de Benny K. N. le Sam Oct 27, 2007 1:24 am
Ah nan, jdis pas qu'il faut les imiter. Y'a pas mal de critiques a faire sur le mouvement etudiant la bas. Pour reprendre ta comparaison, je conseille à personne de couper des mains, mais je veux juste montrer que tout le monde en est capable.
En ce qui concerne la greve etudiante francaise, c'est culturel sans aucun doute, mais c'est pas habituel. Cette culture est récente, elle est tres evolutive. C'est une culture de l'action, crée dans l'action, par les activistes.
Les mouvements etudiants, et meme les greves en général, ne sont pas vraiment aussi courants en france que ce que laissent penser les representations qu'on en a. La greve qui se prépare est celle d'une minorité agissante.
Ce qui se passe, c'est que les étudiants francais actuels ont cumulé au cours de ces dernieres années une bonne experience de la révolte. Pour moi et beaucoup d'autres, ca a commencé au printemps 2005, lorsqu'on etait encore au lycée, et qu'on a entamé un gros mouvement de protestations contre une réforme de l'enseignement (imposée par le ministre de l'education de l'epoque, qui s'est demarqué de chirac peu apres et qui en a été recompensé par le poste de premier ministre à l'election de sarkozy). Ce n'etait que de manifestations, pas de greve, et ca a été pour beaucoup un premier contact avec les syndicats professionnels et l'unef, qui se sont revelés etre des obstacles quand ils ont compris que le mouvement lycéen etait incontrolable. Aussi un contact avec les flics et la repression de masse (les peines de prison ferme pour "outrage et rebellion" sont tombées drues), et avec les etudiants, qui pour leur part etaient completement indifferents. Ce mouvement a été un echec total, la loi est passée et nos potes sont restés en taule.
Puis y'a eu les emeutes de novembre, qui nous ont rappelé que la police ne gagnait pas à tous les coups, et que les plans de ses chefs n'ont rien de parfait. Ca nous a aussi permis de voir qui avait quelquechose à perdre, notamment parmi la vieille gauche et le nouveau centre. Un echec, la aussi : ces gars la n'etaient pas souvent des amis, mais leur revolte nous plaisait et elle a été ecrasée.
Puis y'a eu le printemps 2006, ou nous avons a peu pres tout essayé, dans la mesure ou nous ne sommes pas parvenus à rompre l'isolement de nos campus. Mais au moins, nous savons comment declencher une greve, comment nous comporter face aux bureaucrates, comment la recupération a pu avoir lieu. Car ce mouvement a encore été un echec, les desirs autour desquels il s'etait créé se sont evaporés avec le desordre qu'ils faisaient, quand l'etat a accepté de frapper moins dur avec la benediction des collabos. Il a quand meme frappé un nouveau coup. Et encore quelques uns de nos copains se sont retrouvés à l'ombre.
Et puis l'automne 2006, et le printemps 2007. On s'est rendu compte qu'on ne suscite pas un mouvement qu'avec de la bonne volonté, et malgré nos efforts il ne s'est rien passé (de notre coté, hein, parceque les vieux, eux, aiguisaient leurs armes, posaient des grilles et des cameras dans nos facs, engageaient des vigiles, etc...) jusqu'a l'election de l'autre et les trois soirs d'emeutes qui ont suivi. Encore un echec, encore un enseignement, et des centaines de jeunes derriere les barreaux. Cette fois, on a compté, et puis on sait ou aller pour eviter les matraques. Et on a des pistes pour regler le probleme des pacifistes.
Ce qui fait qu'a present, les facs francaises sont pretes a recommencer. Car c'est en se revoltant qu'on devient revolté. Et on sait aussi qu'on n'a pas fini d'apprendre. Y'a deux perspectives qui s'ouvrent : celle du lumpen des banlieues, tout le monde sait que si nos mouvements etaient coordonnés nous serions presque plus dangereux qu'en 68, mais nous n'avons pas encore trouvé comment faire converger nos luttes; puis y'a celle des etudiants eux memes, qui restent malgré tout attachés a leur petites morales, a leurs petits privileges et à leurs grands avenirs (ahaha). On arrive a constituer une marge importante de revoltés, mais nous n'avons pas encore réussi a faire basculer une portion vraiment significative. Si on y arrive, le mouvement pourra peut etre depasser sa base corporatiste.
Les quebecois ne manquent pas de grand chose pour faire mieux. La grève de 2005 comme modele à faire evoluer, et les legendes internationales à dépasser, 68, le weather undergound, A.D./R.A.F./B.R., beaucoup de vieilles idées à détruire... La seule chose qui vous manquerait vraiment, c'est le mouvement autonome qui semble etre tres européen, mais j'en suis pas sur. Et les blacks blocks, taz et autres qui marchent mieux aux etats unis qu'ici.
Faut juste commencer, recommencer. C'est trop dur de s'impliquer dans un mouvement qui n'existe pas.
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J'vais me r'trouver la gueule par terre
Et ca s'ra d'la faute à Baader
Et j'vais rouler dans l'caniveau
Bah ca s'ra la faute à Bonnot