En parcourant ce forum j'ai remarqué que plusieurs d'entre vous s'interpellent en utilisant l'expression "Camarade" probablement inspiré par la période soviétique. Voici un article d'AFP qui pourrait vous intéresser...
http://www.cyberpresse.ca/article/20060508/CPACTUEL/60508054/1015/CPACTUEL
Sans «camarade», les Russes ne savent plus comment s'adresser la parole
Marina Lapenkova
AFP
Moscou
«S'il-vous-plaît, femme! Enfin.. citoyenne!» - «Pas de "citoyenne" pour moi, et pitié, pas de "femme"!» - «Pas grave, poussez-vous, je descends»: pour interpeller un inconnu, les Russes ont bien du mal à trouver un substitut à leur célèbre «Tovarichtch» («Camarade»).
Après la disparition de l'Union soviétique en 1991, Camarade, terme imposé par les bolcheviks, est très vite tombé en désuétude, sauf dans les rangs de l'armée.
Mais par quoi le remplacer? Monsieur, Madame apparaît comme bien formel, sans parler de «Citoyen, Citoyenne». Dans bien des cas, au marché, dans la rue, on interpelle donc son prochain par un «jeune femme» ou «jeune homme», applicables a quasiment tous les âges. Moins poliment, l'on crie parfois carrément «Homme!» ou «Femme!», ou bien l'on reste dans le vague.
«Tovarichtch nous a servi pendant 70 ans, une interpellation pratique et unisexe en plus. Maintenant si je vois quelqu'un laisser tomber un gant, je préfère ne pas l'interpeller parce que souvent je ne sais pas quoi dire», avoue Valentina Novodranova, 70 ans, professeur de latin.
«Ces "Mesdames, Messieurs" ("Damy i Gospoda") sont totalement déplacés chez nous», affirme la vieille dame qui dit «commencer toujours ses cours avec la vieille bonne formule de «camarades étudiants!».
Dans le flou qui prévaut, un Russe sur trois affirme continuer à préférer «Camarade», 15-20% se prononcent pour «Citoyen» et entre 10% et 25% pour «Madame, Monsieur».
«Camarade, c'est trop soviétique, mais Madame/Monsieur sonne trop ampoulé», résume l'actrice Oksana Myssina, avouant «bien se défendre avec des "s'il-vous plaît"... ou "vous ne pourriez pas..?»
Dans les milieux aisés, le choix est déjà fait : salles de concert, restaurants et salons de beauté résonnent désormais de «Mesdames, Messieurs!».
Ailleurs, cela passe moins bien. Olga, jeune journaliste russe, se dit «agacée» chaque fois qu'un chauffeur de taxi l'interpelle à la sortie de l'aéroport sur le mode: «Désirez-vous un taxi, Madame?». Ce dernier mot, qui est bien le «Madame» français et non «Gospoja» purement russe, a souvent une connotation ironique.
Olga s'emporte régulièrement : «Primo, je ne suis pas Madame, secundo, nous ne sommes pas dans un bordel», dit-elle, sentant en plus dans ce terme l'évocation d'une tenancière de maison close. Elle est tout aussi irritée quand des inconnus l'interpellent d'un «ma chère» ou «ménagère», ce qui est fréquent sur les marchés.
«Monsieur» n'a guère plus de succès. «Je ne suis pas riche, inutile de m'appeler Monsieur», rétorque le vieux passager d'un trolley à un voisin décidément trop prévenant.
«Ce sont les magazines occidentaux et la mode de la Russie tsariste qui propulsent la formule Mesdames-Messieurs», estime pour sa part le sociologue Boris Doubine.
Sous les bolcheviks, le mot «monsieur», utilisé souvent par les journaux soviétiques pour désigner des dissidents, revenait à une accusation politique et «citoyen» était utilisé par les interrogateurs du KGB. Seule l'interpellation «camarade» indiquait qu'il s'agissait bien des «nôtres», des «bons».
«Gospodine» reste encore largement réservé aux étrangers.
Après l'abandon massif de Camarade par les ex-Soviétiques, «on a ressorti des formules traditionnelles -- papacha (pépé), mamacha (mémé), synok (fiston) -- et biologiques» («femme», «homme», «jeune homme», «jeune fille», déjà largement utilisés en URSS), selon M. Doubine.
«Ces "fille" et "femme" sont des termes biologiques, bons pour les carnets de santé et pas pour les formules de politesse», s'indigne Ludmila Baranova, médecin-gynécologue de 30 ans.
Fiodor, futur stomatologue de 20 ans, se dit «décontenancé» chaque fois qu'il doit interpeller quelqu'un. «Que la télévision nous explique enfin ce qu'on doit se dire!», s'exclame-t-il.
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Patrick Morin
AGE-UQO