Le "Camarade" n'est plus

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Le "Camarade" n'est plus

Messagede morinpat le Lun Mai 08, 2006 3:13 pm

Bonjour,

En parcourant ce forum j'ai remarqué que plusieurs d'entre vous s'interpellent en utilisant l'expression "Camarade" probablement inspiré par la période soviétique. Voici un article d'AFP qui pourrait vous intéresser...

http://www.cyberpresse.ca/article/20060508/CPACTUEL/60508054/1015/CPACTUEL

Sans «camarade», les Russes ne savent plus comment s'adresser la parole

Marina Lapenkova

AFP

Moscou

«S'il-vous-plaît, femme! Enfin.. citoyenne!» - «Pas de "citoyenne" pour moi, et pitié, pas de "femme"!» - «Pas grave, poussez-vous, je descends»: pour interpeller un inconnu, les Russes ont bien du mal à trouver un substitut à leur célèbre «Tovarichtch» («Camarade»).

Après la disparition de l'Union soviétique en 1991, Camarade, terme imposé par les bolcheviks, est très vite tombé en désuétude, sauf dans les rangs de l'armée.

Mais par quoi le remplacer? Monsieur, Madame apparaît comme bien formel, sans parler de «Citoyen, Citoyenne». Dans bien des cas, au marché, dans la rue, on interpelle donc son prochain par un «jeune femme» ou «jeune homme», applicables a quasiment tous les âges. Moins poliment, l'on crie parfois carrément «Homme!» ou «Femme!», ou bien l'on reste dans le vague.



«Tovarichtch nous a servi pendant 70 ans, une interpellation pratique et unisexe en plus. Maintenant si je vois quelqu'un laisser tomber un gant, je préfère ne pas l'interpeller parce que souvent je ne sais pas quoi dire», avoue Valentina Novodranova, 70 ans, professeur de latin.

«Ces "Mesdames, Messieurs" ("Damy i Gospoda") sont totalement déplacés chez nous», affirme la vieille dame qui dit «commencer toujours ses cours avec la vieille bonne formule de «camarades étudiants!».

Dans le flou qui prévaut, un Russe sur trois affirme continuer à préférer «Camarade», 15-20% se prononcent pour «Citoyen» et entre 10% et 25% pour «Madame, Monsieur».

«Camarade, c'est trop soviétique, mais Madame/Monsieur sonne trop ampoulé», résume l'actrice Oksana Myssina, avouant «bien se défendre avec des "s'il-vous plaît"... ou "vous ne pourriez pas..?»

Dans les milieux aisés, le choix est déjà fait : salles de concert, restaurants et salons de beauté résonnent désormais de «Mesdames, Messieurs!».

Ailleurs, cela passe moins bien. Olga, jeune journaliste russe, se dit «agacée» chaque fois qu'un chauffeur de taxi l'interpelle à la sortie de l'aéroport sur le mode: «Désirez-vous un taxi, Madame?». Ce dernier mot, qui est bien le «Madame» français et non «Gospoja» purement russe, a souvent une connotation ironique.

Olga s'emporte régulièrement : «Primo, je ne suis pas Madame, secundo, nous ne sommes pas dans un bordel», dit-elle, sentant en plus dans ce terme l'évocation d'une tenancière de maison close. Elle est tout aussi irritée quand des inconnus l'interpellent d'un «ma chère» ou «ménagère», ce qui est fréquent sur les marchés.

«Monsieur» n'a guère plus de succès. «Je ne suis pas riche, inutile de m'appeler Monsieur», rétorque le vieux passager d'un trolley à un voisin décidément trop prévenant.

«Ce sont les magazines occidentaux et la mode de la Russie tsariste qui propulsent la formule Mesdames-Messieurs», estime pour sa part le sociologue Boris Doubine.

Sous les bolcheviks, le mot «monsieur», utilisé souvent par les journaux soviétiques pour désigner des dissidents, revenait à une accusation politique et «citoyen» était utilisé par les interrogateurs du KGB. Seule l'interpellation «camarade» indiquait qu'il s'agissait bien des «nôtres», des «bons».

«Gospodine» reste encore largement réservé aux étrangers.

Après l'abandon massif de Camarade par les ex-Soviétiques, «on a ressorti des formules traditionnelles -- papacha (pépé), mamacha (mémé), synok (fiston) -- et biologiques» («femme», «homme», «jeune homme», «jeune fille», déjà largement utilisés en URSS), selon M. Doubine.

«Ces "fille" et "femme" sont des termes biologiques, bons pour les carnets de santé et pas pour les formules de politesse», s'indigne Ludmila Baranova, médecin-gynécologue de 30 ans.

