de Maoist Fighter le Lun Sep 10, 2007 5:51 pm
Le Drapeau rouge express a reçu ce commentaire d’un de ses correspondantes, qui commente le « débat » sur le vote des femmes qui oseront porter le niqab aux prochaines élections partielles, qui auront lieu bientôt dans trois circonscriptions fédérales au Québec. Le propos fait réfléchir.
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Voilà qu’on nous assomme encore avec cette histoire du vote des femmes voilées et le délire hystérique généralisé qui l’entoure. Les racistes grossiers comme celui de Hérouxville et ceux et celles plus sophistiquéEs du Plateau Mont-Royal trouvent outrageux que des femmes puissent éventuellement voter sans montrer leur visage.
Pourtant, le directeur d’Élections Canada a mis plusieurs embûches à cette possibilité. L’électrice voilée devra produire deux pièces d’identité ou à défaut, trouver une personne garante dans sa section de vote. Soit dit en passant, c’est la même règle qui s’applique pour un grand brûlé ou toute autre personne qui doit avoir le visage recouvert pour des raisons médicales. Compte tenu du très petit nombre de musulmanes qui portent le niqab au Québec (une dizaine, apparemment) et du fait qu’aucune n’a demandé quoique ce soit à Élections Canada, le problème demeure plus théorique que pratique.
Les leaders d’opinion insistent beaucoup sur les « valeurs communes de la société d’intégration » (lire : celles du Québec impérialiste), mais ils ne parlent pas de l’exercice d’un droit démocratique fondamental – celui de voter – pour les femmes musulmanes comme pour toutes les autres. Si ça se trouve, ça leur importe peu qu’une femme portant le niqab se voit refuser l’exercice du droit de vote, à défaut d’un arrangement qui lui permette de le faire sans devoir subir les foudres de son mari ou de son imam.
Même si les maoïstes font campagne pour le boycott des élections, ils et elles défendent le droit de voter. Ce qu’ils et elles dénoncent, justement, c’est combien la démocratie bourgeoise est tout, sauf démocratique. En venir à assimiler démocratie et concurrence électorale à tous les quatre ou cinq ans revient à nier ce qui est l’essence même de la démocratie. La démocratie, c’est l’exercice du pouvoir par le peuple; elle implique donc une participation effective de la population. Les procédures dans lesquelles s’exerce un scrutin électoral ne sont pas, en soi, révélatrices de la bonne santé d’une démocratie. Si ces procédures en viennent à exclure une partie de la population pour des raisons ethniques, linguistiques, socio-économiques ou ici, de port d’un vêtement, il y a un problème.
Que des gens de droite s’opposent au droit de vote de certaines catégories de la population, ça s’est déjà vu. Le Ku Klux Klan l’a fait avec les NoirEs. Dans la majorité des démocraties bourgeoises, le droit de vote n’a longtemps été réservé qu’aux seuls propriétaires de sexe masculin. Encore dans les années 1950, seuls les propriétaires avaient droit de vote à Montréal. Pourtant, en URSS, depuis 1936 déjà, le droit de vote formel joint au droit de proposer des candidatEs aux différentes instances était garanti constitutionnellement pour toutes et tous, peu importe l’origine sociale, le sexe, etc. Il n’était pas nécessaire d’être membre du Parti communiste pour être élu. Il se trouve que les candidatEs indépendantEs avaient plus de chance d’être éluEs dans un soviet qu’ils et elles peuvent l’être dans les parlements de notre « démocratie », qui oblige à appartenir à des coteries (les partis politiques) largement financées et appuyées idéologiquement par la bourgeoisie.
Mais maintenant, que des gens qui se disent progressistes prétendent empêcher l’exercice du droit de vote d’une catégorie même minime de la population, voilà qui devient problématique. Le député du Bloc québécois (et ex-trotskiste) Pierre Paquette, s’est rabaissé à participer à cette hystérie collective, en prétextant les valeurs de la nation québécoise. Au nom d’un féminisme très particulier, Michelle Asselin, présidente de la Fédération des femmes du Québec, s’est elle aussi objecté au droit de vote de cette catégorie de femmes. Mais pourquoi donc?
Le voile serait le symbole de l’oppression des femmes? Très bien. Mais alors, devrait-on faire payer à ces femmes deux fois plus l’oppression qui résulte du port du voile en les empêchant de voter? À moins que ce soit pour empêcher ces femmes – de force – de se soumettre à des valeurs rétrogrades « non-québécoises » (car on sait bien qu’au Québec, on n’a jamais connu ça, le viol, la misogynie et la discrimination…)? Mais que sait-on des valeurs de ces femmes qui portent le voile ou le niqab? Comment peut-on présumer de leur opinion du seul fait de leur tenue vestimentaire? Dans les faits, Michelle Asselin s’oppose au droit de vote de ces femmes. Cela est très grave pour une ancienne marxiste-léniniste qui, on peut le constater, a rétrogradé vers les points de vue de Françoise Gaudet-Smet; dans les années 1930 et 1940, celle-ci s’opposait au droit de vote des femmes en disant que de toutes façons, elles n’étaient capables que de reproduire les idées de leurs maris. Heureusement que les femmes du Québec ont obtenu le droit de vote en 1941. Or, au nom des valeurs québécoises, on veut maintenant le restreindre.
Le crétinisme parlementaire a tellement docilisé la gauche québécoise qu’une partie de celle-ci en vient à tenir les mêmes discours stupides et réactionnaires qui représentent le fond de commerce de l’Action démocratique de Mario Dumont. Les histoires d’« identité collective », de « valeurs québécoises », du « nous contre eux », etc., en quoi permettent-elles d’organiser le camp du prolétariat et de la révolution sociale? Qu’une femme du peuple soit vêtue comme elle le souhaite, elle mérite d’être respectée. Ses opinions peuvent changer, que ce soit dans le « bon sens » ou le mauvais. Si on l’ostracise et l’exclut, ses idées ne pourront jamais être confrontées à d’autres, peut-être plus progressistes. Encore faut-il savoir quelles sont les idées vraiment progressistes, quand on voit la gauche légale adopter le discours de l’ADQ.
Il importe de mener une lutte sans merci pour que la gauche québécoise s’affranchisse du crétinisme parlementaire et de son corollaire, le nationalisme bourgeois. Si cela n’est pas fait, il sera très difficile d’unifier le camp du prolétariat. L’attitude minable de certainEs « progressistes », ces derniers temps, traduit un positionnement politique, non pas au service du prolétariat mais au service de la bourgeoisie, dont le but est de diviser pour régner. Ne laissons pas la bourgeoisie gagner cette bataille idéologique qui vise à nous convaincre des « bienfaits » de sa démocratie tronquée.
Un correspondant