Finances: fin de l'autonomie des universités (Le Devoir)

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Finances: fin de l'autonomie des universités (Le Devoir)

Messagede Tovarichtch le Jeu Oct 11, 2007 7:32 pm

Québec veut imposer son contrôle sur tout emprunt ou placement
Dans la foulée du fiasco immobilier de l'Université du Québec à Montréal (UQAM), Québec tiendra la bride haute non seulement aux universités mais aussi à l'ensemble du secteur public et des sociétés d'État. Selon le projet de loi concocté par le ministère des Finances et dont Le Devoir a obtenu copie, les organismes publics et parapublics devront désormais obtenir l'autorisation préalable du gouvernement pour effectuer des emprunts et des placements ou prendre d'autres formes d'engagements financiers.

Ce sont cependant les universités qui voient leur marge de manoeuvre se réduire le plus, compte tenu de la grande autonomie dont elles jouissent à l'heure actuelle. Selon nos sources, la réglementation sur les planches à dessin du ministère de l'Éducation devrait par ailleurs préciser que les projets d'investissement de plus de dix millions de dollars devraient faire l'objet d'une analyse par l'Agence des partenariats public-privé (PPP). Le recours aux PPP devrait être quasi systématique dans le cas des projets de plus de 40 millions.

Les projets de moins de dix millions nécessiteraient l'autorisation du ministère de l'Éducation tandis que ceux de 10 à 40 millions seraient soumis au ministère des Finances. Ceux de plus de 40 millions devraient obtenir l'aval du conseil des ministres.

Le Devoir n'a cependant pas obtenu d'indication quant à la réglementation en cours d'élaboration dans d'autres ministères, pour le secteur de la santé et les autres sociétés d'État.

Le projet de loi, qui a franchi l'étape du conseil des ministres le mois dernier, stipule qu'un «organisme qui désire conclure un emprunt doit être préalablement autorisé par le ministre des Finances, qui peut également en fixer ou en accepter les conditions et modalités». Il en va de même pour les placements, sauf lorsqu'ils découlent d'une politique déjà approuvée par le ministre.

Le texte prévoit également qu'un organisme ne peut pas prendre d'«engagement financier» sans l'autorisation de la ministre des Finances. Selon le mémoire présenté au conseil des ministres et consulté par Le Devoir, un «engagement financier» peut par exemple consister en un bail emphytéotique ou en «l'octroi de garanties qui ont un impact similaire aux emprunts sur la situation financière» d'un organisme public ou d'une société d'État. Cette définition s'applique par exemple à la rente emphytéotique que l'UQAM s'était engagée à verser à la firme Busac dans le dossier de l'îlot Voyageur ainsi qu'à la garantie consentie par cette même université à l'emprunt de 269 millions effectué par Busac sur les marchés financiers.

Le mémoire soumis au conseil des ministres justifie le projet de loi essentiellement par les déboires immobiliers de l'UQAM, qui coûteront en définitive «plus de 200 millions» au gouvernement. L'UQAM, par l'intermédiaire de Busac, avait procédé à une émission d'actions à un taux supérieur à celui en vigueur pour les obligations du Québec, forçant Québec à acheter en bloc les actions afin de ne pas affecter sa position sur les marchés financiers. Le projet s'est avéré chaotique et Québec s'est engagé à dégager l'université des impacts financiers du projet.

Les difficultés éprouvées ces dernières semaines par «la Société générale de financement et la Financière agricole du Québec ainsi que d'autres entités du secteur public québécois dans le cadre de la crise d'illiquidité du papier commercial adossé à des actifs» sont également à la source de cette réflexion gouvernementale. La crise des hypothèques à risque aux États-Unis (subprime) a provoqué une réaction en chaîne, faisant en sorte que certains titres détenus par des sociétés d'État québécoises ne trouvent plus preneurs sur les marchés, ce qui cause des problèmes de liquidités à ces mêmes sociétés.

Québec veut donc voir de plus près non seulement les emprunts effectués mais aussi les contrats servant à prémunir contre les fluctuations de taux de change et de taux d'intérêt, les engagements financiers qui peuvent s'assimiler à des emprunts ainsi que les placements.

«Comme pour l'utilisation des produits dérivés, une expertise certaine est requise pour effectuer des placements, surtout lorsqu'un organisme est libre de transiger tous les véhicules de placement qu'il souhaite. Des décisions [...] peuvent avoir d'importantes répercussions pour l'organisme en question, voire le priver des sommes nécessaires à son bon fonctionnement», peut-on lire dans le mémoire ministériel.

La bride

L'autonomie des universités en prend pour son rhume. Contrairement aux cégeps, aux commissions scolaires ou même aux institutions du secteur de la santé, elles pouvaient emprunter librement sur les marchés financiers, sans autorisation gouvernementale. Québec n'intervenait que lorsqu'un projet comportait un financement gouvernemental lié aux lieux d'enseignement. Et encore, plusieurs universités ont en effet construit des pavillons universitaires sans avoir recours aux fonds du ministère de l'Éducation.

La nouvelle logique s'appliquerait également aux cégeps, aux commissions scolaires, aux établissements du réseau de la santé et des services sociaux ainsi qu'à l'ensemble des sociétés d'État. L'incidence est cependant moins lourde pour ces réseaux et ces sociétés d'État puisque la marge de manoeuvre financière y était déjà moins étendue que dans les universités.

Seules la Régie des rentes du Québec et la Caisse de dépôt et placement échappent à la portée de ce projet de loi.

L'information qui a jusqu'à présent transpiré à propos du contenu du projet de loi a fait tressaillir le milieu universitaire, qui y voit un accroc inacceptable à l'autonomie des universités. «C'est contre-productif», s'est exclamée la principale de l'université McGill, Heather Munroe-Blum, qui rencontrait hier l'équipe éditoriale du Devoir. «Il n'est pas sain de punir un système où on travaille fort pour développer une bonne gouvernance et avoir une bonne reddition de comptes», a ajouté Mme Munroe-Blum, qui préside par ailleurs la Conférence des recteurs et principaux d'universités du Québec (CREPUQ).

Mme Munroe-Blum juge que les demandes d'autorisation auprès de Québec, et ce, peu importe la provenance des fonds en jeu, risquent de freiner le développement des universités et d'entraîner des délais inutiles et des coûts additionnels dans la conduite des projets immobiliers. «Les lois ne règlent pas les problèmes de manque de jugement», a-t-elle lancé.

Le son de cloche était similaire du côté de plusieurs établissements universitaires. «Cela ferait des universités québécoises celles en Amérique du Nord où il y aurait le plus de contrôle étatique. Cela pose un problème sur la capacité de développer des partenariats. Nous serions très contraints dans notre développement. Cela deviendrait plus difficile d'être un peu novateur», a fait valoir un haut cadre universitaire ayant requis l'anonymat.

http://www.ledevoir.com/2007/10/11/160101.html
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