Lettres aux étudiants
Étudiants des cégeps et des universités, vous manifestez contre le dégel des droits de scolarité et, dans certains cas, vous revendiquez la gratuité scolaire. Vous jugez que la société n’en fait pas suffisamment pour vous et vous réclamez d’elle davantage.
Peut-être l’ignorez-vous mais à raison de 1862$ par an, soit l’équivalent de 4,13$ l’heure de cours, non seulement vos frais de scolarité sont-ils inférieurs de moitié à la moyenne canadienne, mais encore ils sont parmi les plus bas au monde. Et comme ces frais ne sont pas indexés, l’éducation coûte un peu moins cher chaque année. Aujourd’hui, une heure de cours coûte moins cher qu’une heure au cinéma!
L’art de déprécier l’Éducation en établissant un parallèle grossier avec une soirée au cinéma. La comparaison n’a même pas lieu d’être puisqu’on ne va même pas une fois par semaine au cinéma.
De plus, établir une comparaison en nivelant par le bas en matière d’accessibilité est non seulement pas souhaitable mais c’est également en complète contradiction avec ce que Madame prône, c'est-à-dire l’excellence dans toute les domaines, dont la scolarisation de des québécois et québécoises. De plus, cette affirmation est faussée puisqu’il y a près de 30 états américains où les droits de scolarité sont moins élevés qu’au Québec. Et à l’échelle de l’OCDE, lorsqu’on établit des comparaisons entre les frais de scolarité, le Québec se classe 17e sur 25 pays et le Canada fait pire avec une piètre 20e place. La 25e étant le pays où que la moyenne des droits de scolarité est la plus élevé, c'est-à-dire les États-Unis d’Amérique. D’ailleurs, ce n’est que quelques grandes universités américaines qui tirent la moyenne des frais de scolarité vers le haut.
Faire payer les riches
Vous affirmez que cette quasi-gratuité est pour assurer l’accès à l’éducation aux jeunes issus de familles pauvres. La théorie est séduisante, mais la réalité est tout autre. Les jeunes de familles riches sont deux fois plus nombreux à fréquenter l’université que ceux dont les parents gagnent un faible revenu. Vos grèves et vos manifestations visent donc à réclamer aux contribuables moyens de financer l’éducation des enfants de voisins mieux nantis. Est-ce vraiment ce que vous souhaitez? Pourquoi ne pas faire payer les riches en dégelant les droits de scolarité tout en assurant l’accessibilité à tous en aidant uniquement et strictement les étudiants pauvres?
Les riches contribuent déjà davantage que la classe moyenne ou les plus pauvres de la société puisqu’ils versent une plus grande part en impôts et en taxes diverses, ayant déjà un pouvoir d’achat plus grand. De plus, ne serait-il pas plus simple et plus équitable pour la classe moyenne qui n’a pas droit à l’Aide financière, dans une large mesure et pour la classe des moins nantis d’avoir accès à l’université sans égard à sa capacité financière. Les jeunes des familles des mieux nantis sont deux fois plus nombreuses parce qu’ils les moyens de payer les frais de scolarité. Dès que le revenu diminue, la participation aux études postsecondaire suit également la même tendance. Augmenter les frais de scolarité permettrait d’inverser cette tendance? Permettez-moi d’en douter puisque la classe moyenne n’a déjà pas admissible à l’aide financière aux études, dans une grande proportion. De plus, ce n’est pas les ajustements risibles à l’aide financière qui vont permettre de corriger cette situation. Elle ne va qu’empire selon un récent rapport du Comité consultatif sur l’accessibilité financière aux études. D’ailleurs, ce comité affirme qu’il veut tendre vers un endettement étudiant le moins élevé possible.
Investissement rentable
Vous affirmez qu’une hausse des droits de scolarité de 50$ par trimestre (l’équivalent de 11 cents l’heure de cours) est inacceptable et qu’elle forcerait certains d’entre vous à abandonner leurs études. Cette affirmation repose sur l’hypothèse totalement fausse selon laquelle l’éducation serait un bien de consommation dont la demande diminue quand le prix augmente. Si vous supportez des coûts aujourd’hui pour obtenir plus tard un emploi plus intéressant et mieux rémunéré, c’est la preuve que l’éducation est un investissement, et non une dépense. C’est même l’un des investissements les plus rentables qui soient! Vous êtes donc les principaux bénéficiaires de votre éducation, mais ce sont les contribuables et les donateurs privés qui fournissent aux universités 89% de leurs revenus. La société n’a-t-elle donc pas déjà suffisamment contribué?
Si c’est supposément un investissement rentable en terme individuel, pourquoi cela ne le serait-il pas en terme collectif? Selon une étude de l’Institut de la Statistique du Québec, un diplômé postsecondaire recevra près de 9 fois mois d’aide gouvernement qu’un individu sans diplôme. C'est-à-dire 1000$ comparativement à 9000$. À l’échelle collective, ça commence à faire plusieurs dizaines de million.
Vos associations étudiantes soutiennent que les droits de scolarité ont pour effet de réduire l’accès à l’éducation. Pourtant, elles n’hésitent pas à exiger de vous des cotisations obligatoires, dont certaines s’élèvent à plus de 50$ par trimestre. N’y voyez-vous pas un non-sens? Devons-nous conclure qu’une hausse de 50$ par trimestre réduit l’accessibilité uniquement lorsqu’il est question de droits de scolarité mais qu’elle est sans conséquence quand ce montant est destiné aux coffres des associations étudiantes? Pourquoi ne demanderiez-vous pas à vos associations de faire preuve de « solidarité étudiante » et de favoriser l’accès à l’éducation en abolissant les frais qu’elles vous imposent?
Les associations étudiantes offrent une multitude de services aux étudiants et étudiantes. Ne venez pas penser que les services de photocopies et autre, c’est rentable. D’ailleurs, c’est un service et non une marchandise où la rentabilité doit nécessairement être au rendez-vous. L’association étudiante du Cégep de Rimouski a une cotisation de 25$ par session. Près de 50% du budget va en subvention directe ou indirecte dans les projets étudiants. En temps normal, que quelques milliers de dollars vont dans l’activisme politique, c'est-à-dire dans la défense des droits des étudiants et étudiantes.
Finalement, la responsabilité sociale de l’éducation est votre leitmotiv. Mais qu’advient-il de la responsabilité des parents? Pourquoi ne manifestez-vous pas pour rappeler à vos parents que leur rôle ne se limite pas à vous avoir mis au monde? Un parent doit avoir le sens du sacrifice et faire passer l’éducation de son enfant avant toute chose. Les étudiants dont les parents n’ont réellement pas les moyens d’assumer une hausse des droits de scolarité doivent incontestablement être aidés par la société. Mais les familles qui disposent d’une marge de manœuvre de 50$ par trimestre n’ont qu’à payer! Appelons cela la « solidarité familiale ».
Et les autres familles qui ne disposent pas d’une telle marge de manouvre? C'est-à-dire la classe moyenne dans une plus large mesure vont faire les frais d’une telle politique de majorer les frais de scolarité. Je rappelle qu’une large majorité de la classe moyenne n’a plus accès à l’aide financière aux études. D’ailleurs, le système émet que le plafond d’ou que la contribution parental est obligatoire, c’est 21000$ quand c’est 45000$ dans le reste du Canada. Du nombre d’étudiants et d’étudiantes bénéficiaires de l’aide financière aux études, 65% d’entre-eux n’ont aucune contribution parentale réelle, chez les non-bénéficiaires, 37% ne reçoivent aucune contribution de leurs parents, souvent parce qu’ils en sont eux-mêmes incapable.