L'autre Nakba (Le Devoir)

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L'autre Nakba (Le Devoir)

Messagede Le gros Réal le Mar Mai 13, 2008 6:26 pm

Une lettre intéressante dans Le Devoir d'aujourd'hui, qui présente un point de vue différent de ceux habituellement entendus sur le conflit israélo-arabe:

Opinion
Réaction au texte de Rachad Antonius - L'autre Nakba

Pierre Lévy, Professeur à l'Université d'Ottawa
Jean-Charles Chebat, Professeur à HEC-Montréal

Édition du mardi 13 mai 2008

Il est d'usage pour les rhéteurs de la cause palestinienne de parler de la Nakba, c'est-à-dire la «catastrophe» en arabe, soit, selon eux, la création d'Israël et l'exil des Palestiniens. Cet exil aurait été causé par les violences faites aux Palestiniens dans la guerre qui opposa cinq armées arabes à un embryon d'armée israélienne et qui finit par l'établissement de lignes de cessez-le-feu de Rhodes en 1949.

Premier point que nous voulons faire: cet exil fut largement causé par les dirigeants arabes eux-mêmes. Sûrs de leur victoire, les rois et dictateurs arabes, dont les armées étaient largement équipées, financées et entraînées par les Britanniques, pensaient ne faire qu'une bouchée de ces quelques milliers de Juifs, mal armés et mal entraînés. Quelque 600 000 Arabes ont quitté le territoire confié par la Société des Nations (SDN, ancêtre de l'ONU) aux Britanniques, la province ottomane de Palestine, par peur d'être perçus comme des traîtres par les frères de la Ligue arabe.

Le mensonge

Début 1949, Émile Ghoury, homme d'État libanais et dernier président chrétien de la Ligue arabe, écrivait dans son discours de démission qu'il refusait de continuer à vivre avec le mensonge selon lequel les Israéliens avaient chassé leurs concitoyens arabes. Ghoury disait que le temps était venu que les États frontaliers d'Israël assument la responsabilité d'avoir demandé que les Israéliens et les Arabes palestiniens quittent leurs domiciles pour des raisons militaires tactiques, afin de permettre aux armées arabes de faire pleuvoir la dévastation sur les seuls Juifs. La promesse était que les Arabes reviendraient «d'ici deux semaines après avoir mis les Juifs à la mer».

Cinquante ans plus tard, le 19 mars 2001, Fouad Abu Higla, éditorialiste régulier du quotidien de l'Autorité Palestinienne, Al Hayat Al Jadida, écrivait un article pour le Sommet arabe, critiquant les États arabes pour une série d'échecs. L'une d'entre elles était que les dirigeants arabes avaient forcé les Arabes du mandat britannique à quitter leurs terres en 1948.

La leçon ne semble pas avoir été apprise. Nasrallah, le leader du Hezbollah a fait, en août 2006, très exactement le même appel au départ: il exigeait que les Arabes vivant dans la région de Haïfa quittent d'urgence leurs domiciles plutôt que de subir les bombardements du Hezbollah.

Un élément mis de côté

Mais, en 1948, le scénario ne se déroula pas comme les dirigeants arabes l'avaient prévu. Tout d'abord, plusieurs milliers d'Arabes, chrétiens et musulmans, druzes et autres, refusèrent d'écouter ces voix étrangères: ils restèrent sur place. Eux et leurs descendants sont aujourd'hui un million deux cent mille citoyens de l'État d'Israël, soit près de 20 % de sa population. C'est le premier aspect de la «Nakba» que les rhéteurs supposés pro-palestiniens mettent systématiquement de côté dans leurs prétendues démonstrations.

Ensuite et surtout, contre toute attente, les Israéliens ont battu les cinq armées arabes. Un expert militaire français de l'époque, prédisait, sans que d'ailleurs cela émeuve concrètement aucun État de cette Europe où l'on venait de découvrir les camps d'extermination nazis, «les Juifs sont foutus».

Présence et culture

Il est un deuxième aspect tout aussi important: l'autre «Nakba», celle subie par les Juifs vivant dans les pays arabes. 900 000 Juifs vivaient après la Seconde Guerre mondiale dans les pays aujourd'hui membres de la Ligue arabe. De ces 900 000 Juifs il ne reste pratiquement rien, sinon quelques milliers, surtout au Maroc. Rien de leur présence physique, rien de leur culture: des synagogues dévastées, des cimetières en ruine. Leur longue et fertile histoire est entièrement passée sous silence par les manuels d'histoire officiels des pays arabes.

