Déclaration de la rectrice par intérim de l'UQAM, Mme Danielle Laberge
6 septembre 2007
Ce message est disponible en format audiovisuel à l'adresse :
http://www.video.uqam.ca/rectorat070906Chers membres de la communauté de l'UQAM,
Le Conseil d'administration de l'Université s'est réuni en séance extraordinaire ce midi. Voici la déclaration que je lui ai livrée à cette occasion :
Mesdames, et messieurs les membres du Conseil d'administration,
Lorsque, à la fin de l'été 2006, mes collègues et moi avons découvert que la direction précédente avait camouflé la situation financière réelle et désastreuse de l'Université à l'équipe de direction et au Conseil d'administration, nous n'avions d'autre choix que de dénoncer un état de fait déplorable et d'assumer nos responsabilités. Nous avons d'abord pris des mesures pour arrêter l'hémorragie et, ensuite, pour assainir la situation et éviter que de telles choses se reproduisent dans l'avenir.
À titre de membres du Conseil, le rappel de ces événements n'a rien de nouveau pour vous. Je tiens toutefois à revenir brièvement sur ces événements malheureux et je souhaite que mes propos aient des échos bien au-delà des murs de cette université.
Il nous a donc fallu mesurer l'ampleur du problème auquel nous étions confrontés et mettre en place les ressources requises pour reprendre en main notre gestion. Il nous a fallu également évaluer, avec nos partenaires, les divers scénarios qui permettraient de remettre l'UQAM sur les rails.
Au moment où j'ai accepté d'assumer les fonctions de rectrice par intérim, en décembre dernier, je savais fort bien que la situation était périlleuse, que les mois suivants seraient difficiles et qu'il faudrait une forte dose de détermination pour permettre à l'UQAM de traverser cette crise. J'avais pris l'engagement auprès du Conseil d'administration, du Ministère de l'Éducation et de l'Université du Québec d'agir avec transparence et intégrité. En acceptant ce mandat, j'avais clairement avisé les membres du Conseil que je ne l'interprétais pas comme un préalable à une campagne dans une éventuelle course au rectorat. Il a toujours été clair que ma décision de m'engager dans une telle course serait prise au moment où s'ouvrirait officiellement la procédure de désignation du recteur, de la rectrice.
En décidant, au mois de décembre dernier, de retarder le lancement de la course au rectorat à la fin août de cette année, les membres du Conseil ainsi que la direction marquaient leur volonté de concentrer toutes leurs énergies sur la clarification de la situation immobilière et la recherche urgente de solutions à l'impasse budgétaire dans laquelle la direction précédente avait précipité l'UQAM. Le Conseil d'administration a engagé la procédure de désignation du prochain recteur le 28 août dernier. Le moment est donc venu pour moi de vous faire part de mes intentions.
LE CONTEXTE ACTUEL
Les difficultés rencontrées depuis mon entrée en fonction à titre de rectrice par intérim ont été encore plus grandes que celles que j'appréhendais en acceptant ce mandat. En effet, le bourbier financier qui est encore le nôtre, rend impossible toute solution qui serait fondée exclusivement sur les efforts de l'UQAM. Nous avions et nous avons toujours besoin d'aide.
Notre responsabilité institutionnelle étant engagée, il est normal que nous fassions notre propre effort pour contribuer au redressement de notre situation. Cela représente des sacrifices considérables de la part de l'ensemble de la communauté uqamienne. Le dernier projet de plan de redressement soumis à l'Assemblée des gouverneurs de l'Université du Québec ainsi qu'à la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport, Mme Michelle Courchesne, le 14 juin dernier, et bonifié depuis, représente un immense défi. Ce dernier exigera des sacrifices sur une très longue période. À l'interne, certains ont pensé qu'on pouvait échapper à cet exercice de rigueur. Ils y ont vu un signe de faiblesse, un refus de défendre l'université.
