http://www.ledevoir.com/2008/03/03/178625.html
Bilan du troisième congrès - Québec solidaire se présente comme « le parti des travailleurs »
Alexandre Shields
Édition du lundi 03 mars 2008
Mots clés : Amir Khadir, Françoise David, Québec solidaire, Parti politique, Congrès, Québec (province)
Françoise David et Amir Khadir se sont efforcés de montrer une image d'unité au cours de la fin de semaine
Mettre de côté toutes baisses d'impôts, augmenter ceux des plus riches, revoir les aides fiscales aux entreprises, investir dans les transports en commun et développer les énergies renouvelables... la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, doit modifier en profondeur les priorités de son gouvernement dans son prochain budget, selon Québec solidaire.
Les deux porte-parole de Québec solidaire, Françoise David et Amir Khadir, se sont dits prêts hier, en conférence de presse, à se lancer dans une campagne électorale advenant le rejet par l'Assemblée nationale du budget qui sera présenté le 13 mars par la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget.
Québec solidaire souhaite clairement s'inscrire comme «le parti des travailleurs», et sa co-porte-parole, Françoise David, a pressé hier les libéraux d'aller «chercher l'argent là où il se trouve». «On doit exiger plus de ceux qui ont vu leur revenu exploser au cours des dernières années, alors que le niveau de vie des travailleurs stagne, sinon régresse», a-t-elle lancé en marge du troisième congrès du parti, qui se tenait cette fin de semaine à Montréal.
«L'an dernier, a poursuivi Mme David, les six présidents-directeurs généraux des plus grandes banques canadiennes se sont partagé 44 millions de dollars en salaire et en divers bonus, soit plus de 1000 fois le salaire moyen des Québécois. Rien ne peut justifier de tels écarts.»
On suggère donc à Mme Jérôme-Forget, qui présentera son prochain budget le 13 mars, d'augmenter les impôts des plus grandes fortunes et des grandes entreprises. La chose est nécessaire, a précisé la co-porte-parole de Québec solidaire (QS), «non seulement pour soulager la classe moyenne, mais pour les familles qui n'ont pas de place en garderie, pour l'éducation, pour l'environnement et pour créer des emplois». Elle a du même coup réfuté l'argument voulant qu'une telle mesure ferait fuir les investisseurs privés, soulignant que le Québec leur offre néanmoins un environnement très favorable.
Toujours en matière de fiscalité, les libéraux devraient réévaluer les aides fiscales accordées aux entreprises, «imposer pleinement le gain en capital», majorer l'impôt sur le revenu et sur le capital des entreprises financières et augmenter les taxes sur «les produits polluants ou luxueux».
Pour donner un coup de pouce aux plus démunis, Mme David estime urgent de revoir et de bonifier la liste des biens de première nécessité qui doivent être exemptés de la taxe de vente du Québec, notamment les couches et les produits hygiéniques féminins.
Famille, éducation et environnement
La création de 20 000 nouvelles places dans les centres de la petite enfance est au menu des propositions, mais aussi l'amélioration des mesures de conciliation travail-famille. Il faudrait de plus, selon QS, ajouter deux congés fériés par année et garantir un remplacement de revenu aux personnes qui doivent s'absenter du travail pour prendre soin d'un proche. Le réseau public d'éducation, qui souffre d'un sous-financement chronique, doit recevoir plus d'aide, et des mesures doivent être prises pour mieux aider les élèves en difficulté.
Certains projets qui font rager les écologistes sont également dans la mire du parti de gauche. «Le gouvernement doit abandonner les projets de pont de l'autoroute 25 et de la construction de l'autoroute Notre-Dame, et investir plutôt dans le transport en commun à Montréal et dans les banlieues afin d'en améliorer l'accessibilité et la qualité, a expliqué M. Khadir. Là où le transport collectif n'est pas disponible, des réseaux de covoiturage et de taxis collectifs devraient être institués.» En fait, Québec devrait injecter 1,2 milliard sur cinq ans pour le transport en commun.
Québec solidaire veut en outre favoriser l'utilisation des énergies renouvelables, comme l'hydraulique, l'éolien, le solaire, la géothermie et la biomasse. Une société publique, Énergie-Québec, aurait le mandat d'aider à la transformation du secteur énergétique pour atteindre cet objectif.
Ces propositions, dont certaines étaient déjà connues, ont été entérinées cette fin de semaine par les 300 délégués du parti présents à Montréal. Et l'on se défend bien de donner dans l'utopie. «Il n'y a rien de plus réaliste que ce qui est nécessaire, a soutenu Amir Khadir. Aujourd'hui, il est nécessaire que le destin collectif des Québécois appartienne aux Québécois, et non à un certain nombre de possédants, une élite économique qui possède l'essentiel des richesses de ce pays et qui veut continuer de les contrôler.»
D'ailleurs, si les partis d'opposition à l'Assemblée nationale font tomber le gouvernement à la suite du dépôt du budget, QS se dit prêt à se lancer dans une campagne électorale et invite déjà les Québécois à «oser changer de paysage politique».
Tout va bien
Par ailleurs, les deux porte-parole se sont efforcés de montrer une image d'unité au cours de la fin de semaine, à la suite des révélations du Devoir de samedi selon lesquelles Mme David remettait fortement en question la pertinence de la formule actuelle.
Dans une lettre envoyée aux membres du comité de coordination de QS l'automne dernier, elle disait s'être sentie carrément éclipsée par M. Khadir lors des dernières élections. Elle estimait aussi que la présence de deux porte-parole entretenait une confusion certaine auprès de l'électorat et que l'arrivée de Pauline Marois à la tête du Parti québécois risquait de leur nuire.
Avant l'arrivée de Mme Marois à la tête de la formation souverainiste, écrivait Françoise David, Québec solidaire était en effet le premier parti à avoir une femme à sa tête, à titre de «co-porte-parole». «Là, c'est terminé. Et elle [Mme Marois], elle est vraiment chef. Pourquoi la gauche serait-elle incapable d'avoir clairement une porte-parole femme et féministe?»
La principale intéressée a soutenu samedi que le sujet était clos, après avoir fait l'objet de discussions à l'interne. La question sera toutefois à l'ordre du jour du comité de révision des statuts, qui devrait entrer en fonction au cours des prochaines semaines.