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Dossier des résidences de Jean Charest
À l'automne 2006, le seul journal indépendantiste au Québec, Le Québécois, faisait des révélations choc par rapport aux résidences du premier ministre du Québec. Grosso modo, Le Québécois se demandait si Jean Charest avait les moyens de se payer de tels luxes.
À cause de ces simples questions, Le Québécois a été mis en demeure par le cabinet d'avocats McCarthy-Tétreault, et ce, bien évidemment sous demande de Jean Charest lui-même. Parce que Le Québécois ne plie pas sous les menaces, nous avons répondu par la bouche de nos canons.
Voici le dossier concernant ce dossier épineux.
Bonne lecture!
Que cache le premier ministre?
Lors de la sortie d’un nouveau numéro du Québécois, nous émettons toujours un communiqué afin de publiciser son contenu, de façon à nous attirer le plus grand nombre possible de lecteurs. Dans notre liste d’envoi Internet, l’on retrouve à peu près tous les journalistes du Québec. Avec la sortie du premier numéro de l’automne du Québécois, ce sont des professionnels du Journal de Sherbrooke qui se sont sentis plus particulièrement interpellés par l’article portant sur les résidences de Jean Charest qu’on y retrouvait.
Patrick Bourgeois
Rappelons que, via cet article, on se demandait si un politicien québécois pouvait profiter de luxueuses résidences à Westmount et à North Hatley, comme c’est le cas avec Jean Charest. Nous émettions alors de sérieux doutes sur les capacités de payer de Jean Charest. Alain Bérubé du Journal de Sherbrooke a jugé que nos interrogations étaient assez sérieuses pour qu’il relance l’affaire dans son propre média. Pour ce faire, il a interrogé les autorités de la Ville de North Hatley, a donné la parole à Hugo D’Amours, attaché de presse de Jean Charest, a interviewé Claude Boucher, député du Parti Québécois, tout comme moi, militant du journal Le Québécois.
Cela n’eut pas l’heur de plaire aux forces fédéralistes en terre Québec. Conséquences : des mises en demeure, émises par le bureau d’avocats McCarthy Tétrault, furent envoyées au journal Le Québécois, au Journal de Sherbrooke, au Journal de Québec et de Montréal (parce que le chroniqueur Michel Hébert osa mentionner l’existence de l’article du Québécois). Comme si ce n’était suffisant, Quebecor congédia en plus Alain Bérubé, de même que son chef de pupitre, Pascal Morin, et publia obséquieusement des lettres d’excuses adressées à Jean Charest. Le tortionnaire de Quebecor, Luc Lavoie, en profita pour détruire la réputation des deux journalistes congédiés, en les qualifiant entre autres de « honte pour la profession journalistique ». Lavoie traita aussi Le Québécois de « publication marginale et caricaturale que personne ne connaît ». Or, le copain de Mulroney et de Charest aurait dû faire quelques vérifications avant de dire que personne ne connaît Le Québécois, car c’est Messageries Dynamiques, une filiale de Quebecor dont Lavoie est vice-président, qui distribue ce journal indépendantiste…Il doit donc bien y avoir quelques personnes chez Quebecor qui connaissent cette publication marginale!
Dès que j’ai reçu la mise en demeure du premier ministre du Québec (lundi 23 octobre), j’ai contacté l’avocat Guy Bertrand, spécialiste des questions liées à la diffamation. Il m’a aussitôt donné rendez-vous à son bureau, pour le mercredi suivant. Rapidement, j’ai compris que la violence de la réaction de Jean Charest et de Quebecor laissait présager le pire; que les questions que nous avions posées quant à la capacité de payer de Jean Charest étaient les bonnes et que nous avions ainsi mis le pied dans un dossier explosif. Il nous fallait donc en découvrir davantage et relancer énergiquement notre enquête. Trois semaines durant, donc, nous avons été sur le dossier, appuyés que nous fûmes par une équipe de recherchistes redoutables. Nous avons appris bien des choses qui sont de nature, croyons-nous, à en faire sourciller plusieurs.
La Ville de North Hatley couvre-t-elle le premier ministre?
