OBJET : Lettre de démission
Ami-es, camarades, collègues,
C’est avec un brin de grisaille, en ce mercredi 31 octobre 2007, que je vous annonce officiellement ma démission du poste de Secrétaire aux affaires externes de l’Association Facultaire Étudiante des Sciences Humaines de l’UQAM (AFESH). Cette décision, mûrement réfléchie, est le résultat d’une série de déceptions en ce qui a trait au mouvement étudiant tant au niveau local que national. Sans vous le cacher, cette décision est également le fruit d’un épuisement sans borne et d’un ardent désir de passer à une seconde étape.
ASSÉ
Premièrement, le mouvement de grève non réussi de cette session m’a enlevé une part importante de motivation. Notre syndicat national, l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (ASSÉ), est en grande partie responsable de la non-réussite de ce mouvement.
Le 7 avril dernier, lors d’un congrès extraordinaire sur la Grève Générale Illimitée, les bases d’un dogmatisme latent étaient jetées. Le congrès a fait preuve d’une fermeture idéologique et d’une exclusion inimaginable. Suite à la réélection du gouvernement Charest et à la montée adéquiste, sachant pertinemment que le dégel allait être annoncé, nous avons tenu coûte que coûte à maintenir notre campagne « Pour un réinvestissement, par n’importe comment ». Sous les recommandations du congrès, les Assemblées Générales se sont alors penchées sur ces revendications et elles ont alors exclu la mention du dégel pour ensuite occulter des objectifs stratégiques tels que la lutte concrète contre le dégel, la diminution des frais de scolarité⁄afférents, revendiquer la gratuité scolaire sur 5 ans, etc. Ce ne sont ici que quelques exemples qui auraient pu servir davantage notre cause. Nous avons également décidé de consulter les assemblées générales afin d’ouvrir les structures de l’ASSÉ pour former une coalition afin d’être plus nombreux et nombreuses dans notre mouvement progressif pour le droit à l’éducation. Paradoxe exposé, nous avons demandé aux associations d’adopter notre plate-forme de campagne, d’adopter le syndicalisme de combat, d’adopter l’abolition de la loi-C-43, de verser une cotisation (la même que pour être membre de l’ASSÉ) afin de faire partie de la coalition, sans oublier que les interventions au congrès étaient parsemées de commentaires qui étaient en faveur d’une coalition servant de pré-affiliation.
Le congrès du 28-29 avril n’a fait qu’envenimer les relations avec certaines associations non-membres puisque les débats tournaient encore en rond, en ce qui concernait la coalition de grève. Comme rien ne fut décidé, encore une fois, les débats autour de la coalition ont encore été reportés ultérieurement. Se voyant insatisfaites, quelques associations étudiantes indépendantes ont créé la mythique troisième coalition pour avoir un mouvement plus large et inclusif, afin de contrer le dégel. Ce qui n’était pas le cas avec les autres coalitions proposées par les associations étudiantes nationales. (FECQ-FEUQ, ASSÉ) On parlait à ce moment là beaucoup plus de coalitions que de grève, ce qui dénote un manque de préparation pour la mobilisation.
Cet été, il y eut deux réunions coordonnées par l’AFESH, pour ENFIN régler les débats et crever les abcès en ce qui concernait l’union temporaire pour lutter contre le dégel. Ces rencontres ont également servi à démystifier certaines positions et attitudes de l’ASSÉ. Encore une fois, les associations présentes, membres de l’ASSÉ, ont fait preuve d’une fermeture aveugle; il n’était pas question de repenser les revendications, ni même d’inclure des associations ayant des revendications moins «radicales» que l’ASSÉ. Les interventions des personnes présentes qui désiraient «maintenir la ligne dure» de l’ASSÉ suivaient complètement la logique «Hors de l’ASSÉ, il n’y a point de Salut ». Notons bien ici que nous avons passé l’été à essayer de convaincre les exécutifs qu’il fallait ouvrir plus largement nos structures et penser de façon stratégique à l’articulation des revendications de la campagne de grève. Nous nous sommes retrouvés à la fin août avec aucun plan de match défini pour lancer la campagne, ni aucune stratégie pour INFORMER les gens au sujet du dégel. Ironiquement, cet été, les journaux ont parlé de coalition étudiante, mais pratiquement pas de l’opposition au dégel.
Par chance, le congrès asséiste du 1er septembre fit preuve d’une plus grande ouverture (un peu trop tard) en qui concerne la coalition, mais pas au sujet des revendications. L’ASSÉ se lançait confiante dans une campagne de grève, que pratiquement tous et toutes autour de la table qualifiait de gagnante. A ce moment là, peu d’Assemblées Générales avait été consultées sur la campagne de grève, mais les exécutifs étaient en parfaite confiance que tout allait bien aller. On parlait à ce moment là d’une grève offensive, car le dégel était l’élément déclencheur pour la mobilisation, alors que concrètement on faisait une grève pour la gratuité scolaire. Erreur supplémentaire.