Malgré les attaques dont le plan de redressement a pu faire l'objet, je demeure toujours convaincue qu'il est indispensable que nous examinions tout ce qu'il est possible de faire pour alléger la dette de l'UQAM et diminuer à terme le fardeau financier qui entrave notre dynamisme interne et nuit à notre développement.
Au cours des derniers mois, je me suis employée, avec mes collègues de la direction, à œuvrer pour que ce plan en soit un non seulement de redressement, mais également de relance. Nous nous sommes employés à le rendre réalisable et équitable et également à nous assurer que sa mise en œuvre ne compromettait pas nos missions académiques.
Pour bien comprendre notre situation actuelle, il faut admettre que le problème de l'UQAM n'est pas seulement le résultat d'un cafouillage immobilier. Comme les autres universités québécoises, l'UQAM fait face à un sous-financement qui perdure. Tout le monde le reconnaît au sein de notre communauté. Ce devrait être une réalité historique même pour ceux qui refusent de l'admettre. Je récuse avec véhémence cette idée selon laquelle nos difficultés n'ont rien à voir avec cet état de sous-financement. Les cures minceur sont plus faciles à réussir lorsque l'on a du poids à perdre. Ce n'est pas le cas de l'UQAM, nous l'avons démontré en Commission parlementaire notamment.
Par ailleurs, un plan de redressement dans une université ne peut être assimilé à une opération semblable menée dans une entreprise. Il ne fait aucun doute que toutes les organisations qui sont financées grâce aux deniers publics doivent avoir une gestion irréprochable et qu'un tel objectif exige qu'on prenne les moyens pour l'atteindre. Néanmoins, on ne redira jamais assez que les universités ne sont pas des entreprises, que leur but n'est pas le profit, que le plein accomplissement de leur mission ne se déclinera jamais en termes financiers. À l'UQAM, université de l'accessibilité par excellence, le nombre d'étudiants continue de croître. Malgré nos problèmes financiers, ces étudiants ont les mêmes droits à une éducation et à des services de qualité que dans d'autres établissements.
L'UQAM ABANDONNÉE PAR CEUX QUI DEVRAIENT L'APPUYER
Dès le début de mon mandat, j'ai cru essentiel de renouer activement les liens avec des acteurs sans le soutien desquels il serait impossible de réussir : l'Université du Québec, le ministère de l'Éducation et le ministère des Finances. Durant toute cette période, j'ai travaillé de façon ouverte et collaboratrice tout en défendant les intérêts de l'UQAM. Ce travail était très exigeant et souvent ardu. Si la sortie de cette crise était simple, comme plusieurs se plaisent à le répéter, nous n'y serions plus.
Au-delà des divergences qui ne pouvaient manquer de se manifester au cours de nos discussions, je croyais que la défense de l'intégrité d'une grande université publique serait le ciment de cette collaboration. Je dois déplorer que depuis le début de mon intérim jamais, à aucune occasion, le siège social de l'UQ n'est-il venu publiquement à la rescousse de l'UQAM, bien au contraire. Si le doute pouvait encore être possible, les trois derniers mois m'auront apporté des preuves irréfutables à cet effet. Une telle situation soulève, hors de tout doute, la question de la gouvernance et du rôle du siège social de l'UQ dans le panorama universitaire québécois. S'il ne s'agit pas là de l'objet principal de mon message, il s'agit néanmoins d'un élément crucial dans mon analyse de la situation. Frappée par une crise sans précédent, pressée de trouver des solutions viables et responsables, voilà que l'UQAM est mise au banc des accusés, voire abandonnée à son sort par ceux-là même qui devraient venir à sa rescousse au sein d'un réseau solidaire. J'en suis choquée.
