La Commission et le débat sur les "Accommodements Raisonnables": Déclaration de Personne N’est Illégal-Montréal
[Le Collectif Personne N’est illégal – Montréal à rédigé la déclaration qui suit en opposition au “débat” raciste sur les accommodements raisonnables au Québec et à la “Commission Bouchard-Taylor”. Nous encourageons les groupes et individus qui sont d’accord avec cette déclaration à l’endosser en contactant : noii-montreal@resist.ca. Nous encourageons également les alliéEs qui voudraient s’impliquer dans la mobilisation contre les audiences publiques, ou qui soutiennent l’effort entrepris par Personne N’est illgal de rentrer en contact avec nous. ]
12 Novembre 2007
Le débat actuel sur les « accommodements raisonnables » au Québec, de même que la «Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles » - mieux connue sous le nom de « Commission Bouchard-Taylor », sont fondamentalement basés sur des préceptes xénophobes, racistes et sexistes.
De prime abord, ce «débat» ne reconnaît pas le fait que le Québec et le Canada sont des entités établies sur des terres volées aux Autochtones, et ce que ces entités se sont développées à travers la dépossession et le génocide de ces peuples, qui ont été forcés de « s'accomoder » au processus de colonisation. De plus, ce « débat » ignore complètement le fait que le racisme et l'idéologie de suprématie blanche font partie intégrante dela création du Canada et du Québec. Ces idéologies ont défini tout au long de l'histoire et jusqu'à aujourd'hui ceux qui sont « inclus » dans le concept de l'identité nationale et ceux qui ne le sont pas.
La Commission Bouchard-Taylor a été mise en place dans un intense climat de xénophobie, avec en toile de fond une campagne électorale en quête de boucs émissaires. La Commission a servi de plateforme incontestée pour l'expression du racisme, de l'islamophobie et de l'anti-sémitisme.
Des politiciens à l'opportunisme aigu ainsi que les médias de masse ont joué sur les peurs et les préjugés et ont manipulé de fausses controverses au sujet des pratiques religieuses et des différences culturelles, dans le but de de créer un climat d'hystérie généralisée, qui au fond est basé sur peu ou pas de substance.
À l'intérieur même de sa structure, ce « débat » a créé une dichotomie fondamentale entre le « nous » et le « eux », le « nous » étant défini comme la population blanche de descendance européenne, et le « eux » s'appliquant à différents groupes d'immigrants racialisés. Ce supposé débat a permis l'expression publique et admise d'un sectarisme béat, dirigé contre les communautés immigrantes et religieuses, tout en faisant usage de caricatures simplistes pour les réduire à des blocs homogènes, monolithiques et figés.
Nous rejetons ce portrait à la fois simpliste et insultant de nos communautés, tout en réaffirmant la diversité de nos cultures et de nos traditions, ainsi que de nos multiples identités à l'intérieur de celles-ci.
D'une manière très insidieuse, ceux qui s'identifient comme progressistes et comme féministes ont utilisé la Commission afin de promouvoir leur propre forme - plus sophistiquée - de racisme. Un racisme qui ignore les différentes formes d'oppression à l'intérieur des sociétés occidentales et qui considère immanquablement le Québec comme étant de facto une société « pluraliste, démocratique et égalitaire »
Alors qu'une rhétorique islamophobe et sexiste est utilisée pour justifier la guerre à l'échelle mondiale, comme dans le cas de l'occupation militaire de l'Afghanistan, le Québec a emprunté une rhétorique semblable, centrée autour de ce qui est schématiquement désigné comme « les droits des femmes ». Cette rhétorique déshumanise systématiquement les cultures musulmanes, afin de justifier l'intolérance au sein de ce « chez nous».
Nous rejetons l'idée que les femmes de foi aient besoin d'être sauvées de leurs cultures fondamentalement oppressives et rétrogrades. Nous les soutenons plutôt dans leurs luttes de libération, dont elles sont les sujets à part entière, et non pas les objets ou les victimes.
Alors que la Commission Bouchard-Taylor entame ses audiences publiques à Montréal, nous nous mobilisons afin de rejeter ouvertement et publiquement le processus et le cadre idéologique de la Commission. S'impliquer dans la Commission serait synonyme d'une validation de ses prémisses racistes et une approbation de sa fonction de juge des communautés immigrantes.
Cette Commission, créée et parrainée par l'État, n'est rien d'autre qu'un processus de soumission, à travers lequel des groupes minoritaires sont forcés à justifier jusqu'à leur existence même au Québec, à coups d'humiliantes enchères à « l'intégration ». La manière dont ce débat est articulé met de côté toutes les intolérances et les injustices subies par de nombreuses communautés migrantes au Québec, tout en les obligeant à faire la preuve qu'ils sont de « bons Québécois ».
Nous déclarons : Ni patrie, ni État; ni Quebec, ni Canada! Nous refusons de nous soumettre à tout forme de nationalisme.
Nous choisissons plutôt de militer en mettant de l'avant une vision de justice sociale sans compromis, basée sur des luttes populaires qui s'effectuent au quotidien. Nous reconnaissons et soutenons les luttes pour la souveraineté et l'autodétermination des peuples autochtones à travers les Amériques, luttes une fois encore rendues invisibles par
le soi-disant « débat » sur les accommodements raisonnables.
Nous militons activement contre la pauvreté, la précarité, le profilage racial, la brutalité policière, la guerre, le capitalisme et le sexisme. Nous militons contre les frontières, pour la liberté de mouvement et pour un statut pour toutes et tous. Nous luttons activement contre l'oppression et la violence infligées par l'État aux plus marginaliséEs, tout en continuant à lutter contre toute forme d'oppression, quelle que soit sa source.
À la vision réductrice et malsaine véhiculée par le débat sur les «Accommodements raisonnables », nous opposons – et préférons – celle de la «solidarité sans frontières », dans un esprit d'entraide mutuelle.
Nous appelons à un rejet collectif de la Commission dans son ensemble. Le processus de dialogue véritable, le réel pluralisme et le vrai débat découlent de nos luttes contre toutes les formes d'oppression. Le «débat sur les accommodements raisonnables » a obscurci l'unité et la solidarité que nous partageons – en tant que travailleurs(euses), pauvres, femmes, personnes queer et trans, migrantEs, et autres – en luttant ensemble pour obtenir une justice véritable.
Nous réitérons par la présente l'importance de ces luttes tout en refusant les prémisses fondamentalement racistes et sexistes qui sous-tendent la Commission Bouchard-Taylor. Nous refusons la soumission et la crainte, et continuerons à pratiquer l'autodétermination, dans une perspective de libération collective.
-- Personne N’est Illégal-Montréal (Novembre 2007)
noii-montreal@resist.ca - 514-848-7583
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