Fiodor, futur stomatologue de 20 ans, se dit «décontenancé» chaque fois qu'il doit interpeller quelqu'un. «Que la télévision nous explique enfin ce qu'on doit se dire!», s'exclame-t-il.


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Messagede BlacKGuarD le Lun Mai 08, 2006 3:51 pm

Très intéressant d'un point de vue sociologique, voire historique.

D'un autre côté, je ne comprends pas trop où tu souhaites en venir? Crois-tu que nous (gens utilisant le terme "camarade") utilisons ce terme par nostalgie de l'URSS, en hommage à celle-ci ou parce que nous nous réclamons du stalinisme (ou autres courants dérivés)?

J'interpelle les gens en utilisant le terme "camarade". Je continuerai de le faire. Ça et sale chienNE de capitalistE pour les autres, les "méchants", les "pas bons". Pardon, je me "LaPressise".

Et une mention d'honneur à ce sublime passage:
Fiodor, futur stomatologue de 20 ans, se dit «décontenancé» chaque fois qu'il doit interpeller quelqu'un. «Que la télévision nous explique enfin ce qu'on doit se dire!», s'exclame-t-il.

Voici les parallèles amusants:
-Il est un futur stomatologue et ne sait quoi dire. Ironique. :P
-La/le russE est con. Faut l'éduquer vite fait parce que là, ça va pas. On garde l'image du et de la russE idiotE et arriérée, comparativement à un monde occidental évolué en dépeignant aussi péjorativement un problème historique, le placant comme une attraction.
-La Télévision = Le Bien de l'Humanité. Vite, éduquons-nous à l'occidentale!
-Les russes qui vont réussir ou réussissent (stomatologue, médecin-gynécologue, etc.) croient en ceci (donc ont raison puisqu'ils et elles réussissent) et sont aussi décontenancéEs que vous, pauvres russes de base (vieux passager d'un trolley, etc.).


Très divertissant, les techniques de propagande des grands médirats occidentaux.
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Messagede Tovarichtch le Sam Mai 13, 2006 7:47 am

C'est pas mon pseudonyme ça ?

Ah ben, oui. :)
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Messagede Andrew Koster le Jeu Mai 18, 2006 12:03 am

«Ce sont les magazines occidentaux et la mode de la Russie tsariste qui propulsent la formule Mesdames-Messieurs», estime pour sa part le sociologue Boris Doubine.

Fiodor, futur stomatologue de 20 ans, se dit «décontenancé» chaque fois qu'il doit interpeller quelqu'un. «Que la télévision nous explique enfin ce qu'on doit se dire!», s'exclame-t-il.

On dirait qu'il cherche à la mauvaise place... au lieu de demander à la télé quoi dire, il devrait vérifier avec les magazines... enfin.

En tout cas, l'expression "camarade" n'a pas nécessairement une signification soviétique; les anars, par exemple, l'utilisent aussi. Après tout, on dit plus souvent "camarade" que "tovarichtch".
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Messagede BlacKGuarD le Jeu Mai 18, 2006 3:08 pm

Sauf Franko mais lui, c'est un bureaucrate stalinien.
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Messagede Etienne S le Jeu Mai 18, 2006 4:05 pm

Très intéressant cet article Pat Morin. C’est intéressant de voir à quel point les réformes linguistiques peuvent complètement transformer les représentations symboliques auxquels se réfèrent de simples marques de politesse. On peut en effet constater une profonde désorganisation culturelle en ex-URSS. Voulant se dégager de la symbolique soviétique, les individus ont toutefois énormément de difficulté à la remplacer. D’autant plus que ce dégagement n’est que partiel puisque la connotation négative à laquelle se réfère les autres termes servant à désigner les individus qui s’est installée pendant le régime soviétique persiste.

Cette illustration d’une banalité quotidienne doit en fait être le symptôme d’une profonde désorganisation culturelle et sociale en Russie, qui touche toutes les sphères et toutes le dynamiques de la collectivité.



Blackguard, je vois mal pourquoi tu sembles le prendre sur ce ton… ce que j’ai vu dans le message de M. Morin (ou du camarade Morin ha!ha!) est l’envie de partagé avec vous une illustration de la difficulté de se débarrasser de certaines symboliques, même si elle est révolutionnaire. De plus, il est clair que le terme camarade se réfère à un certain romantisme révolutionnaire, et il n’est pas inintéressant d’observer son ancrage non seulement dans certaines sous-culture (des organisation anarchistes ou communistes), mais aussi dans la culture générale d’un peuple en entier.

