Pour en finir avec l'université bourgeoise

Discussions portant sur l'ASSÉ et le mouvement étudiant en général.

Pour en finir avec l'université bourgeoise

Messagede Maoist Fighter le Ven Déc 01, 2006 3:59 pm

Voici un vieux texte d'il y a cinq ans qui avait été posté sur la liste internet de l'ASSÉ d'alors. L'analyse est intéressante. Peut-être trop optimiste sur les qualités révolutionnaires des étudiantEs. Sans imaginer une révolution socialiste, peut-on envisager un véritable changement à l'université? Ça mérite tout de même d'être lu et critiqué.

Pour en finir avec l'Université bourgeoise

L'université actuelle est bourgeoise en plusieurs points. 1) Elle l'est par son rôle d'inculcation de l'idéologie bourgeoise dominante (y compris ses sous-variétés plus ou moins affectées par la lutte idéologique avec d'autres classes sociales). 2) Elle l'est par le fait qu'elle travaille à reproduire la structure des classes sociales, en premier lieu, la bourgeoisie elle-même, ce qui convient à la reproduction du capitalisme monopoliste. 3) Elle l'est par ses modes privilégiés d'apprentissages qui socialise le contenu émis par un diffuseur (le professeur) mais individualise la réception des connaissances ce qui décourage le travail collectif de production de connaissance scientifiques. 4) Elle l'est par ses liens privilégiés qu'elle entretient avec les membres de la bourgeoisie (ses ex-étudiantEs, ses bailleurs de fonds, ses membres de Conseil d'administration, ses directeurs/trices de chaire, etc...). 5)Elle l'est parce qu'elle étouffe la mémoire populaire, les préoccupations des classes populaires et l'idéologie révolutionnaire que ces dernières tentent de se forger.

Il devient difficile de faire une hiérarchie de ces différents points parce que tous sont caractéristiques de l'Université bourgeoise. Les militantEs se sont spontanément mobiliséEs contre l'existence de liens privilégiés entre l'Université et la bourgeoisie lors de la lutte contre le contrat d'exclusivité de Coke et la lutte contre la répression qui a suivi l'arrestation de 66 étudiantEs dénonçant le contrat d'exclusivité. Une vague formule d'autogestion est apparue spontanément nécessaire. Le poids de la bourgeoisie comme bailleurs de fonds et comme membres du Conseil d'administration de l'UQAM apparaissaient trop fort. Il fallait changer les instances décisionnelles de l'Université. Un CA sans la bourgeoisie apparaissait la revendication immédiate partagée par l'ensemble des contestataires.

En admettant qu'on ait aboli ce CA avec des membres étrangers à l'Université, en admettant que toute la communauté de l'UQAM aurait élu ses membres, aurait-on aboli pour autant l'Université bourgeoise. Ici, il n'est pas question de contester la validité de telles revendications dans un contexte de court terme. Il s'agit de voir les limites de celles-ci. L'État, qui demeure bourgeois, garde un ascendant sur l'Université. Si on conteste le financement privé, minimalement, il faut admettre celui de l'État. Cependant, l'État va tenter de conditionner ce financement de toutes les manières possibles. Les contrats de performance demeurent l'intervention la plus franche de l'État, puisqu'ils en montrent son vrai caractère. Par contre, il serait naïf de croire que, depuis 1969, date des premiers cours offerts par l'UQAM, l'État aurait fourni son assistance financière à l'UQAM sans y aller d'influences plus ou moins occultes. Si l'UQAM du début a innové sur beaucoup de points, si elle était relativement autonome de l'État dans beaucoup de ses objectifs, force est de constater aujourd'hui que ce n'est plus le cas. La lutte pour l'autonomie universitaire, ou l'autogestion, ne pourra qu'être une lutte constante dans un régime bourgeois ou dans un régime qui porterait encore les stigmates de la société bourgeoise.