Afin de détruire la crédibilité des journalistes du Journal de Sherbrooke, l’attaché de presse de Jean Charest, Hugo D’Amours, appelait tous les journalistes qui traitaient de l’affaire des résidences du premier ministre afin de leur dire que la photo sur la couverture de l’hebdo de Quebecor ne présentait pas la bonne maison. On voulait ainsi faire croire qu’Alain Bérubé n’avait même pas les compétences nécessaires pour envoyer un photographe prendre en photo la bonne maison. Bien évidemment, Luc Lavoie s’est servi de ce « fait » pour justifier le congédiement des journalistes…
Qui est Luc Lavoie?
Ancien chef de cabinet du premier ministre conservateur Brian Mulroney, il est aujourd’hui vice-président de Quebecor. Luc Lavoie a toujours été l’homme des basses besognes, spécialiste des « jobs de bras ». La Presse disait dernièrement ce qui suit de Lavoie : « Quant à Brian Mulroney, il disait plutôt à son fidèle lieutenant Luc Lavoie : Go fix it!, en sachant que Luc savait jouer du poignard et obtenir les résultats souhaités par le patron » (La Presse, 8 octobre 2006 )
Rapidement, nous avons contacté Alain Bérubé afin de savoir comment il avait pu se tromper de maison alors que nous lui avions fourni l’adresse de la résidence secondaire de Jean Charest telle que transmise par la direction elle-même de la Ville de North Hatley. Bérubé nous a alors confirmé qu’il avait bel et bien envoyé le photographe au 4040, chemin Magog, à North Hatley. Était-ce ou pas la bonne maison? Il fallait dès lors le découvrir, et au plus vite…
Quoi qu’en dise le directeur de la Ville de North Hatley, Léonard Castagnier, l’administration de cette municipalité a agi bizarrement dans ce dossier, et ce, depuis le début (mai 2006). D’une part, et contrairement à Westmount, ils ont exigé qu’on passe via la loi d’accès à l’information pour obtenir le dossier de la résidence secondaire de Jean Charest qui est un document public soi-dit en passant. (à noter que nous n’avons pas fait la demande à partir d’une adresse, mais bien avec le nom Jean Charest). Qui plus est, le document qu’ils nous ont expédié était biffé d’un bout à l’autre, tous les noms ayant ainsi été censurés. Lorsque nous avons contacté Martine Dallaire, secrétaire de ladite Ville afin de nous assurer qu’on nous avait bien remis le bon dossier, elle nous a répondu que oui, que le 4040, chemin Magog était la bonne adresse, que c’était là qu’habitait Jean Charest, et qu’il n’y avait donc aucun problème. Plus tard, nous l’avons rappelée afin de vérifier si Jean Charest était propriétaire ou locataire du 4040, chemin Magog. Refus de répondre. Cela nous a laissé perplexe. Mais nous savions que dans un cas comme dans l’autre, un politicien québécois aurait toutes les difficultés du monde à s’offrir un tel luxe…Nous avons donc publié en précisant que Charest était soit propriétaire, soit locataire de ladite résidence.
Lorsque Alain Bérubé a communiqué avec moi pour me dire qu’il comptait faire un article sur le sujet de la résidence secondaire de Jean Charest, je lui ai clairement dit qu’il devait faire très attention avec l’administration de North Hatley, car la façon dont elle traitait le dossier était pour le moins discutable. Bérubé a donc contacté à nouveau Martine Dallaire afin de vérifier avec elle si l’adresse qu’on nous avait transmise était la bonne. Réponse toujours affirmative. Jouant d’une prudence qui l’honore, Bérubé a en plus interviewé le directeur Castagnier afin de s’assurer qu’aucune erreur n’avait été commise dans ce dossier. Voici ce que lui a répondu ce dernier, propos qui se sont retrouvés dans l’article du Journal de Sherbrooke : « Je dénonce les propos du journaliste (Patrick Bourgeois) qui laisse sous-entendre que la municipalité n'a pas été coopérative. On s'est assuré que les informations nécessaires lui ont été transmises en vertu de la loi sur le droit d'accès à l'information. Ni plus ni moins. Quant à M. Charest, il prend ses propres décisions ».
