http://www.ledevoir.com/2007/12/19/169179.html
TQS lutte pour sa survie
Paul Cauchon
Le Devoir - Édition du mercredi 19 décembre 2007
Mots clés : réseau de télévision, créanciers, TQS, Économie, Média, Québec (province)
Le réseau de télévision a 30 jours pour trouver un arrangement avec ses créanciers
Le réseau TQS fait tout pour éviter la faillite ou la fermeture. Après deux mois de recherche, son propriétaire Cogeco n'a trouvé aucun acheteur. Fortement endettée, TQS s'est donc placée hier sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers.
C'est un dur coup pour les 650 employés, à une semaine de Noël, mais le président de TQS, René Guimond, a déclaré hier qu'il n'envisageait pas de compressions de personnel dans l'immédiat ni de renégociations auprès des vedettes de la chaîne.
«On ne peut pas demander plus aux employés», a-t-il dit. Le réseau avait déjà annoncé à la fin d'octobre la suppression de 40 postes pour l'ensemble du Québec.
TQS se dit «victime de circonstances hors de [son] contrôle», mais le président et chef de la direction de Cogeco, Louis Audet, a admis hier que «la rentabilité n'avait jamais existé chez TQS», depuis sa création en 1985 par Jean Pouliot.
Pourtant, lorsque Cogeco était devenu majoritaire dans TQS en 2001, «notre enthousiasme pour la télé commerciale était bien connu», rappelle Louis Audet.
Cogeco était alors actionnaire de TQS à hauteur de 15 %, et l'entreprise avait porté ses parts à 60 % lorsque Quebecor avait dû se départir du réseau après avoir acheté Vidéotron/TVA. CTVglobemedia est propriétaire du reste des parts, soit 40 %.
Devant les difficultés financières grandissantes, l'enthousiasme du début s'est sérieusement refroidi. Cogeco a en effet mandaté cet automne la firme Marchés mondiaux CIBC pour évaluer différentes options. «Ils ont rencontré plusieurs acheteurs potentiels, déclare Louis Audet. Après deux mois de travail, ils se sont rendus à l'évidence qu'ils n'avaient pas reçu d'offre d'achat pour TQS. Pourtant, nous étions très flexibles sur les éventuelles conditions d'achat.»
TQS s'est donc adressée à la Cour supérieure hier matin pour invoquer la loi qui la protège des demandes de créanciers et lui donne 30 jours pour se refaire une santé financière. L'entreprise peut renouveler sa demande dans 30 jours. En attendant, la firme RSM Richter est mandatée par le tribunal pour trouver une solution.
L'objectif de Cogeco est maintenant clair: se départir de la chaîne après avoir nettoyé ses finances. «C'est une ultime tentative pour donner une nouvelle chance à TQS», précise Louis Audet.
Qui pourrait être intéressé à relancer une chaîne qui continue à perdre cinq millions par année? «Ça prend un joueur qui apporte un concept de programmation unique, ou qui peut regrouper TQS avec ses autres activités», répond Louis Audet. Jusqu'à maintenant, les acheteurs souvent mentionnés dans les médias, comme Astral, Corus ou Rogers, ne semblaient pas intéressés.
On ignore quel rôle voudra jouer CTVglobemedia: malgré ses difficultés actuelles, TQS a entre les mains un contrat fort alléchant, puisqu'elle fait partie du consortium de CTVglobemedia, lequel a acquis les droits de diffusion pour les Jeux olympiques de Vancouver en 2010.
Des blâmes au CRTC et à Radio-Canada
Louis Audet a mentionné plusieurs facteurs hier pour expliquer les difficultés du réseau. D'abord, le fait que depuis 2004 les recettes publicitaires «ont commencé à décroître», se déplaçant vers les chaînes spécialisées, et ensuite vers Internet.
M. Audet a également blâmé le CRTC, qui a refusé il y a quelques mois la demande des réseaux généralistes d'obtenir des redevances des abonnés du câble et du satellite.
Les coûts exigés pour le passage au numérique, qui se situeraient entre 20 et 30 millions, représentent également un poids financier important.
Mais Louis Audet s'en est également pris durement à Radio-Canada, critiquant la décision de la télévision publique de mettre fin à un contrat d'affiliation pour trois stations régionales de TQS. Louis Audet a également critiqué la «stratégie commerciale» de la société d'État, qui fait de la «surenchère» sur les films et les émissions américaines, soutient-il.
À noter que Louis Audet n'a pas mentionné dans ses propos la concurrence de TVA, pourtant réelle.
Radio-Canada a répliqué hier, affirmant regretter la situation dans laquelle TQS se trouve, mais elle ne s'estime «aucunement responsable de la précarité de ce réseau. Mis à part les difficultés financières de TQS, la volatilité du marché publicitaire, la forte croissance des services de télévision spécialisée et la taille du marché francophone sont à blâmer pour cet état de chose».
Radio-Canada a également soutenu que la désaffiliation des stations de Radio-Canada affiliées à TQS dans les régions de Sherbrooke, de Trois-Rivières et de Saguenay «s'inscrivent dans les plans de Radio-Canada de renforcer sa présence dans les régions» en établissant des stations autonomes en 2009.
René Guimond a rencontré hier midi les employés de TQS pour leur annoncer les mauvaises nouvelles, et le bulletin du midi de TQS a même été annulé pour permettre cette réunion. Il a rappelé que le chiffre d'affaires de TQS dépasse 100 millions par année et que sa part de marché se situe autour de 12 %.
Interrogé hier sur les ondes de TQS, le premier ministre Jean Charest a indiqué qu'il aimerait «beaucoup que TQS survive. Plus il y a de la diversité, mieux c'est».
La Fédération professionnelle des journalistes du Québec faisait également savoir que «le réseau TQS offre une voix différente, axée sur l'information locale et régionale [...] La FPJQ espère qu'une solution viable à long terme sera trouvée, car TQS a apporté jusqu'ici une contribution originale au monde de l'information au Québec».