Manifestement, il faut aller au-delà. Historiquement, le rôle de l'Université a été de produire la connaissances scientifiques. Il ne s'agit pas que de la connaissances dans les seules sciences pures, il s'agit aussi de celles qui touchent les rapports sociaux, les rapports interindividuels, la sensibilité artistique, etc. L'Université, de ces débuts au moyen-âge européen où il fallait restaurer le savoir acquis durant l'Antiquité jusqu'à aujourd'hui, n'a pas changé de fonction sociale. Certaines de ses structures sont demeurées. La relation maîtres-disciples se maintient toujours. Elle l'est surtout pour les étudiantEs des cycles supérieurs où existent un rapport privilégié entre le-la professeurE directeurE de mémoire ou de thèse et l'étudiantE. Néanmoins, il y a eu des changements significatifs. Avec l'entrée de fortes cohortes d'étudiantEs durant le XXe siècle, résultant d'un mouvement de masse pour la démocratisation de l'éducation mais aussi de nouveaux besoins pour le développement des forces productives humaines, l'université s'est aussi modifié. La relation privilégiée maître-disciple, lors des siècles antérieurs, affectait touTEs les étudiantEs (on devrait malheureusement dire tous les étudiants) dès leurs premières heures à l'Université. Beaucoup déplorent aujourd'hui que cette relation n'existe plus pour les étudiantEs de premier cycle. Alors qu'on revendique habituellement l'émancipation, il est paradoxale de revendiquer un rapport qui, objectivement, en est un de dépendance,

Maintenant, nous avons l'université de masses avec ses fortes cohortes d'étudiantEs petitEs-bourgeoisEs de provenance et de destination. Le nombre de professeurEs n'ayant pas crû dans la même proportion que celle des étudiantEs, nous nous retrouvons avec des méga-classes où le contenu des apprentissages émis se concentrent de plus en plus dans les mains de quelques détenteurs/trices du savoir. Les séminaires de discussion avec le-la professeurE deviennent le privilège d'une minorité d'étudiantEs lors de la maîtrise et du doctorat. Le premier cycle d'enseignement universitaire n'a d'utilité que pour tamiser les étudiantEs qui pourront avoir minimalement un diplôme ou pourront poursuivre leurs études dans les cycles supérieurs et s'insérer dans la confrérie des détenteurs/trices du savoir.

Maintenant, de quel savoir s'agit-il? Il est question d'un savoir limité par les débats académiques de la confrérie, les besoins de l'État bourgeois et ceux de l'entreprise privée. On aurait tort de penser que les professeurEs vont relayer adéquatement les débats entretenus dans la dite société civile. Il est vrai que certaines professeurEs ont des fortes sympathies pour les classes populaires et que d'autres en ont pour la classe bourgeoise. Mais le prisme des débats académiques est un temps nécessaire de la reproduction du savoir universitaire. D'une certaine manière, il existe un champ universitaire où des enjeux de luttes internes y trouvent un lieu. La lutte des classes hors de l'université va influer les débats académiques. Mais, parce qu'il y a un prisme obligé, cela va concourir en fin de compte à la reproduction de l'idéologie bourgeoise dominante. Un savoir sans luttes est impensable.

Très souvent, vu de loin, les débats académiques apparaissent très futiles. On se chicane sur des virgules, sur des vétilles. Un point de débat y acquiert la qualité d'un gouffre insurmontable. À mesure que les étudiantEs s'intègrent dans le champ académique, ils et elles s'embarquent dans ses débats internes oubliant qu'il y a des luttes concrètes en dehors de l'Université, qu'il y a des classes populaires aspirant à de véritables changements sociaux et qu'il y a une bourgeoisie faisant tout pour enrayer cette possibilité. L'intégration aux débats académiques permettra la sélection de celles et ceux qui pourront avoir minimalement un diplôme ou pourront poursuivre plus à fond les études, s'intégrant davantage aux diktats de ce champ académique.

Les cours offerts lors du premier cycle n'apparaissent être qu'un simple exercice de faire valoir de professeurEs dont l'objectif principal n'est que la reproduction de leur courant idéologique. Pour obliger les étudiantEs à supporter ce courant, les enseignantEs auront recours à l'arme de la notation sommative qui ne sert qu'à sélectionner. La notation discrimine selon que l'on a assimilé fortement l'enseignement (A+, A, A-, B+), moyennement l'enseignement (B, B-, C+, C, C-) , peu l'enseignement (D+, D) ou pas du tout (E). En fin de compte, elle sélectionne en fonction de l'idéologie bourgeoise dominante peu importe ses courants multiples.

Le sentiment spontané des étudiantEs qui suivent des cours de certificat et de bacc. en est un de se faire bourrer le crâne de connaissances dont elles et ils se demandent la pertinence pour leur formation. Ce sentiment spontané part d'une contestation juste; les enseignements ne servent pas surtout à former mais à tamiser les participantEs à la confrérie qui déterminera effectivement la définition du savoir.

