnages allaient être dessinés et surtout, qu'est-ce que le réalisateur allait nous dire? Et à vrai dire, le fait que tout le monde l'ait honni de la sorte m'a encouragé à le visionner.
On ne sait pas trop quelle en est l'idée maîtresse tellement le réalisateur essaie de pointer du doigt tout ce qui bouge. Il ne manque pas d'idées, mais elles n'aboutissent pratiquement toutes pas. Même qu'on vient à s'interroger sur la pertinence de certains personnages dans l'avancement du récit. J'dis ça comme ça, mais la fille du recteur aurait carrément pu être éclipsée. C'est la junkie de service, comme dirait l'autre. La crise qui ébranle la communauté universitaire, c'est un prétexte à tout le reste ou c'est la pierre angulaire du film? Est-ce une énième tentative d'écorcher au passage une jeunesse en perte d'idéal et bla bla? Film de réactionnaire.
C'est sûr que ce que vous aurez le plus remarqué, ce sont les erreurs factuelles sur le déroulement d'une assemblée ou d'une manifestation. Ça frôle l'absurde, mais en même temps, c'était pas non plus essentiel au récit. Et que dire du fameux «Ce n'est qu'un combat, continuons le début!» qu'on entend à deux moments différents? De l'absence d'agents de sécurité dans l'université et de l'occupation ratée dans le bureau du recteur? De l'espèce de léthargie qui semble s'abattre sur un peu tout le monde après le déclenchement de la grève? (ça nous est un peu moins inconnu, cette partie-là </cynisme>) Mais de toute façon, j'crois que ce qu'on devait en tirer, c'est que le mouvement étudiant était désorganisé, ne rejoignait qu'un fraction de la population qu'il souhaiterait rejoindre et qu'il ne semblait pas en mesure d'articuler efficacement ses revendications. La scène de l'entrevue télé et l'autre avec les deux leaders qui se partagent le porte-voix sont particulièrement équivoques.
Il y a une grande part de vérité dans la situation qui nous est présentée; les divisions au sein des étudiants, l'infime poids politique de ces derniers, les jeux de coulisses entre leaders étudiants et personnalités au pouvoir, les responsabilités des élites, etc. Mais le tout n'est qu'effleuré de telle façon qu'on ne puisse pas tellement aller plus loin dans notre réflexion, à moins qu'on aille gratter ailleurs. C'est peut-être la pauvreté du discours politique qui empêche ce film de décoller.
Maintenant, la relation prof/étudiant? On nous montre deux stéréotypes d'enseignants; l'aristocrate fini dans sa tour d'ivoire qui s'assure de creuser davantage le fossé entre lui et ses étudiants (il y avait plusieurs choses intéressantes dans son personnage, néanmoins), mis en contraste avec le type qui couche avec ses étudiantes (peut-être beaucoup plus près de la réalité, celui-là...). Qu'est-ce qu'on nous dit? Que des profs comme ça il ne s'en fait plus, que c'est de la faute du système? Qu'on valorise le nivellement par le bas avec la démocratisation de l'éducation? (j'pense même que c'était une réplique intégrale du film) Où est-ce que le réalisateur veut aller, au fait?
Et ce système, il produit des tueurs désespérés? Mais en même temps, n'a-t-il pas raison de faire cette caricature laconique et triste, quand on constate l'attitude d'un grand nombre d'étudiants qui ne sont là que pour le bout de papier? Il aurait pu aller plus loin à ce niveau-là.
Alors, oui, le film a le mérite de pointer des problèmes qui sont réels, mais ça ressemble finalement à un ramassis de thèmes qu'on a tenté d'intégrer tous ensembles, avec en arrière-plan une société à la dérive. Plus un all you can eat cheap qu'un banquet.
Voilà.
La dialectique peut-elle casser des briques?