Mots clés : université, droits de scolarité, Éducation, Étudiant, Québec (province)
Québec savait qu'une hausse des droits de scolarité pourrait se traduire par une diminution de plusieurs milliers d'étudiants sur les bancs d'université au moment de prendre sa décision de mettre fin au dégel au printemps dernier.
La professeure d'administration et d'économie à l'Université de Sherbrooke Valérie Vierstraete, à qui on avait demandé au début de 2006 de plancher sur des scénarios de variation des droits de scolarité, avait déjà en avril dernier fourni des résultats préliminaires au ministère de l'Éducation. «Quand la décision a été prise, le ministère avait déjà les résultats préliminaires», précise Mme Vierstraete au Devoir.
Le gouvernement n'a toutefois pas demandé à la chercheuse de tester spécifiquement le projet de hausser les droits de scolarité de 30 % sur une période de cinq ans.
À la lumière des résultats préliminaires et de ceux compris dans l'étude définitive rendue publique cette semaine, on constate que la hausse annoncée de 50 $ par session pendant cinq ans se traduirait par une diminution de plus de 3000 personnes de l'effectif étudiant, selon une estimation conservatrice de Mme Vierstraete.
Cette dernière a étudié la réaction des étudiants des autres provinces canadiennes aux différentes hausses de droits de scolarité entre 1999 et 2002 et a transposé les résultats pour faire des projections sur la façon dont la clientèle étudiante québécoise réagirait à différents scénarios de variation des droits de scolarité.
La chercheuse précise cependant que ce modèle comporte des limites, puisque l'attitude des Québécois à l'égard de l'éducation postsecondaire n'est pas nécessairement la même que dans le reste du Canada. «La perception que les Québécois ont de l'enseignement supérieur est moins bonne qu'ailleurs au Canada, surtout dans les milieux défavorisés où les parents n'ont pas fréquenté des établissements d'enseignement supérieur», indique Mme Vierstraete.
On peut donc supposer que les variations de droits de scolarité, et leur médiatisation qui accroît la perception que l'université est onéreuse, influenceraient davantage les étudiants potentiels dans leur décision de s'inscrire à l'université que ne le laissent croire les projections, avance Mme Vierstraete.
La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSE) ont par ailleurs dénoncé en choeur hier la décision du gouvernement Charest de dégeler les droits de scolarité, alors qu'il était démontré que cela se traduirait par une baisse d'effectifs. L'ASSE se réjouit par ailleurs de constater que la gratuité scolaire ne coûterait que 153 millions à l'État québécois. «Le gouvernement et les médias n'arrêtent pas de dire que la gratuité est irréaliste. Or on réalise que les estimations effectuées par la chercheuse pour le compte du gouvernement sont même plus basses que celles d'autres recherches indépendantes», souligne le porte-parole de l'ASSE, Hubert Gendron-Blais.
Les projections effectuées par Mme Vierstraete montrent en effet qu'il en coûterait 153 millions pour offrir la gratuité aux étudiants universitaires québécois, ce qui ne s'appliquerait pas aux étudiants étrangers. Ce montant tient compte des montants que Québec n'auraient pas à investir sous forme d'aide financière et de crédits d'impôt sur les droits de scolarité. Une telle mesure aurait pour conséquence, toujours selon les projections de l'économiste, de faire hausser le nombre d'étudiants universitaires de près de 8 %.