de p'tite crisse le Mar Oct 04, 2005 3:57 pm
désolée de revenir au sujet de départ...
Voici un texte faisant suite à la visite d’André Boisclair au cégep de Maisonneuve le 27 septembre 2005.
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«Le PQ, c’est pour se torcher»
--Graffiti présent à l’entrée du cégep du Vieux-Montréal vers la fin de la grève étudiante
Alors que les médias rapportaient qu’André Boisclair avait été bien reçu aux cégeps de Ste-Foy et de Lévis-Lauzon, un groupe d’étudiantEs libertaires, écoeuréEs que la campagne ultra-médiatisée de la course à la chefferie du PQ dégouline jusque dans les cégeps, décida de confronter la supercherie qui était rendue à nos portes. Le but était d’une part de démasquer cette marionnette au service de la classe dominante, et d’autre part, de montrer notre opposition au PQ, au nationalisme et au cirque électoral.
Une heure avant que Boisclair arrive, une douzaine d’étudiantEs commença par passer des tracts (voir annexe); l’attitude réactionnaire des péquistes ne se fit pas attendre : premièrement, Nicolas Lemieux (ancien étudiant du Vieux-Montréal, maintenant coordonnateur aux communications de l'équipe Boisclair pour sa tournée des institutions d’enseignement), identifia le potentiel perturbateur du groupe. Ensuite, le petit chef de la cellule souverainiste de Maisonneuve est intervenu en ordonnant au groupe de cesser de passer les tracts et de s’identifier. Vu le refus légitime du groupe d’obtempérer, le petit chef en question décida d’appeler à grands cris la sécurité. Celle-ci menaça de sortir le groupe s’il ne cessait pas immédiatement la distribution des tracts, sous prétexte qu’elles/ils n’étudiaient pas à Maisonneuve. Finalement, après que le groupe ait demandé l’intervention d’un exécutant de l’association étudiante, la sécurité finit par tolérer la distribution de tracts.
À l’arrivée d’André Boisclair, des individus du groupe réussirent à s’introduire dans le lieu de la conférence de presse. Alors que Boisclair s’affairait à serrer les mains de ses admirateurs étudiants, un des individus du groupe dénonça les «ostis de crisse de politiciens» au moment même où le candidat vedette s’apprêtait à lui serrer la main. L’individu se fait alors aussitôt sortir de la conférence.
À l’extérieur de la conférence, les autres membres du groupe scandent quelques slogans, puis décident d’assister à la conférence de manière active, histoire de faire valoir leur point de vue. Ainsi, au fur et à mesure que Boisclair récitait ses âneries, les membres du groupe s’affairaient à dénoncer ses propos : par exemple, alors que Boisclair racontait comment la génération de ses parents devait payer pour accéder à l’éducation, quelqu’un a crié : «Encore aujourd’hui!»; Aussi, alors qu’il évoquait les bons rapports de l’État québécois avec les autochtones, les membres du groupe (dont plusieurs se sont déjà rendus à Kanehsatake pour mieux comprendre et soutenir la lutte de la communauté pour son auto-détermination) clamaient que certains autochtones ont une toute autre version des faits. Lorsqu’il parlait de l’accessibilité aux services sociaux, le groupe s’est empressé de répondre que le PQ a coupé des sommes colossales lors de ses deux derniers mandats (notamment en éducation). Paradoxalement, quelques minutes plus tard, l’ancien ministre s’est porté à la défense du déficit zéro, mesure de droite ayant entraîné des coupures astronomiques dans les services sociaux. Aussi, alors que Boisclair parlait des bonnes politiques d’immigration du Québec, le groupe a souligné les nombreuses déportations qui se produisent constamment dans notre cher coin de pays. Aussi, alors que le leader parlait de souveraineté, le groupe scandait : «Le Québec aux Iroquois!».
Soulignons également que, suite à une intervention particulièrement bruyante du groupe, Boisclair nous regarda avec dédain en déclarant que ce moment lui rappelait «le temps où il était étudiant et qu’il combattait l’ANEEQ». Cette déclaration n’est pas très étonnante, considérant que l’Association Nationale des Étudiants et Étudiantes du Québec (ANEEQ) était une organisation prônant le syndicalisme de combat; en d’autres mots, Boisclair luttait contre les étudiantEs de gauche et il en est fier.
D’autre part, il faut souligner l’intimidation exercée par les péquistes et leurs alliés contre le groupe lors du discours. En effet, une ligne de péquistes se tenait juste derrière le groupe, prêts à toute éventualité. Le journal La Gazette nous a même appris que des policiers en civil se sont immiscés juste derrière nous, avec les péquistes. D’autre part, ce même journal nous apprend qu’il y avait également cinq autos de police qui attendaient dehors, au cas où.