Ainsi réconforté, et sachant pertinemment qu’un organisme public qui reçoit une demande via la loi d’accès à l’information est dans l’obligation de communiquer avec la personne visée afin de l’avertir que demande il y a, mais surtout pour vérifier avec elle que toutes les informations sont exactes et éviter ainsi les erreurs (North Hatley a donc communiqué avec Jean Charest avant de transmettre son dossier au Québécois), Alain Bérubé a rédigé son article en toute confiance.
Tel que puisé sur le site Internet de la Commission d’accès à l’information :
Obligations des organismes ou entreprises
Dans le but de protéger les renseignements personnels, ces lois imposent aux organismes publics et aux entreprises privées des obligations en matière de cueillette, de conservation et de communication de renseignements personnels.
Par exemple :
• avant de recueillir un renseignement personnel, un organisme public ou une entreprise privée doit informer la personne concernée de l'utilisation qui sera faite de ces renseignements, des personnes qui y auront accès, de ses droits d'accès et de rectification;
• les renseignements doivent être tenus à jour, exacts et complets;
• des mesures de sécurité adéquates doivent assurer la confidentialité des renseignements.
La mise en demeure qu’a fait parvenir Jean Charest au journal Le Québécois semblait elle aussi confirmer le fait que la Ville de North Hatley nous avait transmis la bonne adresse et le bon dossier. En effet, nulle part dans ce document il n’est dit que nous n’avions pas parlé de la bonne résidence (voir le texte de la mise en demeure ci-contre). Sachant que le fait de dissimuler des informations dans une mise en demeure est malicieux, nous étions donc en droit de croire qu’aucune erreur n’avait été commise par North Hatley. Alors pourquoi Luc Lavoie criait-il à tous vents que la photographie du Journal de Sherbrooke ne présentait pas la bonne maison?
La mise en demeure de Jean Charest telle qu’émise par Gérald R. Tremblay de McCarthy Tétrault
Monsieur,
Nous sommes les procureurs du premier ministre du Québec, M. Jean Charest, lequel nous a confié le mandat de vous transmettre la présente lettre.
Nous avons analysé le texte de l’article « Les résidences de Jean Charest », publié dans l’édition du mois d’octobre-novembre 2006 du journal Le Québécois, et concluons sans hésitation que plusieurs propos contenus dans cet article sont diffamatoires et de nature à engager votre responsabilité civile.
Notre client respecte la liberté d’expression et le rôle des médias, qui soulèvent tous les jours des questions d’intérêt public. De plus, la fonction de premier ministre du Québec représente une fonction publique importante, et implique une certaine acceptation de la critique, mais celle-ci doit s’appuyer sur des faits et avoir un caractère pertinent et raisonnable eu égard à une telle réalité factuelle et non pas constituer, comme dans le cas présent, la prorogation de rumeurs sans fondement insinuant la malhonnêteté et l’avidité.
Dans cet article, vous insinuez que M. Charest aurait acquis certains immeubles de façon malhonnête, et que M. Charest lui-même serait malhonnête et avide. Il s’agit d’une attaque claire à la réputation de M. Charest.
À titre illustratif et non limitatif, l’article propose dès le début que, selon « certains », « le chalet » de Jean Charest qui est situé à North Hatley lui a « été donné » par d’obscurs décideurs fédéralistes en 1998 afin qu’il vienne au Québec briser les reins du gouvernement séparatiste de Lucien Bouchard ». Or, ce chalet n’a jamais appartenu à M. Charest, qui n’en est que le locataire.
Aussi, selon votre article, M. Charest aurait eu recours aux services de la firme de communication Everest, « celle-là même dont les propriétaires ont été impliqués dans le scandale des commandites, qui conseillait le politicien. On peut comprendre ainsi que l’argent ait pu avoir un certain attrait pour lui ». Ce lien absolument gratuit et sans fondement même logique entre un soi-disant attrait pour l’argent et le scandale des commandites est lui même scandaleux en plus d’être libelleux (sic).
Il est de plus manifeste, tant par le ton, la répétition que la teneur des propos tenus, que de telles atteintes à la réputation de M. Charest dans votre article sont intentionnelles.
Le fait de s’adresser au public par voie de médias publiés comporte des obligations, dont celle notamment de s’assurer de respecter la réputation d’autrui et de ne pas dépasser certaines bornes. On ne peut, au nom de quelque sensationnalisme que l’on souhaite accrocheur, dire n’importe quoi sur n’importe qui.