L’automne a commencé, et on a accumulé les défaites, ce qui n’a alarmé en rien l’exécutif de l’ASSÉ, ni les associations membres. On croyait dur comme fer à la grève en automne malgré les votes contre la grève, les votes Omnivox et les votes serrés. Pour se ressaisir, il aura fallut attendre le congrès du 6 et 7 octobre. Encore une fois, les associations se sont positionnées pour continuer la grève les yeux fermés, et pas question de reparler des revendications. L’exécutif de l’AFESH a adopté une position légèrement alarmiste considérant l’amorphisme des délégué-es et de l’exécutif de l’ASSÉ. L’AFESH proposait en quelque sorte de se doter de certains baromètres qui feraient en sorte qu’on ne se pète pas la gueule plus sévèrement. Il s’agissait d’un compromis entre ceux et celles qui voulaient arrêter maintenant et ceux et celles qui voulaient attendre les cégeps.
Les délégué-es de l’AFESH ont été marginalisé-es et intimidé-es de manière très ouverte et en plus, ils et elles ont été taxé-es de réformistes, d’être contre la grève ou la gratuité et j’en passe. Au congrès, on fait face à une politique de corridor sans précédent et les insultes envers l’AFESH fusent de toutes part. Nous adoptons alors une position d’un idéalisme démentiel : «Que l'ASSÉ déploie toutes les forces de mobilisation nécessaires dans l'optique de déclencher la grève générale illimitée en automne et que se tienne un Congrès le 20 octobre pour évaluer la situation.» Comme on le sait tous et toutes, la campagne de cet automne s’est complètement plantée, par manque de préparation et par manque d’ouverture idéologique. L’échec de cet automne est l’échec du dogmatisme et du purisme de l’ASSÉ. Grève ou Crève, on disait !
Le 20 octobre fut en quelque sorte l’élément déterminant de cette présente démission. Considérant l’échec lamentable des votes de grève au cégep, l’exécutif de l’AFESH a cru bon de proposer une consultation sur la revendication de la gratuité scolaire, afin qu’elle soit mieux articulée pour tenter de rejoindre un maximum de personnes. Ce qui a d’ailleurs été adopté de justesse. Cela a tout de même foutu un froid terrible au congrès et les menaces, insultes et intimidations se sont poursuivies envers l’AFESH. On m’a engueulé personnellement deux fois dans le corridor, on m’a dit à une dizaine de reprises que ça allait brasser pour moi à la prochaine Assemblée Générale, on a parlé de destitution, sans oublier les commentaires haineux et les attitudes déplaisantes, même en congrès. Les commentaires désagréables ne cessent de pleuvoir depuis le congrès.
Ce qui motive ma démission, c’est la fermeture d’esprit, l’ambiance méprisante des deux derniers congrès, la déconnexion de l’exécutif de l’ASSÉ et de certain-es exécutant-es d’associations étudiantes, le chantage (qui d’ailleurs est tout à fait inacceptable) et le fait que l’ASSÉ est envahie – n’ayons pas peur des mots – par certain-es «old timers» qui croient bon jouer à la maman ou au papa en congrès, par courriel, par commentaires sur chacun de nos agissements. L’attitude des ces personnes est franchement désagréable, mine l’ambiance des congrès et ne favorise pas la participation de nouveaux et de nouvelles à l’ASSÉ. Les congrès de l’ASSÉ sont devenus non-fonctionnels et chaotiques et nous avons besoin d’un sérieux congrès d’orientation pour repartir du bon pied la mobilisation.
FEUQ
Un autre élément particulièrement démotivant : la FEUQ. Elle m’a amèrement déçue dans les derniers mois. Ayant reçu un lot de critiques qui lui était adressées par ses membres et les associations externes, elle a tenté une certaine restructuration. Elle avait démontré une ouverture supplémentaire, une tentative de se départir de ce qui était dans sa structure crasse, mais les belles paroles ont vite tombé dans les limbes. Le Plan-UQO (celui élaboré pour détruire le pouvoir politique en place et tenter de discréditer l’ASSÉ) et la mobilisation contre la grève m’ont fait comprendre que rien n’avait changé de leur côté.
Par contre, il est complètement absurde qu’il y ait deux manifestations le mois prochain pour défendre le droit à l’éducation. Je crois que les associations étudiantes locales devraient davantage se concerter (le mot infâme) entre elles pour organiser la mobilisation étudiante, ce qui permettrait peut-être au national d’être moins déconnecté de sa base. De plus, l’ASSÉ et la FEUQ auraient davantage intérêt à entretenir plus de liens entre elles, car bien des préjugés sont présents et sont complètement démesurés par rapport à la réalité.
Au niveau local
Bien entendu, mes critiques s’adressent également au niveau local. Premièrement, les réunions exécutives durent en moyenne six heures par semaine, sans compter les réunions supplémentaires pour finaliser les dossiers, les rencontres avec l’administration, les préparations aux instances, les préparations de congrès et toute la paperasse et le temps passé au bureau; le tout prend environ 20 heures par semaine. A cela s’ajoute la mobilisation, les tournées externes, les instances et les millions d’imprévus qui arrivent dans notre glorieuse association tels que les assurances et la critique du processus d’embauche; un autre 20 heures. Bref, il est difficile d’avoir un emploi entre temps et d’avoir une présence académique soutenue. Il serait nécessaire que les exécutant-es de l’AFESH (aussi de l’ASSÉ) aient une compensation financière pour leur permettre de prendre en charge à fond leurs dossiers et de limiter les contraintes financières. Cela permettrait une grande accessibilité à l’implication exécutive et favoriserait une diversité de l’exécutif. Il n’est pas normal qu’on s’endette pour étudier, encore moins pour militer.
