Lettre aux dogmatiques

Discussions portant sur l'ASSÉ et le mouvement étudiant en général.

Lettre aux dogmatiques

Messagede Christian le Lun Jan 28, 2008 3:35 am

Bonjour tout le monde,
cela fait très longtemps que je n'ai pas écrit sur cette liste mais je ne peux plus m'empêcher de contempler de manière complice le silence qui règne ici et sur le forum quant à un questionnement crucial: quelle est la stratégie à privilégier pour mener un combat victorieux contre le dégel et le sous-financement cet hiver?

L'enthousiasme régnait en début de session dernière. C'était la 9e campagne de grève générale illimitée de l'histoire du mouvement étudiant québécois. L'optimisme était de mise voir trop. Au moment où l'AFESH sonnait la sirène d'alarme face à l'anticipation d'un échec retentissant, la persévérance aveugle nous a conduit au gouffre. Mais le plus tragique dans cette histoire, c'est que jamais une défaite pareille aurait pu être imaginée avec une telle ampleur.

Devant cet échec retentissant, un bilan s'imposait. La thèse dominante à ce sujet est la suivante: mauvaise organisation, mauvaise organisation, mauvaise organisation. Avant de la décortiquer, tout le monde s'entend pour dire que nous vivons dans un Québec de plus en plus à droite et que ce climat est la pièce maîtresse de notre échec. Par contre, il est à se questionner jusqu'à quel point cette conscience est répandue parmi les militants et militantes quant à la juste mesure du climat politique existant. On reprendra cette interrogation lors d'une critique du dogmatisme hégémonique hostile à toute réflexion visant à requestionner la plate-forme de revendications de l'ASSÉ. Alors concernant nos marges de manoeuvre, nos seuls auto-critiques concerneraient nos méthodes d'organisation. Et il est vrai de reconnaître que plusieurs lacunes ont existé à ce niveau.

Escalade des moyens de pression: De un, des voix marginales avaient exprimés que la grève n'aurait jamais dû être envisagé pour l'automne mais bel et bien pour l'hiver. Je ne parle pas uniquement des fédés mais de quelques personnes que je nommerai pas ici. Elles avaient sûrement raison. À tout le moins, concernant l'escalade des moyens de pression, je crois qu'une manifestation nationale avant la majorité des AG de grève, ayant pour fonction le rôle de baromètre, aurait pu nous être d'une grande utilité. Les questions logistiques avaient alors pris le dessus sur les considérations stratégiques et tactiques. Belle erreur monumentale. Mais bon, voilà une belle leçon.

Matériel d'information: Des retards monumentaux ont eu lieu concernant le feuillet de la campagne (revendications) et l'affiche de grève. Une personne déléguée à cette tâche a été accidentée. La réaction de l'exec: "C'est beau Sam, on va t'attendre." Je tiens à dire que cela n'est pas une citation exacte mais bel et bien l'esprit. Où était le secrétaire à l'information? Où était l'exec? Devions-nous payer quelqu'un ou quelqu'une si nous étions si dans la merde?

Calendrier d'AG: De profondes lacunes ont existé au niveau de la coordination des AG de grève. Un manque de leadership national patent, animé d'une logique confuse de décentralisation, a fait que des assos très incertaines ont voté antérieurement à des assos plus solides. Maisonneuve avant Marie-Vic.?!? Où était l'interne, où était l'exec?

Ceci est de l'histoire ancienne. Mais ce qui compte c'est les leçons retenues pour l'avenir. Ce qui compte plus que tout sont ces questions: malgré ces quelques aspects de nos méhodes d'organisation laissant à désirer, qui ne furent qu'abordrer ici que de manière très superficielle, certes, comment imputer à ces explications l'échec tout entier de la grève? L'élaboration de la plate-forme de revendications n'est-elle pas une de nos marges de manoeuvre les plus privilégiées? N'avions-nous pas à nous requestionner sur celle-ci, à savoir si nous avions fait le bon choix, si nous n'avions pas fixé la barre trop haute? Vous aurez deviné, je parle bien entendu de la position "Pour la gratuité scolaire à tous les niveaux".

