Étudiants et classe moyenne: même combat!
Alexandre Veillette, Étudiant en biologie à l'UQTR
Louis Drzymala, Étudiant en sciences économiques à l'Université de Montréal
Mathieu Charbonneau, Étudiant en sociologie à l'UQAM
Édition du mardi 12 février 2008
Il est dans l'intérêt de tous les Québécois d'appuyer le mouvement étudiant et ses revendications pour une meilleure qualité et accessibilité de l'éducation à tous les niveaux. En effet, l'expérience montre qu'un système d'éducation public est essentiel au bien-être de tous. Et surtout, qu'une éducation post-secondaire accessible et démocratique permet l'existence d'une classe moyenne large et saine.
Nous souhaitons que soit redéfinie l'approche du mouvement étudiant québécois. Les positions respectives de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSEE) contribuent à diviser et à affaiblir le mouvement étudiant québécois. Il est donc urgent de sortir de cette opposition entre un «surplus de pragmatisme politique» et un «excès de militantisme radical».
Il nous semble essentiel de considérer la hausse des droits de scolarité comme une autre manifestation des pressions financières croissantes sur la classe moyenne. L'éducation n'est pas un privilège, mais un droit. Et la gratuité de l'éducation post-secondaire est une revendication légitime. De fait, cette gratuité est estimée à un coût d'environ 1,22 milliard de dollars, somme qui aurait pu provenir en grande partie des 950 millions de dollars attribués en baisses d'impôt au dernier budget.
Dégel et désengagement
En réalité, la hausse des droits de scolarité ne constitue pas une solution au problème de sous-financement chronique des universités. En effet, celles-ci ont enregistré de tels déficits que l'augmentation des droits de scolarité n'arriverait pas à les éponger, encore moins à rembourser leurs dettes respectives. Notons qu'au Québec, chaque dégel des droits de scolarité fut accompagné d'un désengagement de l'État: la part de financement du gouvernement est passée de 87 % à 71 % depuis le dégel de 1988.
Pourtant, une étude commandée par le ministère de l'Éducation prévoit une baisse des effectifs de 6000 étudiants d'ici cinq ans en raison du récent dégel. En plus d'écarter les plus pauvres, la hausse des droits de scolarité est une autre manifestation des pressions croissantes sur une classe moyenne de plus en plus imposée par rapport aux plus riches.
De plus, avec l'intrusion du privé par l'apparition des «PPP», le principe d'utilisateur-payeur risque de s'étendre, tant en santé qu'en éducation. C'est donc dire que certains croient bon de remplacer la redistribution (taxation des plus riches) par un système cherchant à mettre un prix sur chaque service, aussi essentiel soit-il. Enfin, le crédit est devenu un «poumon artificiel» pour la classe moyenne. L'endettement des ménages est croissant, et une augmentation des frais de scolarité ne règle en rien le problème. Bref, la classe moyenne est en processus de décomposition, et ceux qui en sortent le font très rarement vers le haut.
Or, on observe que la majorité des étudiants universitaires proviennent d'une famille de classe moyenne. Environ 70 % des étudiants proviennent de familles dont le revenu annuel est de moins de 75 000 $. L'augmentation des droits de scolarité participe ainsi directement à cette désintégration de la classe moyenne, notamment pour les parents s'acquittant des droits de scolarité de leurs enfants. Nous sommes en droit de nous interroger: est-ce raisonnable de puiser des revenus supplémentaires dans une population déjà écrasée par un fardeau fiscal grandissant?
Pour la classe moyenne
En somme, les étudiants ne luttent pas pour leurs propres intérêts. La classe moyenne existe en grande partie grâce à une éducation post-secondaire publique et accessible, et les étudiants d'aujourd'hui formeront la classe moyenne demain. De plus, en raison de son inefficacité à rétablir la situation financière des universités, la hausse des droits de scolarité s'inscrit comme une mesure laissant indirectement la voie libre à une présence plus imposante du secteur privé en éducation.
Il est donc logique que l'éducation et la santé soient en crise alors même que les plus riches tendent de moins en moins à participer aux revenus de l'État. On constate que de 1963 à 2003, la participation des particuliers aux coffres de l'État a bondi de 45 % à 80 %, alors que celle des entreprises est tombée 55 % à 20 %. Pendant ce temps, la majorité de la population devrait payer pour ses services de santé et d'éducation?
Contrairement à ce que leurs discours laissent entendre, les trois «grands» partis proposent tous des politiques en éducation négligeant les classes moyenne et pauvre. Ils participent de cette idéologie voulant que permettre aux plus riches de s'enrichir bénéficie à l'ensemble de la société. Le verdict est clair: la tendance en marche en éducation est inacceptable, tant sur le plan de sa pertinence économique qu'au regard de la justice et du bien-être de tous.
http://www.ledevoir.com/2008/02/12/175732.html