Nous vous intimons par conséquent de vous rétracter pour les propos diffamatoires dans l’article du 20 octobre 2006 et de vous excuser, dans Le Québécois et à l’intérieur d’un délai d’une semaine faisant suite à la réception de la présente mise en demeure, pour les atteintes injustifiées à la réputation de M. Charest qui en sont découlé »(sic). La rétractation devra être publié (sic) dans un endroit du journal aussi en vue que l’article diffamatoire, tel que prévu par la Loi sur la presse. Nous vous intimons de prendre les mesures nécessaires pour cesser la distribution de cet article à vos points de vente et pour récupérer les exemplaires qui s’y trouvent. Nous vous intimons aussi de retirer immédiatement cet article et toute référence de votre site Internet et d’y publier la même rétractation et les mêmes excuses. Nous vous enjoignons également de cesser à l’avenir de diffamer M. Charest.
Nous vous intimons de communiquer avec le soussigné, préalablement à la diffusion de la rétractation et des excuses, à l’intérieur du même délai, afin de convenir du texte exact de la rétractation et des excuses qui sera publié par vous.
La présente vous est transmise sans aucune renonciation à tous les droits et recours de notre client, y compris le droit de réclamer pour les dommages subis en raison de l’attente (sic) à sa réputation découlant des manquements énoncés dans la présente lettre, incluant, mais sans limiter la généralité de ce qui précède, des dommages exemplaires pour l’atteinte intentionnelle et malicieuse au droit de M. Charest à la sauvegarde de sa réputation.
VEUILLEZ AGIR EN CONSÉQUENCE.
Gérald R. Tremblay
La réplique du Québécois telle que diffusée sur Internet (30 octobre 2006)
Le Québécois reste sur ses positions
Voilà près d’une semaine et demie que l’affaire des résidences de Jean Charest fait jaser au Québec. Voilà une semaine que Jean Charest, par l’entremise de son cabinet d’avocats McCarthy Tétrault, a distribué « généreusement » quatre mises en demeure à des journaux du Québec (Journal de Sherbrooke, Journal de Montréal, Journal de Québec et Journal Le Québécois). Cette réaction violente du premier ministre du Québec a provoqué, comme on le sait tous maintenant, le congédiement des deux journalistes de Sherbrooke qui ont pourtant couvert de façon professionnelle l’histoire en question, donnant la parole à tous les acteurs impliqués dans le dossier et vérifiant deux fois plutôt qu’une les informations auprès de la Ville de North Hatley. Voilà aussi une semaine que Me Guy Bertrand, l’avocat responsable de la défense du Québécois et des deux journalistes congédiés par l’empire Quebecor qui est noyauté par d’anciens conservateurs et anciens collègues de Jean Charest, multiplie les entrevues au cours desquelles il affirme -avec raison- que le politique s’est ici immiscé violemment dans le contenu journalistique. Censure et intimidation, voilà ce dont il est question dans ce dossier. À nos yeux, cela constitue une menace plus que certaine pour la liberté de presse au Québec!
En abordant le sujet des résidences de Jean Charest, Le Québécois savait qu’il touchait à un sujet épineux et en mesure de susciter bien des réactions passionnées. Mais Le Québécois savait aussi fort pertinemment qu’il était loin d’être le premier journal à traiter du sujet, ce qui nous laissait croire que le débat serait malgré tout civilisé. À écouter les insanités qui sortent de la bouche du tortionnaire de Quebecor, Luc Lavoie, force est de constater que nous avions tort.
Afin de démontrer qu’il y a maintenant près de 10 ans que des journalistes du Québec et du Canada s’interrogent sur la possibilité que Jean Charest ait bénéficié d’un pont d’or en 1998, nous avons placé une abondante revue de presse sur le site du Québécois. À la lecture de ces articles, tous se rendront compte que plusieurs journalistes se sont même permis d’aller beaucoup plus loin que Le Québécois ou le Journal de Sherbrooke. Et pourtant, aucun d’entre eux n’a perdu son emploi! Depuis 10 ans, les seules fois où Jean Charest a accepté de commenter l’affaire, il l’a fait avec beaucoup de violence, sans jamais démentir les analyses de ceux qui remettent en question sa capacité de payer.