Rappelons tout d'abord l'esprit fondamental de cette plate-forme et tout particulièrement cette revendication: transformer une mobilisation défensive (face au dégel) en contre-attaque offensive. Le constat était que depuis que le néolibérealisme régnait en maître, les mouvements sociaux avaient été confinés à des luttes purement défensives où nous perdions petits à petits les gains sociaux du passé, faute de reprendre l'initiative de l'offensive. Cette idée était forte noble, politiquement souhaitable et désirable. Mais était-elle politiquement réalisable? Ce qui est certain c'est que tout jouait contre nous. La conjoncture était des plus défavorables face à une telle ambition. La réélection des libéraux avec une percée de l'ADQ était là pour le témoigner et où contrairement à 2005 face à la réforme de l'AFÉ, le battage médiatique faisait rage pour nous convaincre de la "naturalité" économique du dégel. Malgré cela, je ne condamnerai pas la volonté d'offensive en soi mais plutôt le tournant qu'il a pris avec la charge maximaliste dont étais animé la revendication pour la gratuité scolaire. Alors commençons son procès.

La gratuité scolaire est une position politique fondamentale du mouvement étudiant et plus largement des mouvements sociaux au Québec depuis plus de 40 ans. Elle est un des principes fondateurs de l'ASSÉ, tributaire de sa longue histoire. Il n'est en aucun cas question ici de la remettre en question en tant que but politique utlime où chaque lutte menée au niveau de l'accessiblité aux études est en son honneur. Le débat se pose à savoir comment articuler nos principes politiques ultimes et fondamentaux dans des revendications concrètes arrimés à une compréhension juste de la conjoncture politique et historique dans laquelle nous nous situons. Ceux et celles qui ne comprennent pas cela n'ont rien compris alors au débat. La question ne se pose pas à savoir qui est pour ou contre la gratuité! Mais plutôt, est-ce qu'être pour la gratuité scolaire signifie exclusivement la revendiquer purement et simplement en tout temps ou plutôt, de la moduler à l'intérieur de revendications concrètes, tout particulièrement en temps de campagne de GGI? Pour nous, la sagesse politique est incarnée par la deuxième option. Et sagesse n'a rien à voir avec réformisme car tout révolutionnaire conséquent, si ses visées ne se bornent pas aux buts avoués de l'ASSÉ, considère que la lutte pour la réforme peut être un germe fertile aux idées révolutionnaires. La question ici est plutôt d'éviter "la maladie infantile du communisme" comme disait l'autre, c'est à dire le gauchisme et son maximalisme. Car les moments de rupture ne pourront survenir si nous ne menons guère des campagnes victorieuses. Bien qu'importantes, ces dernières considérations ne sont par contre pas au coeur de mon sujet ici.

Alors, en quoi la revendication "Pour la gratuité scolaire à tous les niveaux" était-elle maximaliste? Pourquoi l'articuler en termes de perspective avec des objectifs explicites à court terme (et non avec des "objectifs opérationnels" cachés, inconnus de la majorité!)? Tout d'abord, la question de la conjoncture politique et historique est la cause fondamentale et c'est à partir d'elle que tout doit suivre. Si nous serions dans les années 60, là où la gratuité fut revendiquée purement et simplement et où les débats entre militants et militantes étaient " gratuité maintenant vs. gratuité dans deux ans ", je ne dis pas. On était à l'heure des réformes. Aujourd'hui, c'est le néolibéralisme triomphant et le rouleau compresseur des contre-réformes. Sommes-nous cantonnés toujours à la défensive. Je ne crois pas que cela est la leçon à tirer. Mais plutôt, savoir bien moduler nos revendications pour ainsi démontrer combien elles sont possibles à court terme, à terme à l'intérieur d'une grève. Ainsi, l'amibguité fondamentale concernant la revendication sur la gratuité est à savoir précisément: ce que cela signifie à court terme. Le gel, lutter jusqu'au bout pour la gratuité, l'abolition des frais afférents, le matériel scolaire? La réponse à ce sujet fut jamais unanime car cachée et peu discutée. La stratégie: celle de la confusion. Car pour une vaste majorité, notre mouvement a été pris pour une gang d'hurluberlus qui voudraient lutter jusqu'au bout pour la gratuité cet automne dernier même. Que vous disiez que cela n'était pas l'intention, vous le pouvez. Mais nier que cela fut tout de même un effet répandu, de par notre matériel d'info et nos affiches, il y a une marge et relativement substantielle à part de cela. Le dogmatisme entourant la volonté d'avoir un agenda caché (objectifs opérationnels) face à l'agenda officiel (nos "vrais" revendications) démontre l'état critique dans lequel nous sommes. Prenons-nous les gens pour des caves ou bien, voulons-nous plutôt leur indiquer le plus clairement possible notre stratégie, vers où allons-nous, quoi espérer de la grève? Les réactions de plusieurs me laissent en douter.