Après cela, personne ne peut s'étonner que l'Université bourgeoise voit de forts taux d'abandon des études; sa fonction est justement d'éliminer celles et ceux qui ne cadrent pas avec sa logique interne. De plus, l'Université bourgeoise astreint une majorité d'étudiantEs à des conditions financières et de vie atroces. Il y a ces horribles frais de scolarité qui en découragent beaucoup et ce régime des prêts et bourses qui endettent et crée une idéologie du rendement maximum pour un sacrifice énorme. L'aspect financier conditionne fortement à la reproduction d'une idéologie bourgeoise du rendement sur investissement. pour survivre académiquement, les étudiantEs s'astreignent à des conditions très difficiles. Cela peut conduire à un stress incroyable et à la fatigue psychologique extrême. Après les études, il n'est pas rare que beaucoup d'étudiantEs désoeuvréEs vivent mal leur nouvelle situation ayant acquis des habitudes de travail intense, s'étant fatigué et n'étant plus capable de s'adapter à des situations différentes.

Si la situation présente de l'Université bourgeoise est déplorable, c'est rien à côté de ce que la bourgeoisie prépare pour l'avenir. Elle cherche à rationaliser davantage ce système de sélection. Elle désire un personnel enseignement davantage fidèle à ses préoccupations idéologiques. Les méga-classes, la sélection plus poussée et son corollaire, la rationalisation de l'université, la détérioration des conditions de vie et d'études, voilà le programme que la bourgeoise concocte pour les prochaines années.

En fait, depuis les transformations d'après-guerre de l'Université, la bourgeoisie a toujours été tenté par une telle perspective. Dans les moments où l'économie avait besoin d'une main-d'œuvre petite-bourgeoise instruite, la bourgeoisie était moins vorace. Les choses ont changé un peu après le milieu des années 70 et beaucoup vers la fin des années 80. À la base, l'Université bourgeoise vit une contradiction fondamentale entre la socialisation de la diffusion du savoir émis et la réception individualisée de ce savoir. C'est un savoir détenu que par quelques têtes qui se reproduisent qu'en ne contribuant qu'à des débats académiques. Ici, il ne s'agit pas de sous-estimer certaines contributions à l'avancement de la production des connaissances scientifiques. Il est question ici de montrer les insuffisances de ce mode de production des connaissances scientifiques.

Ce mode de production des connaissances scientifiques ne peut qu'entrer en crise profonde. Tôt ou tard, la majorité des étudiantEs des cycles universitaires inférieurs vont refuser de ne se faire que bourrer le crâne sans qu'elles et ils aient accès à la détermination du savoir. Cela va devenir d'autant plus vrai que les groupes-cours vont s'accroître davantage et que les conditions de sélection idéologiques vont se renforcir davantage. Les étudiantEs vont refuser de faire le jeu d'une loterie où elles et ils doivent endurer des conditions financières et de vie pénibles. Parmi les professeurEs, les chargéEs de cours, les chercheurEs et les étudiantEs des cycles supérieurs va se développer une forte contradiction entre celles et ceux qui bénéficient des changements que la bourgeoisie veut introduire dans l'éducation et celles et ceux qui en sont les victimes. La monopolisation du savoir signifie une hiérarchie grandissante des tâches entre les professeurEs directeurs/trices de groupes de recherche favoriséEs par la bourgeoisie et de façon variable, l'ensemble des autres composantEs de la confrérie des détenteurs/trices du savoir. En plus, ce mode de production des connaissances risque de cesser de contribuer véritablement à la production de ces connaissances. Des débats stupides et stériles sur le post-modernisme ou d'autres niaiseries du même type vont faire pâlir les intellectuelLEs du moyen-âge qui débattaient sur le sexe des anges.