S’ensuivit la fameuse période de questions : la première personne commença par exprimer son admiration envers le politicien en question, puis invita avec arrogance le «groupe d’anarchistes» à venir au micro. Or, des membres du groupe se trouvaient déjà dans la file du micro. La première question posée par un des membres du groupe fut : Est-ce que la souveraineté va réellement émanciper la classe ouvrière, c’est-à-dire abolir les classes sociales et le capitalisme, qui sont basés sur un système pyramidal où une minorité domine la vaste majorité? La réponse fut «la souveraineté est pour tout le monde», sans spécifier un quelconque changement social. Bref, la question fut contournée. Ensuite, un individu visiblement péquiste s’inquiéta du faible taux de natalité et s’enquérra de ce que Boisclair comptait faire à ce sujet. Cette question soulève des relents inquiétants, voire révoltants, de racisme : pourquoi vouloir à tout prix des bébés blancs, alors que l’on sait bien que le nombre de demandes d’immigration au Québec dépasse le nombre d’acceptations… Finalement, un membre du groupe fit un commentaire au micro contre l’attitude d’André Boisclair, contre les politiciens en général et pour une analyse radicale des problèmes sociaux.
Visiblement ébranlé par la première intervention du groupe, Boisclair a ensuite fait un appel au respect et une allusion douteuse à la démocratie. Or, on peut bien se demander où se trouvait le respect et la démocratie dans la formule de la conférence : la période de questions fut d’une durée ridiculement minuscule comparativement au temps accordé au discours. D’autre part, si on s’attarde quelque peu au concept de base de la démocratie, les débats font partie prenante de la vie politique; ainsi, le fait de répliquer aux notions fausses qui sont adressées à une foule ne constitue pas une atteinte à la démocratie; c’est plutôt un comportement inhérent à la vie démocratique. Visiblement, il n’y avait aucun rapport d’égal à égal à ce moment-là : Boisclair était sur un piédestal vis-à-vis de la foule, et il nous versait son discours dessus, telles des cruches à remplir. D’autre part, en aucun cas le groupe n’a tenté d’interrompre définitivement le discours, mais s’efforçait plutôt à dénoncer les énormités débitées par Boisclair.
Les interventions du groupe n’étaient pas un affront au respect et à la démocratie, mais plutôt une attaque envers la pacification des rapports sociaux, qui amène l’absence de débats, et, par conséquent, l’absence d’évolution intellectuelle. Cette pacification des rapports s’illustrait parfaitement lorsqu’une partie de la salle nous criait de «quitter la salle si vous êtes pas d’accord». La réelle censure se trouve en fait dans la volonté de mettre fin aux débats, de ne pas vouloir entendre des idées allant à l’encontre de la pensée dominante, celle du capitalisme—et du nationalisme. Aussi, cette situation démontre à quel point la culture (par exemple, l’école) nous conditionne à être une foule bien passive, à écouter tranquillement les discours de l’autorité sans la remettre en question et à garder nos critiques pour nous-mêmes.
Notons aussi le populisme d’André Boisclair : en effet, il a adapté son discours à la foule qui se trouvait devant lui à ce moment. André Boisclair, celui qui prône un énième virage à droite du PQ, était en train de parler de l’importance des programmes sociaux!
Aussi, on a pu remarquer l’ampleur de l’effet de l’image médiatique de ce personnage, de même que ses techniques de communication typiquement politiciennes, visant à mettre en valeur la forme du discours plutôt que son contenu. Cette scène nous rappelle «les deux minutes de la haine» dans le livre 1984 écrit par Georges Orwell, où la foule se retrouvait, suite à une technique de manipulation, à applaudir à tue-tête sans savoir réellement pourquoi et sans être d’accord réellement, bref, de se perdre dans un effet d’entraînement.
Dès que se termina la période de questions, les membres du groupes furent littéralement entourés par des gens, soit enragés, soit curieux, qui voulaient confronter à leur tour le groupe. Après une courte période d’engueulade avec quelques individus frustrés, le tout vira à de nombreux débats qui s’avérèrent très positifs, c’est-à-dire qu’il y eût des échanges d’idées, d’égal à égal, dans une atmosphère plutôt détendue, pendant environ une heure. En conclusion, notre confrontation a amené un résultat positif : des convictions ont été ébranlées, une réflexion a été provoquée, et des débats intéressants ont pu avoir lieu.
Les débats de fond concernant la politique sont trop souvent éclipsés et si peu fréquents que ceux-ci doivent être amenés, voire provoqués pour aider au développement d’un esprit critique.
Agir au lieu d’élire
Le changement social ne surviendra pas par la voie électorale, mais bien par l’organisation de groupes sociaux autonomes de l’État culminant en un mouvement de masse conscient de ses intérêts de classes. C’est dès maintenant qu’il faut s’organiser, dans nos milieux de vie, afin de reprendre le pouvoir sur nos propres vies.
À bas le cirque électoral!
Vive la démocratie directe!
Pour le communisme libertaire!
La résistance est fertile!