Dans le cas présent, force est de constater que Jean Charest conserve la même attitude néfaste. En refusant de faire la lumière une fois pour toutes sur le possible pont d’or et sa capacité de payer, il nuit au droit du public à l’information. Quoi qu’on en dise, la fonction de premier ministre du Québec en est une éminemment publique. Il est, par conséquent, normal que les gens pénètrent plus profondément dans la vie de ceux qui occupent ce poste qu’ils ne le font pour les autres citoyens ordinaires, de façon à s’assurer que rien ne cloche et que tout va. Notre histoire était donc tout à fait d’intérêt public. Nous avons entrepris nos recherches de bonne foi, de façon à vérifier si les questions que se posaient les journalistes depuis des années par rapport au pont d’or étaient fondées. La transparence dont devraient faire preuve les hommes publics aurait dû permettre de répondre à ces interrogations depuis belle lurette déjà, ce qui nous justifie d’autant d’entamer ces jours-ci une telle recherche.
Pour cette raison et bien d’autres, Le Québécois, modeste journal alternatif dont la vocation est d’œuvrer pour la libération du Québec, reste sur ses positions. Le Québécois ne se pliera pas aux exigences de l’homme fort des fédéralistes en terre Québec parce que celui-ci le menace de représailles judiciaires par le truchement du cabinet McCarthy Tétrault, cabinet au sein duquel on retrouve Daniel Johnson, ancien chef du parti libéral du Québec et Marc-André Blanchard, haut dirigeant du Parti libéral du Québec. La direction de ce dernier parti n’en est d’ailleurs pas à ses premières attaques dirigées contre Le Québécois. En 2003, lors de la campagne électorale, le PLQ avait tenté de nous empêcher de distribuer Le Québécois à l’aide d’une plainte logée auprès du Directeur général des élections du Québec, et ce, parce qu’on appuyait le Parti Québécois. Ce qui en dit long sur la capacité des libéraux à accepter la diversité des points de vue dans les médias et sur le respect qu’ils leur portent vraiment.
Les nouvelles investigations que nous avons effectuées depuis la mise en demeure que Jean Charest nous a fait parvenir (le lundi 23 octobre) nous conforte dans notre décision de rester sur nos positions. Jamais nous n’avons accusé, dans Le Québécois, Jean Charest d’avoir bénéficié d’un pont d’or. Nous nous sommes simplement questionnés quant à savoir si la chose était possible et, surtout, s’il avait les moyens de se payer les deux luxueuses résidences qu’il occupe. Nous croyions alors, bien naïvement il est vrai, que les gens avaient encore le droit de se poser des questions au Québec. À l’évidence, nous avions tort! C’est même Jean Charest qui le confirme aujourd’hui…
Nous avons présentement entre nos mains les dossiers des résidences de Jean Charest. Nous avons son contrat d’hypothèque pour sa résidence de Westmount, ses factures d’Hydro-Québec. Nous connaissons les montants des taxes. Nous savons combien il en coûte pour envoyer des enfants à l’école privée. Nous savons, grâce aux études effectuées par Statistiques Canada, combien une famille doit débourser pour se nourrir, s’habiller, se déplacer, etc. Et nous savons, grâce aux explications détaillées et fournies par l’Assemblée nationale que Jean Charest gagne 164 951$ par année. Après impôts, il lui reste un peu plus de 80 000$ par année. Il bénéficie bien sûr d’un compte de dépense de 14 234$ qu’il ne peut utiliser que dans le cadre de ses fonctions de premier ministre mais qui a tout de même un impact sur les dépenses de la famille, tout comme l’allocation pour l’exécutif de 9 600$ qu’il reçoit aussi d’ailleurs. Malgré tout, nos estimations établissent, pour Jean Charest, un manque à gagner qui ne peut que représenter plusieurs milliers de dollars par année. C’est pour le moins intrigant et cela devrait nous accorder le droit de nous poser de simples questions!
Évidemment, il y a bien des moyens qui demeurent à la disposition de Jean Charest pour joindre les deux bouts. Il a pu, dans le passé, bénéficier d’un héritage ou d’un gain à la loterie. Sa famille pourrait aussi se cotiser pour lui fournir l’argent qu’il lui manque, toute fière qu’elle serait qu’il s’investisse autant dans la défense de l’unité canadienne. Sa femme possède peut-être un pactole qui lui permet d’éponger le déficit familial. Ou, encore, de judicieux placements faits par Jean Charest à la bourse ou dans des institutions bancaires dans le passé pourraient lui permettre aujourd’hui de se justifier et de clore ce débat qui a cours depuis 10 ans.
