Bon. Puisqu'on dirait que personne n'a compris ou jugé pertinente ma question d'il y a 2 pages et qui se lisait comme suit:
«Qu'est-ce que vous appelez "construction sociale" dans une perspective historique? ...Et surtout, est-ce qu'on veut changer une tradition qui est juste dépassée, ou changer une tradition qui a toujours été indésirable et innapropriée??»
Et comme on retourne en rond, je me permet de donner ma petite réflexion sur le sujet.
Pour ce faire, je vais user d'un procédé discursif qui s'appelle le shéma-extrème.
moi-même a écrit:Nous sommes 100 personnes dans le village. On se fait attaquer et on a besoin de 25-30 personnes valides. 40% du monde ont en bas de 14 ans. 5-10% sont trop vieux ou trop "importants". 55% du monde qui reste sont des pères et des mères, dont plusieurs allaitent. Y'a des gens qui vont mourrir, revenir estropiés, ensanglantés, blessés, invalides, avec tous les problèmes qui s'en suivent. Il y a déjà une femme ou deux qui meurent par année, en accouchant. Les films de James Bond n'existent pas.
Que faire?
Cette situation aurait pu se passer, disons n'importe quand dans l'histoire de l'humanité. Tant qu'il y avait de la guerre. Et dans la préhistoire, tant qu'il y avait du danger. Imaginons une assemblée fictive de jadis où chaque personne, non-socialement-déterminée et parfaitement libre, doit voter pour la meilleure solution, pour la survie du groupe. Supposons aussi que personne ne "veut se mettre en danger", pour répondre à Greg.
Risquer des jeunes, c'est un peu cheap, et c'est peu efficace. Perdre des vieux, c'est un peu cheap et rarement efficace. Supposons qu'on envoie 30 personnes: 15 hommes et 15 femmes. Et qu'il en revient 12: 6 gars et 6 femmes (c'est équitable). Les enfants allaitées des femmes tuées doivent être pris en charge par d'autres femmes qui deviennent alors nourisses. En supportant une charge de plus, elles risquent leur santé et celle de toutes les personnes dont elles s'occupent. Les hommes, eux, malgré tous les soins qu'ils peuvent offrir à leur kid ou à la communauté, restent impuissants devant un bébé qui a faim.
Il y a aussi ce principe selon lequel ce qui limite la taille d'une prochaine génération, c'est le nombre de femmes qui veulent ou peuvent avoir un enfant. Le nombre de femme fertile est un peu le "goulot" d'un sablier en ce qui concerne la progéniture. Imaginons une communauté de 100 personnes qui doivent faire face à la vie, et laisser le plus de chance possibles à leur descendants. Supposons que leurs préoccupations sont centrés plutôt sur la survie que sur leur épanouissement individuel par rapport au groupe.
moi-même a écrit:Est-il possible que le choix, conscient ou non, de nos ancêtres ait pu être motivé par de l'amour, de la camaraderie et du sacrifice? Est-il possible que dans une assemblée de jadis, si la question s'était posée, les femmes aient pu faire front commun pour envoyer les hommes en premier? Est-il possible que les hommes, sans avoir jamais écouté James Bond, aient regardé leurs kids un bon coup, avalé leur salive, et se soient préparés à se risquer la peau sans arrière-pensée machiste?
C'est un shéma-extrème mais je crois que ça a pu ressembler à ça. Le dimorphisme sexuel particulier à notre espèce a pu commencer ainsi.
J'arrive à mon point: Si les hommes ont été choisis pour se sacrifier, parceque c'était plus logique dans une optique de survie, c'était peut-être trop rushant pour eux de se sacrifier, comme ça. Disons qu'avec le temps, le moral manquait... D'où un système de valeur à l'origine du machisme: la prise de risque était valorisée, et le succès dans l'épreuve, récompensé. Ainsi, les hommes allaient se sacrifier et se faire massacrer pour la survie du groupe, mais il y avait une compensation: l'estime de soi et le succès du héros qui revient.
Les femmes, sentant qu'elles avaient intérêt, pour elle ou leur progéniture, à ce que les hommes embarquent dans ce système de valeur, ont pu l'encourager, par exemple en préférant la compagnie des hommes prêts à se sacrifier. C'est une sélection sexuelle (où les deux sexes guident la direction évolutive, direction pourtant ségréguée en fonction du sexe).
Ce système où la prise de risque est valorisée aurait marché tant et si bien qu'avec les générations, la biologie l'aurait ancré dans la physiologie des hommes. Des molécules spécialisées l'auraient encouragé, permettant d'activer les neuro-transmetteurs de l'ivresse et de la résistance à la douleur, comme l'endorphine et l'adrénaline, à même une glande spécialisée dans la sécrétion d'hormones, relié au chromosome Y et situé en plein... dans les couilles. Je parle des hormones androgènes comme la testostérone.
Voilà le lien avec les couilles.
Mais à partir du moment où les hommes ne se sacrifient plus pour vrais, que la civilisation se raffine et qu'une relative paix s'installe, les hommes se sont retrouvés avec un système de valeur traditionnel qui était de moins en moins nécéssaire à la survie. Et à partir du moment où la politique remplace le collectif et où l'économie monétaire remplace l'économie familliale, les rôles traditionnels des femmes se sont dévalorisés jusqu'à devenir le modèle absurde de la femme des années 50, dont la vie est vide de sens à part d'être la servante de son mari.
Je ne peux pas vous dire quoi faire avec la langue et les expressions. Par contre, il est évident pour moi que l'expression "avoir des couilles" est sexiste ou du moins sexuée. Elle est aussi pleine d'histoire naturelle, tout comme "la tête à papineau" est une expression pleine d'histoire politique...
Le modèle James Bond est une récupération d'un phénomène naturel. Mais à l'origine de ce phénomène, il n'y a pas de construction sociale. Si vous voulez "déconstruire" ça, attelez-vous dans les labos de chimie et de manipulations génétiques.
Tout comme l'Inuit ne peux pas être végétarien, nos ancêtres ne pouvaient pas être féministes. Je crois plutôt qu'avec l'évolution des moeurs et des rôles économiques et sociaux, avec l'épreuve du temps, les pratiques vont toujours s'adapter dans le language, les comportements et même, si on y met le temps, dans les gènes! Notre ancêtre poisson n'a jamais "déconstruit" ses nageoires, il les a transformé en pattes, qui sont devenus nos jambes et nos mains d'aujourd'hui. À plus courte échelle... Peut-être vaudrait-il mieux chercher à "récupérer" les modèles traditionnels et les adapter à la réalité moderne d'une manière plus juste et intelligente que ne le font les films de James Bond et la publicité, au lieu de chercher à les "déconstruire" artificiellement. Vous savez ce qu'on dit: lutter contre le naturel et il revient au galop.