Les Juifs se sont établis dans ces pays des siècles avant l'invasion arabo-musulmane du VIIe et VIIIe siècle. Sur un plan ethnique, le Maghreb a été -- faut-il le rappeler? -- berbère (amazigh), punique, romain et même germain (vandale) avant d'être arabe. Sur un plan religieux, il a été animiste, polythéiste, juif et chrétien longtemps avant d'être musulman.

Le petit royaume judéo-berbère établi autour de Bougie (dans l'actuelle Algérie) résista 70 ans à l'invasion arabo-musulmane, en particulier sous la conduite d'une femme, la Kahena. Les Juifs avaient établi une communauté en Tunisie depuis sans doute des millénaires sur l'île de Djerba. Que dire de ceux d'Égypte, présents au moins depuis l'époque grecque? Et des Juifs de l'actuelle Irak, qui y furent transplantés après la destruction du premier Temple de Jérusalem, soit six siècles avant l'ère chrétienne et qui y vécurent jusqu'aux persécutions du Baas!

Pogroms

Les pogroms, en particulier ceux de 1945 à Constantine (Algérie) ou celui de Bagdad commis à l'instigation du Mufti de Jérusalem, Al-Husseini avec les encouragements de ses alliés nazis, ont fait prendre les menaces antisémites très sérieusement par les communautés juives. Ces pogroms se situent dans une tradition des pogroms antisémites (mais aussi antichrétiens) à travers l'Empire ottoman.

Les juifs qui ont quitté le monde arabe dans les années 1950-60 ont été pour la plupart obligés d'abandonner leurs biens avec l'active complicité des institutions judiciaires locales. Ils ont trouvé refuge principalement en Israël, mais aussi en France et au Canada. Ils ont pu retrouver là des occasions de développement et une vie normale, malgré une profonde déchirure personnelle et collective.

Aucun d'eux n'est aujourd'hui à la charge des programmes sociaux des Nations unies. Ils n'ont pas alimenté de partis totalitaires et ne commettent pas d'attentats suicide. C'est sans doute parce qu'ils ne se sont pas livrés à la politique du pire que l'expulsion et le dépouillement sans scrupules dont ils ont été victimes sont systématiquement oubliés.

Il y a aujourd'hui un million deux cent mille arabes (musulmans et chrétiens) sur la terre d'Israël, soit deux fois plus que le nombre de ceux qui en sont partis. En revanche, s'il faut le redire, il n'y a plus de Juifs dans les pays de la Ligue arabe. Il est grand temps que l'on rende justice à ces Juifs déracinés de leurs terres ancestrales. Qui le fera?
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Re: L'autre Nakba (Le Devoir)

Messagede DKME le Mar Mai 13, 2008 9:23 pm

En 2008:
- Peut-on être contre le sionisme sans être considéré antisémite?
- Peut-on être contre le terrorisme et être solidaire de la lutte(armée ou non) du peuple palestinien
contre l'occupation israélienne en Palestine?

L'histoire ne peut servir de justification morale pour le génocide et les punitions collectives effectué envers l'ensemble du peuple palestinien. Ni pour Hitler et le Parti nazi, Ni pour Israël!

[C'est pas parce qu'on a été victime d'une agression, qu'on a le droit par la suite de le faire aux autres!]
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Re: L'autre Nakba (Le Devoir)

Messagede DKME le Mar Mai 13, 2008 9:53 pm

Voici un vidéo de la marche pro-palestinienne du 10 mai dernier à Montréal.

Écoutez la deuxième moitié du vidéo lorsqu'ils ont interviewée des juifs hassidim pour qu'ils nous livrent leur point de vue sur l'occupation israélienne et au droit d'existence de l'État d'Israël...En fait, ils sont contre l'existence même de l'État d'Israël actuel. Alors, sont-ils eux aussi antisémites?

http://www.youtube.com/swf/l.swf?video_id=d7u6DCh-wWE
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Re: L'autre Nakba (Le Devoir)

Messagede Tovarichtch le Mer Mai 14, 2008 9:26 am

Hum, comment être antisémite alors que je suis arabe ET juif ?

Merde... je fais quoi là ?
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Re: L'autre Nakba (Le Devoir)

Messagede Dinde le Mer Mai 14, 2008 8:14 pm

Bonjour à tous et à toutes,

Les auteurs affirment que ce sont les États frontaliers d'Israël [qui ont] demandé que les Israéliens et les Arabes palestiniens quittent leurs domiciles pour des raisons militaires tactiques, afin de permettre aux armées arabes de faire pleuvoir la dévastation sur les seuls Juifs.

Premièrement je vois une certaine contradiction dans cette phrase. Comment la dévastation ne pourrait avoir pour cible que les juifs/juives si on a demandé à la fois aux israélien-ne-s et aux palestinien-ne-s de partir? Si par israélien-ne-s, les auteurs voulaient désigner les arabes israélien-ne-s cela n'était vraiment pas clair (et en fait je doute que ce soit le cas).