Pour remédier à cette situation, certains militantes et certaines militantes ont voulu changer de cap. L'adoption, par une voix dans un congrès de l'ASSÉ, de consulter les assemblée générales sur la question suivante témoigne de ce travail: "Que la revendication Pour la gratuité scolaire à tous les niveaux devienne Vers la gratuité scolaire: contre le dégel et pour l'abolition des frais afférents"
Mais lorsque les décisions collectives ne font pas l'affaire, on ne procède pas aux consultations. En quoi la raison instrumentale règne bel et bien dans nos rangs. On utilise la démocratie quand ça nous tente mais quand on n'aime pas les résultats, on la rejette. C'est ce que reflète le fait que seul l'AFESH a procédé à une telle consultation (St-Laurent a déjà cette position alors...). Paradoxalement, ce serait nous les anti-démocratiques, ceux et celles qui persistent à se questionner, à provoquer des débats au lieu de faire les autruches dogmatiques? Laissez-moi en douter...

Les considérations d'une telle revendication sont les suivantes: de un, elle clarifie l'objectif à court terme visé tout en conservant un discours fondamental autour de la gratuité. De deux, elle conserve l'objectif offensif en ne revendiquant guère le seul retour au statu quo, c'est à dire le gel mais plutôt, l'abolition des frais afférents. Et trois, la question de l'abolition des frais afférents est conséquente à notre position sur la gratuité contrairement aux fédés et leur projet de loi-cadre. Soulignons qu'actuellement, le débat sur la loi-cadre a lieu et potentiellement, un projet de loi gouvernemental devrait avoir lieu à son sujet. Elle est ainsi bien "groundé" dans la conjoncture politique. De plus, elle représente une nette démarcation face aux fédérations auxquelles nous leur livrerons tout notre arsenal critique encore une fois.

Enfin, la question que je vous pose est la suivante: si une telle ligne politique n'aurait pas conduit à l'échec retentissant que nous avons connu, seriez-vous d'accord à l'adopter comme posture stratégique? Répondre non à cette question viendrait à dire que mieux valait un échec comme nous avons connu, avec la "bonne" plate-forme maximaliste, que de gagner avec une plate-forme plus "modérée" que j'appellerais plutôt, plus stratégique, clair et convaincante. À l'opposé, j'affirme que mieux vaut une grève victorieuse avec des objectifs plus modérés (et cela, en étant toujours fidèles à nos principes politiques fondateurs bien entendus) que pas de grève du tout. Sinon, suivant votre raisonnement, la grève de 2005, la plus grande de l'histoire du mouvement étudiant québécois, vous a-t-elle paru des plus impertinentes et non souhaitables qui soit? Car rappelons l'objectif principal: pour l'abolition de la réforme de l'aide financière DANS UNE PERSPECTIVE DE GRATUITÉ. Si je pense qu'il fut une erreur de retirer la reconnaissance de l'autonomie financière dès le départ du domicile familiale de la plate-forme, je ne crois pas que nous aurions connu ce succès si la GRATUITÉ aurait été notre première revendication explicite ou bien, le salariat étudiant plutôt, et pourquoi pas, le revenu minimum garanti! Si tous ces objectifs sont louables, elles n'ont pas été nos revendications en 2005 et tant mieux. Je vous laisse méditer là-dessus...

