Des calendriers sexistes pour vendre de la bièreFabien Deglise
Le Devoir
Édition du mercredi 18 mars 2009
La campagne de promotion voulait attirer les jeunes mâles vers des caisses de bière. Or, en orchestrant la publication du calendrier des plus belles filles de l'est du Québec, avec sa chronologie de mannequins légèrement vêtues, la brasserie Molson s'est surtout attiré les foudres du Conseil d'éthique de l'industrie québécoise des boissons alcooliques.
En 2008, cet outil publicitaire controversé a alimenté en effet pas moins de 70 % des plaintes reçues par l'organisme d'autoréglementation, qui a dévoilé hier le bilan de sa deuxième année d'existence. Le Conseil déplore toutefois que, tout en donnant du travail à son département des plaintes, les grands brasseurs du Québec n'ont toujours pas adhéré au code d'éthique en matière de pratique commerciale que le reste de l'industrie s'est pourtant donné.
Or, à elles seules, les brasseries Molson-Coors et Labatt-Budweiser ont induit 169 plaintes sur les 211 reçues l'an dernier par le Conseil. Les plaintes du public sont en croissance de 30 % par rapport à l'année précédente, a souligné l'organisme au cours d'une conférence de presse tenue à Montréal. L'exploitation du corps féminin pour faire mousser la vente de bière est généralement au coeur des reproches.
Outre le calendrier, principalement diffusé dans la région de Rimouski, les publicités de l'Association des Pros du Party, du Manoir Coors Light et des Hôtesses de l'air-Super Bowl ont également été pointées du doigt par le Conseil pour «sexisme, mépris envers les femmes et exploitation de la sexualité». L'organisme a également rappelé à l'ordre des propriétaires de bars ainsi que des détaillants en alimentation pour des promotions qui auraient incité à la surconsommation d'alcool, une pratique «contraire aux valeurs et à l'orientation du code d'éthique», a souligné Claude Béland, qui préside le Conseil.
Tout en reconnaissant dans son rapport que le milieu de l'alcool «a indiscutablement réduit le sexisme dans ses communications et ses promotions», les gardiens du code, auquel l'Association des distillateurs du Québec, la Société des alcools du Québec, le Conseil des négociants en vin du Québec ou encore l'Association des restaurateurs du Québec ont souscrit, estiment qu'ils restent encore «beaucoup de chemin à parcourir» afin de mettre un peu plus de morale et d'éthique dans les pubs de bière. Une mission délicate à une époque «où la perte de repères moraux et sociaux rend moins précises les normes sociales», a reconnu M. Béland.
Par ailleurs, l'organisme a souligné qu'il a été interpellé à quelques reprises par des consommateurs inquiets devant «la place qu'occupe l'alcool dans les médias» et particulièrement à la télévision, «dans des émissions d'affaires publiques du dimanche soir et dans des émissions de cuisine», a précisé Marie-Andrée Bertrand, membre du Conseil, tout en ajoutant que la réflexion sur ce sujet devrait se poursuivre dans les prochaines années.