De plus en plus d'étudiantEs vont en appeler au renversement de ce mode de production des connaissances de l'université bourgeoise. Au lieu que le rôle actif de la production des connaissance n'incombe qu'à quelques professeurEs monopolisateurs/trices du savoir, le rôle actif sera diffus à l'ensemble des acteurs/trices de la chose intellectuelle y compris les étudiantEs eux-mêmes. Des formes nouvelles d'apprentissages et de production des connaissances sont envisageables maintenant. L'autoformation et l'autogestion des cours peuvent dès maintenant prendre une place plus importante dans un baccalauréat. Des groupes d'étudiantEs alliant tous les cycles d'une même discipline, collectivement, peuvent composer un plan de cours, définir des objectifs de formation, déterminer un échéancier de production et travailler sur un sujet pertinent à la discipline. Une place importante au débat critique contre les courants bourgeois de la discipline qui se sont intéressés à la question devrait faire partie de l'autoformation. UnE professeurE pourrait accompagner les étudiantEs selon les besoins de ces derniers/ères. Ce nouveau mode de production des connaissances allieraient une production collective des connaissances et de facto une réception collective de ces dernières, résolvant ainsi la contradiction fondamentale en éducation.

Des courants idéologiques universitaires pourtant progressistes comme le féminisme académique et le marxisme académique sont aussi victimes du mode de production des connaissances de l'Université bourgeoise. Y-a-t-il beaucoup d'études sur les rapports concrets de sexe du patriarcaT?. Comment le patriarcat s'est-il développé concrètement dans les campagnes québécoises du XIXe et du XXe siècle? Comment, concrètement, les femmes des couches populaires vivent le patriarcat? Si ces études existent, j'aimerais bien les connaître. Le féminisme académique cherche plus à fonder sa pertinence comme domaine d'études et comme cadre d'analyses qu'à fournir des méthodes pour enquêter les choses concrètes et supporter la lutte des femmes. Il en est de même du marxisme académique où on peut se taper un débat sur la validité théorique du concept de la baisse tendancielle du taux de profit, sur les jonctions possibles avec les méthodologies bourgeoises, la pertinence même du marxisme académique alors qu'il faudrait enquêter dans les couches populaires, déterminer les besoins populaires, ce qui supporterait l'émancipation populaire.

Ces problématiques pourraient faire partie de travaux collectifs et de cours collectifs. On pourrait aussi faire enquête sur des modes de gestions communautaires et coopératifs. Voir les forces et les insuffisances dans un régime dominé par le capitalisme. En fait, toutes ces études, au lieu d'être centrées sur les besoins de la bourgeoisie, seraient centrées sur les besoins des classes populaires. De plus, le processus d'enquête dans les couches populaires devrait aussi veiller au développement d'une forme d'empowerment populaire et des idéologies qui lui sierait bien. En plus de développer un nouveau mode de production des connaissance, les étudiantEs se lieraient aux masses populaires et travailleraient pour elles, contreraient le développement de l'idéologie et nuiraient aux régimes de reproduction de la structure de classes capitaliste.

Par ailleurs ce lien aux couches populaires serait un magnifique désintoxiquant pour des étudiantEs victimes des préjugés de l'idéologie bourgeoise. Les étudiantEs sont enferméEs intellectuellement durant de longues heures dans des bâtiments éloignés des couches populaires. L'Université de Montréal est dans une section très bourgeoise de Côte-des-Neiges, à proximité d'Outremont. L'UQAM voit son environnement extérieur de plus en plus occupé par la petite-bourgeoisie. McGill est près du centre des affaires. Une formation en lien avec les couches populaires amèneraient les étudiantEs dans Hochelaga-Maisonneuve, dans les secteurs pauvres de Côte-des-Neiges, dans le Bronx de St-Léonard, etc. Bien sûr, l'UQAM doit être un lieu de socialisation pour les étudiantEs. Cependant, on ne peut accepter qu'elle crée un apartheid mental entre la réalité des couches populaires et les préjugés du monde académique.

Si l'ensemble des étudiantEs, au lieu des acteurs/trices passifs de l'enseignement bourgeois, deviennent des producteurs/trices actifs/ves des connaissances scientifiques, pourquoi ne pourraient-elles et ils pas bénéficier d'une rémunération pour leur travail intellectuel? Pourquoi devrait-on astreindre de telLEs travailleurs/euses à des frais de scolarité usuriers? L'acceptation d'énormes sacrifices financiers par les étudiantEs concourent d'une idéologie bourgeoise du rendement sur investissement. Si ces sacrifices financiers cessent, un pan de la disposition mentale à l'idéologie bourgeoise tombera.

A bas l'Université Bourgeoise! Pour l'Université du Peuple!
Autoformation et autogestion des cours!
Fin de la notation sommative!
Liaison avec les couches populaires!
Fin des frais de scolarité!
Rémunération de touTEs les travailleurs/euses intellectuelLEs!
Maoist Fighter
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