Pour terminer, l'AFESH a changé ses revendications pour celle-ci, que ça vous plaise ou non. Nous travaillons à une coalition UQAM sur cette base et nous appelerons à une généralisation du mouvement sur cette base, que ça vous plaise ou non. Mais ce que je souhaite de tout ceeur, c'est de vous avoir amené à vous reposer des questions, de vous dire qu'aussi mince est la possibilité de menenr une 9e grève générale illimitée cette session, que peut-être seul un changement de revendication de la sorte peut nous attirer les appuis que nous avons tant besoin. Avoir des revendications rassembleuses ne signifie pas trahir nos principes politiques mais au contraire, d'être le plus fidèles envers eux en leur donnant les conditions de possibilité de réalisation dans l'avenir, c'est à dire l'avènement d'une grève, dans la réalité, et non purement phantasmée!

Il resterait tant à dire sur d'autres considérations stratégiques mais bon, ça sugffit pour l'instant. Cela a été écrit très spontanément, à défaut d'un bilan plus substantiel et plus convaincant. Mais le besoin de provoquer des débats se faisait plus que sentir alors voilà, en espérant que cela vous fera penser quelque peu dans cette ambiance silencieuse et moribonde qui sent la mort d'un mouvement au lieu d'une tentative pour lui redonner vie. C'est drôle comment les pessisimistes d'autrefois ont le plus de volonté aujourd'hui et comment les optimistes d'autrefois pataugent dans un pessimisme stérile...

Sur ce, j'attends des réactions de toutes parts et espérons qu'elles seront là. La réussite de notre mouvement en dépend.

Alors allez, disputons!

Christian Pépin, militant de l'AFESH
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Messagede Frankie_Boy le Lun Jan 28, 2008 1:10 pm

Je suis vraiment en accord avec tes/vos reflexions à l'AFESH.

Puis je crois qu'il serait temps de remettre cette question d'autonomie sur la table, avec les garderies et la question du sous-financement et tout ça dans une perspective de gratuité scolaire. C'est sûr qu'on pourrait aller chercher plus de monde comme ça. Pis moi, comme bien des camarades à Laval ej crois, j'ai pas le goût de me rejeter dans une grève qui ne và nulle part. Fine ca a servi d'éléctro-choc, mais maintenant, il faut raviver les régions où y se passe rien. Où en est la lutte au dégel dans le Bas-St-Laurent, en Gaspésie, sur la Côte-Nord, en Abitibi? Il faut élargir notre front, pis c'est pas en jouant des "affilie à l'ASSÉ sti" qu'on và faire des gains.

Anywayz, j'aimerais connaître les résultats de votre tournée nationale d'appel à l'AFESH. Qu'est-ce que ca disait?

OI!

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Messagede Vandale le Lun Jan 28, 2008 10:08 pm

Est-ce que la coalition UQAM est ouverte a accepter des membres extérieurs?

Si oui, vous devriez p-t changer le nom !

Je vais pas vraiment commenter le post, mais je sais que notre association étudiante va se pencher sur la question en Assemblée Générale (expérant avoir tu temps) .
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Messagede Alex-ASSÉ le Mar Jan 29, 2008 5:28 pm

la coalition-uqam est pour le monde de l'UQAM. Du côté de l'AFESH notre mandat d'AG veut qu'on nationalise la grève. Donc on met sur pied une coalition, on se solidifie à l'UQAM, et après il faut travailler avec l'ASSÉ pour nationalisé la lutte.
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Messagede EtienneDB le Mer Jan 30, 2008 3:41 pm

L'association étudiante de science politique-UQAC a pris position à l'unanimité en assemblée générale en faveur d'une participation à la manifestation de l'ASSÉ du 21 février prochain à Québec.

Le Rassemblement des associations étudiantes pour la gratuité scolaire de l'UQAC réunissant Science politique, Sociologie-Anthropologie, Travail social, Arts et maîtrise en études régionales, représentant près de 700 étudiant-e-s, déterminera mardi prochain s'il participe en bloc à la manifestation.

De plus, les revendications du rassemblement sont :

1) Vers la gratuité scolaire : Contre le dégel des frais de scolarité.

2) Pour un réinvestissement public majeur dans le système d'éducation.

À bientôt.
EtienneDB
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