Bien sur, le terme «camarade» n’est pas l’apanage de l’URSS. Si le terme camarade est utilisé depuis la Révolution française dans le but d’abolir les titres de noblesse, et dans les organisation de gauche de langue latine, il a toutefois été généralisé et imposé dans la culture générale qu’en URSS. Le Komintern, contrôlé en majeure partie par le PC-URSS, est par la suite devenu la référence pour des partis socialistes et communistes de la plupart des pays du monde, ce qui a favorisé la généralisation du terme camarade pour l’ensemble de la gauche, peu importe sa langue.
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Messagede BlacKGuarD le Jeu Mai 18, 2006 5:46 pm

Pourquoi prends-tu ce qui est dit dans l'article comme nécessairement vrai et pleinement juste et représentatif de la situation actuelle?

C'est un portrait qui est dressé par unE journalistE, lequel ou laquelle journalistE est au service d'un charmant conglomérat occidental de médias. Beaucoup de techniques dite de propagande insidieuse se retrouvent dans cet article et je ne peux que croire en la cause la plus probable de cet article, soit de servir les intérêts du bon patron et de la classe dirigeante. Dans un contexte plus généralisé, je n'accorde pas la moindre crédibilité à tout article ou tout journaliche provenant d'un quelconque conglomérat puisque ceux-ci servent invariablement les intérêts de la classe bourgeoise.

Par ailleurs, je l'ai pris sur ce ton partiellement pour cette pointe qui nous et me fut lancé:
En parcourant ce forum j'ai remarqué que plusieurs d'entre vous s'interpellent en utilisant l'expression "Camarade" probablement inspiré par la période soviétique.

Je ne fais pas l'usage, pour ma part, de l'expression "camarade" après avoir été inspiré par la "Très Glorieuse" période soviétique... C'est une assez grave insulte que de me dire que j'utilise le terme camarade probablement après avoir été inspiré par le régime totalitaire soviétique.

De là, j'en sous-entends que ladite personne semble évidemment avoir des préjugés sur "nous", pauvres gaugauchistes illusionnéEs qui utilisons le terme "camarade" et qui pensons que l'URSS fut géniale. Et bientôt, l'on pourrait nous donner un cours d'histoire là-dessus aussi. Dum de dum.
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Messagede Etienne S le Jeu Mai 18, 2006 6:50 pm

Que ce que la journaliste rapporte soit une généralité ou non, je ne vois pas en quoi il s'agisse d'un article utile à une conspiration quelconque contre les opprimé-e-s. Il ne fait qu'exposé par un exemple banal du quotidien la persistance d'éléments culturels révolutionnaires au sein d'une population, ce qui est une évidence pour une population qui a vécu sous ce régime pendant 70 ans.

On pourrait dire la même chose au Québec sur le fait que des expressions telles que «Mon doux seigneur!» ou bien «Câlisse de trabarnak!» dénote l'inscription dans la culture générale la persistance d'éléments catholiques.

Pour ce qui est de l'insulte, je crois tout simplement que l'utilisation du terme camarade peut faire sourir puisque, d'un côté, certains l'adoptent comme élément identitaire puisque se considère à gauche, alors qu'à d'autres endroits, il fût imposé comme élément identitaire national.

C'est tout. Je ne vois pas en quoi il y a matière à se sentir lésé par cela. Et si tu n'utilises pas le «camarade» romantique parce que tu t'identifies à la symboliques des PC, et bien tant mieux pour toi. Il n'en reste pas moins qu'il s'agisse d'un coloré cliché de gauche qui en fait sourir plus d'un, pas méchament, j'entends.
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Messagede BlacKGuarD le Jeu Mai 18, 2006 7:16 pm

Tovarichtch ne fut pas imposé à la population "soviétique" en tant que tel. Il fut grandement utilisé en premier lieu par un bon nombre de personnes proches des éléments les plus révolutionnaires et devint courant après la publicisation des victoires révolutionnaires.

Sur les plans historique et culturel, j'en apprécie la portée, la signification passée et présente ainsi que l'indéniable provocation qui y est associée - tu l'as dit toi-même, il provoque chez certainEs des sourires en coin, chez d'autres une gêne, voire une consternation née de leur incultisme.

Sur le plan linguistique, j'en apprécie le charme et la consonance. Ce terme me plaît et a l'avantage d'être autant féminin que masculin. Qui plus est, il m'apparaît comme étant une magnifique façon d'interpeler quelqu'unE, plutôt que d'utiliser le prénom de la personne ou quelque chose comme "Salut toi!", "Salut l'amiE!", etc.

"Salut camarade!", y'a rien de plus joli. Voilà, c'est dit.
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