ENFIN !!! Je l'attendais ce foutu texte contre les stéréotypes
Publié le 22 octobre 2008 à 05h00 | Mis à jour à 09h12
Les cégépiens travaillent trop
Daphnée Dion-Viens
Le Soleil
(Québec) Exit le mythe du cégépien paresseux! Les jeunes d'aujourd'hui n'ont, au contraire, jamais autant travaillé : 72 % des cégépiens ont un boulot. Et ce n'est pas tout : un jeune sur quatre travaille plus de 20 heures par semaine, compromettant ainsi ses chances de réussir à l'école. Le sociologue Jacques Roy tire la sonnette d'alarme.
Dans son nouvel essai lancé aujourd'hui, le chercheur braque les projecteurs sur cette génération qui sacrifie son éducation sur l'autel du marché de l'emploi. L'ouvrage Entre la classe et les Mcjobs : portrait d'une génération de cégépiens met en lumière un des changements les plus marquants chez les jeunes des années 2000 : depuis 1970, le nombre de cégépiens qui conjuguent études et boulot a presque... quadruplé, passant de 20 % à 72 %, et ce, autant chez les filles que chez les garçons.
Selon une enquête réalisée par M. Roy et son équipe auprès de 1729 élèves, les cégépiens consacrent même plus d'heures au travail (17 heures en moyenne) qu'à l'étude à la maison (12 heures). «C'est majeur, lance Jacques Roy. Comme société, on est en train de manquer le bateau!»
À petites doses, le travail ne nuit pas nécessairement à la réussite scolaire, précise-t-il. Ce n'est pas parce qu'un élève travaille quelques heures par semaine qu'il ne passera pas sa session. Mais à partir de 20 heures par semaine, «la lumière rouge commence à allumer». La moyenne scolaire de ces étudiants est alors nettement à la baisse.
Selon la même enquête, 27 % des cégépiens consacrent 20 heures et plus à un emploi, tout au long de l'année scolaire. Et la grande majorité occupent un emploi qui n'a absolument rien à voir avec leur formation au cégep.
Pourtant, la réussite scolaire et les études arrivent assez haut dans l'échelle de valeurs des cégépiens interrogés (septième rang), devant le travail, qui occupe le 13e rang. En tête de liste, le respect, l'honnêteté, la famille, l'amitié et l'amour.
À bout de souffle entre le boulot au resto et les cours de philo, un élève peut rapidement devenir surchargé et fatigué, ajoute M. Roy. D'ailleurs, 56 % des jeunes interrogés ont affirmé se sentir stressés. «Le stress fait partie intégrante du quotidien des cégépiens», indique le chercheur.
Autonomie financière
Pour la grande majorité des élèves, travailler reste un choix : seulement 15 % occupent un boulot pour payer le loyer, l'épicerie ou les factures d'électricité. La grande majorité (79 %) bossent d'abord pour accroître leur autonomie financière. «Ils travaillent beaucoup plus pour se donner un meilleur confort», explique Jacques Roy. Sorties entre amis, téléphone cellulaire, vêtements dernier cri... «Tout ça se passe dans une inconscience collective, dans un certain laisser-aller. C'est comme si les gens avaient démissionné», déplore-t-il.
Selon le professeur du Cégep de Sainte-Foy, c'est toute la société qui est à blâmer. L'éducation doit redevenir une priorité. Les employeurs doivent faire comprendre aux jeunes que les études doivent passer avant le boulot. Les parents et les cégeps doivent aussi marteler le même message.
«Il y a des cégeps qui ont commencé à modifier leurs horaires en fonction de l'emploi des élèves. Or, ça envoie un message pervers, comme si l'éducation était moins importante que l'économie marchande. Mais pourtant, la première job d'un cégépien, c'est d'étudier!» dit-il.
Selon lui, le Québec est mûr pour un grand débat de fond sur l'éducation des jeunes, afin d'éviter d'hypothéquer toute une génération alors que l'avenir est à l'économie du savoir et aux emplois spécialisés.