La dynamique exécutive n’est pas du tonnerre à l’AFESH, plusieurs personnes prennent beaucoup de place et imposent leurs façons de faire. La lourdeur des réunions est en grande partie due à ces personnes. Un manque de confiance envers les coéquipier-ières, un ego gigantesque, des tours de parole interminables, le non-respect des tâches, le non-partage des tâches, le manque de coordination, la non-prise de tâches, les retards impardonnables et l’autoritarisme de certains et certaines motivent également ma décision.
Il semble y avoir un manque de travail concret. L’exécutif de l’AFESH est bureaucrate et personne ou presque pense offrir un coup de main pour ces tâches très pénibles. Encore une fois, les «old timers» nous envoient des courriels au bureau et passent nous dire leur façon de penser, sans pour autant que cela soit constructif. De plus, à l’AFESH, il y a une petite clique fermée qui, lorsque la mobilisation est moins présente pour les Assemblées Générales, vote des trucs très «radicaux», complètement déconnectés de la base. Le quorum de l’AFESH devrait être respecté coûte que coûte – voire augmenté à 1,5 % (70 personnes) pour s’assurer d’avoir des positions correspondants aux préoccupations d’un plus grand nombre de membres. De plus, il y a un non-respect des opinions contraires en AG, ce qui repousse certaines personnes de participer à la vie démocratique afeshienne. Il y a une haine et une hostilité de la part de certains et certaines pour les gens qui ne pensent pas comme eux et elles. Nous devrions nous questionner collectivement sur le peu d’implication des membres de l’AFESH et s’assurer d’en rejoindre le plus grand nombre possible. Le matériel d’information ne devrait pas être toujours axé sur l’esthétique militante «trash», afin d’accrocher d’autres types de personnes. Il faut faire attention avec nos symboles, comme par exemple, écrire CLASS WAR dans l’agenda ce n’est pas à la portée de tous et toutes.
L’AFESH devrait également se décentrer de l’ASSÉ et laisser place à l’initiative locale. Les militant-es sont concentré-es surtout au niveau national et on laisse souvent tomber les luttes académiques, les instances officielles, etc. Il serait pertinent de diffuser le savoir et le pouvoir militants dans le but de créer un plus grand sentiment d’appartenance envers le syndicat local. Au niveau externe, il est important de travailler avec les associations étudiantes locales, qu’elles soient membres ou non de l’ASSÉ. pour favoriser les échanges. Il serait pertinent qu’il y ait une grande manifestation nationale sans l’ASSÉ ni la FECQ-FEUQ, contre le dégel et pour préserver le droit à l’éducation. Cela démontrerait une forte opposition étudiante à cette attaque gouvernementale totalement démesurée.
De plus, tant au niveau local que national on s’attend à beaucoup de l’exécutif de l’AFESH. Si on ne prépare rien pour les congrès et les AG, on se fait réprimander et si on prend trop de place avec notre préparation, c’est la même chose. La préparation aux instances, c’est l’affaire de tous et toutes, mais il semble y avoir un désintérêt de la part des militant-es. Afin également de ne pas centraliser le pouvoir et les connaissances, il est nécessaire qu’il y ait un roulement au niveau de l’exécutif de l’AFESH et des associations modulaires, c’est ce qui a également motivé mon départ.
Ma participation
Il y a maintenant exactement deux ans que j’occupe diverses fonctions au sein de l’AFESH et c’est maintenant temps de lâcher prise; par écoeurement, mais également puisque ma situation financière est plus que précaire et mon dossier académique n’est pas lui aussi en très grande forme. Pour ma part, je récupère maintenant 40 heures par semaine, je me suis fait des ami-es extraordinaires à l’intérieur des murs de l’université, mais également un peu partout au Québec, j’ai vécu une expérience politique hors du commun et j’ai une soif intense de changement social. Ne vous inquiétez pas, je demeure disponible pour donner un coup de main pour les diverses instances de l’ASSÉ, de l’AFESH, pour collaborer aux divers comités et bien entendu, faire de la mobilisation. La bureaucrate démissionne pour faire place à la militante.
En espérant que ces quelques critiques nous permettrons d’avancer vers un mouvement étudiant combatif. Je demeure tout aussi convaincue des positions politiques de l’ASSÉ et de l’AFESH, et je sais que nous pourrons nous relever de cette défaite afin de défendre nos idéaux pour que le Québec se dote enfin d’un projet de société en matière d’éducation. Cette présente démission se veut un outil pour l’orientation interne et externe, et c’est en ce sens que je l’ai rédigée.
Au plaisir de vous croiser dans la Rue, que la lutte continue!
Geneviève Gariépy