Au fil des mois, nous avons déployé des efforts soutenus, empreints de bonne foi et de transparence dans nos échanges avec les ministères et l'Université du Québec. Nous avons mis beaucoup de soin afin d'éviter que notre situation financière n'ait de larges répercussions bien au-delà de notre seule université. Nous avons tenté avec toute l'énergie possible de trouver une solution au projet de l'Îlot Voyageur dans le meilleur intérêt public. Nous avons apporté une attention particulière afin de valider toutes les données que nous transmettions à nos partenaires. Nous nous sommes conformés à des directives, parfois surprenantes, pour éviter les indiscrétions qui auraient pu nuire à nos efforts. Tout cela semble maintenant traité comme tergiversations et incompétence.
Les déclarations récentes et virulentes de la Ministre Courchesne aux journaux ne laissent aucun doute à ce sujet. Cette véhémence en a étonné plus d'un, tout comme son interdiction faite à l'UQAM d'évoquer sa situation de sous-financement chronique alors que l'ensemble des universités réclame un réinvestissement majeur de la part du gouvernement.
L'UQAM est une université extraordinaire et l'appui constant d'un grand nombre de personnes au cours des derniers mois m'a permis de déployer des énergies que je ne me savais pas avoir. Néanmoins, au sein même de l'UQAM, j'ai constaté une certaine incapacité à transcender des intérêts particuliers dans la défense de notre organisation, un désir par trop prépondérant de chercher des coupables plutôt que de proposer des solutions.
Toutes ces circonstances ont ponctué ma réflexion en regard de la course au rectorat. D'autres considérations académiques et professionnelles mais aussi plus personnelles et même familiales ont également meublé cette réflexion. J'en suis arrivée à la conclusion de n'être pas l'interlocutrice dont l'UQAM a présentement besoin. Le peu d'appui reçu de nos partenaires institutionnels, le refus apparent de saisir l'urgence de la situation sont des facteurs qui ont lourdement pesé dans ma décision. C'est donc avec une immense tristesse et le sentiment d'avoir été au bout de ce que la situation me permettait pour servir au mieux l'UQAM, que j'ai pris la décision de ne pas présenter ma candidature à titre de rectrice.
J'offre aussi aux membres du Conseil d'administration de me retirer immédiatement de mon poste de rectrice intérimaire, s'ils le jugent nécessaire. Je suis toutefois disposée à poursuivre cet intérim, avec l'appui du Conseil d'administration, de mes collègues de la direction et de la communauté jusqu'à la nomination du prochain recteur ou de la prochaine rectrice à qui j'offre d'avance toute ma collaboration dans la période de transition qui suivra sa nomination. Si je devais poursuivre l'intérim, je souhaite que, dans cet intervalle, nous puissions arriver à convenir avec nos partenaires de pistes claires et partagées, ouvrant un horizon de solution à mon successeur, ma successeure.
Je tiens à remercier les membres du conseil de leur appui. Je désire aussi souligner le travail constant et déterminé de tant de personnes qui ont à cœur l'UQAM, dont mes proches collaborateurs. J'espère enfin que la communauté dans son ensemble saura faire montre d'un appui indéfectible à la personne choisie pour assurer la direction de notre université. Sans cet appui, le succès sera impossible.
Après la lecture de cette déclaration, j'ai laissé le soin au Conseil d'administration de délibérer en mon absence sur la suite de l'intérim, d'ici la nomination du prochain recteur ou de la prochaine rectrice. Le Conseil dont tous les membres et observateurs étaient présents et où tous les groupes sont représentés, m'a demandé, à l'unanimité, de continuer à exercer les fonctions de rectrice par intérim jusqu'à l'issue de la course au rectorat amorcée le 28 août dernier et qui doit se terminer à la fin de l'automne. J'ai accepté la proposition du Conseil qui m'a fait l'honneur de me renouveler sa confiance dans cette période très tourmentée de notre vie institutionnelle. Je tiens à vous assurer que, pendant cette période, je continuerai à servir l'UQAM de toutes mes forces et à œuvrer à la mise en place d'un plan de redressement responsable et respectueux de sa mission.
Je vous remercie de votre attention.
DANIELLE LABERGE
Rectrice par intérim
Vice-rectrice à la vie académique et vice-rectrice exécutive