Passons cette incongruité. Une des thèses que les auteurs soutiennent est que ce sont les États arabes frontaliers d'Israël qui sont responsables du déplacement initial des palestinien-ne-s. J'imagine que beaucoup de spécialistes doivent appuyer cette thèse alors que beacoup d'autres doivent la réprouver. Supposons, pour les besoins de la discussion, qu'elle soit vraie. Le déroulement des évènements est donc le suivant:

---Les palestinien-ne-s sont contraint-e-s de quitter leur terre par des pays tels que le Liban, la Syrie, la Jordanie, l'Égypte pour éviter les dommages collatéraux.
---Israël gagne la guerre
---Israël s'accapare des terres que les palestinien-ne-s ont été contraint de quitter à cause de la guerre
---Israël refuse toujours de nous jours d'accorder le droit de retours aux palestinien-ne-s qui ont du quitter leurs terres en raison de la guerre (par la faute des Israéliens selon les uns, par la faute des pays arabes limitrophe à Israël selon les autres).

Donc quand bien même ce ne serait pas Israël qui aurait chassé les palestinien-ne-s de leurs terres, il en profite et la palestinien-ne-s en souffrent. Ceci est à dénoncé.

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Re: L'autre Nakba (Le Devoir)

Messagede Dinde le Mer Mai 14, 2008 8:15 pm

Re-bonjour à tous et à toutes,


J'ai des questions/réflexions concernant le pogrom de Constantine(1945)

En 1945, l'Algérie était une colonnie française et Constantine une ville très européenne. Comment un pogrom a-t-il pu avoir lieu et être l'oeuvre des arabes? Les autorités françaises seraient restées les bras croisés ?(note: je ne nie pas qu'il ait eu lieu, je suis seulement très surpris).

Par ailleurs s'il est vraie qu'il existait des tensions entre les «indigènes» (arabes ou berbères) et les juifs/juives (surtout des sépharadim) présent-e-s en Algérie, je me demande si la nature de la contradiction reposait sur la judaïté de ces derniers/dernières ou à leur intégration au sytème de répression colonial. Iniatialemnt, les sépharadim étaient eux/elles-aussi consiéré-e-s comme des indigènes par l'occupant français (le fameux code de l'Indigénat). Toutefois, pour augmenter le poids démographiques des occupant-e-s et diviser les indigènes, le décret Crémieux(1870) a «francisé» les sépharadim (la reine Victoria disait qu'il fallait diviser pour régener). Fort-e-s de de leur nouveaux privilèges, les sépharadim sont effectivement devenu-e-s plus français-e-s qu'algérien-ne-s.

Ainsi, je me demande si les évènements de Constantine dont font état les auteurs ne seraient pas plutôt du à un sentiment anti-colonnial qu'à de l'antisémitisme?

À ce sujet, je me rappelle d'une intervention de Patrick Bruel (un juif né en algérie juste avant l'indépendance) à l'émission Tout le monde en parle. Guy A Lepage avait affirmé que Patrick Bruel avait du quitté l'Algérie lorsqu'il était jeune parce qu'il était juif. Patrick Bruel l'a immédiatememnt repris et a expliqué qu'il avait du quitté l'Algérie non pas parce qu'il était juif, mais parce qu'il était français...

Tout ça, ça revient aux commentaires précédents: est-ce que antisionime=anti-sémitisme ou dans ce cas-ci, est-ce que [anti-colonialisme en Algérie]=anti-sémitisme. Pour ma part, je crois que faire de pareilles équations est un peu grossier.

Mais bon, il ne faut pas être malhonnête non plus. Il est évident qu'au-delà d'un antisionisme juste qu'il existe maintenant beaucoup d'antisémitisme dans les pays arabes. J'écris maintenant, non pas que je veuille dire que cela n'a jamais existé avant (les arabes ne sont ni plus ni moins vertueux/euses que les occidentaux/ales), seulement que la façon inhumaine dont les palestinien-ne-s sont traité-e-s par les israélien-ne-s a exacerbé ce sentiment. Quand on sème la misère, il faut s'attendre à récolter la colère. Celle-ci s'exprime parfois de manière juste(anti-sionisme), parfois non (anti-sémitisme)... mais son origine demeure la même.

Sur un ton plus léger, je recommande de voir le film franco-tunisien Un été à la goulette (avec le célèbre acteur judéo-tunisien Michel Boujenah) qui traite des relation entre juifs, arabes et occidentaux dans un quartier populaire de Tunis (La Goulette). Le film s'achève par l'annonce de la guerre de 6 jours. Avec cette agression israelienne, on comprend que plus rien en pourra être comme avant...
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