Mais parce que Jean Charest refuse de mettre un terme aux supputations de toutes sortes en répondant enfin aux questions, nous ne pouvons évacuer du revers de la main la possibilité qu’il bénéficie toujours en 2006 d’un fonds secret qui aurait pu être de 4 millions$ si l’on en croit les dires du très respecté journaliste Michel David (Le Soleil, 8 avril 2000). Pas moins respectable, Michel Vastel, en 1998, se posait lui aussi des questions quant à la constitution possible, par Paul Gobeil, d’une caisse occulte qui aurait pu servir à Jean Charest à payer son hypothèque ou d’autres dépenses personnelles (Le Soleil, 20 avril 1998). Vastel parlait aussi à la même époque de la possibilité que Marcel Dutil ait contribué à éponger d’anciennes dettes que Jean Charest aurait pu contracter lors de sa campagne à la direction du Parti Progressiste-Conservateur. Et le Globe and Mail, jamais en reste, se questionnait en 1998 afin de savoir comment Jean Charest pouvait payer une maison dans le Glebe, à Ottawa, qui lui coûtait pas moins de 40 000$ par année (hypothèque et taxes).
À partir de tels éléments, on pourrait aussi se demander s’il est possible que le chalet de North Hatley que Jean Charest dit louer normalement (ce qui signifie qu’il paie le gros prix) lui soit dans les faits généreusement prêté ou loué à prix d’ami par Sam Pollock, fidèle collaborateur de la famille Bronfman. Cela, seul Jean Charest le sait…
Il faut aussi savoir que tous les agents immobiliers de l’Estrie que nous avons consultés soutiennent qu’il est à peu près impossible de se trouver une résidence à louer sur le bord du lac Massawippi pour un coût inférieur à 3000$ par mois. On parle ici d’un montant qui avoisine les 36 000$ par année. Considérant que Jean Charest, seulement en remboursements hypothécaires pour sa résidence de Westmount, paie 36 195,12$ par année, l’on est très certainement en droit de s’interroger sur ses capacités de payer. Environ 72 000$ par année pour se loger quand on a des revenus de l’ordre des 100 000$, plus les comptes de dépense, ça nous apparaît énorme.
Le jour où les journalistes et les citoyens ne pourront plus se poser de questions sur les actifs d’un politicien, d’un premier ministre ou des gens avec qui ils font affaire, la démocratie tombera à son plus bas au Québec. Si les libéraux de Paul Martin avaient refusé que de telles questions se posent il y a quelques années de cela, il n’y aurait jamais eu de Commission Gomery. Serait-ce à dire que Paul Martin est plus démocrate que Jean Charest? Tout porte à le croire.
Via ses avocats et la mise en demeure qu’il a fait parvenir au Québécois, Jean Charest dit « respecter la liberté d’expression et le rôle des médias ». Quoi qu’il en dise, l’évidence est qu’il ne ménage aucune énergie pour faire taire ceux qui le questionnent, ce qui est contraire aux principes de liberté d’expression qu’il dit avoir en haute estime. Maintenant, il ne reste plus qu’à espérer que les journalistes et les chroniqueurs du Québec se lèveront en bloc pour dénoncer l’affront qui a été perpétré par Jean Charest contre la liberté de presse. Après tout, le prochain à subir les foudres du censeur de Sherbrooke pourrait être n’importe qui parmi la classe journalistique du Québec…
-30-
Patrick Bourgeois au nom du Journal Le Québécois
http://www.lequebecois.org
Pour informations : 418-763-7247
Un doute subsistait malgré tout dans notre esprit. Pour en avoir le cœur net, nous avons envoyé des militants sur le terrain. Ceux-ci se sont rendus au 4040, chemin Magog et ont frappé à la porte. Surprise, c’est Sam Pollock lui-même qui a répondu (Jean Charest loue sa résidence de North Hatley à Sam Pollock) . Il a affirmé que Jean Charest ne résidait pas à cet endroit. Il a refusé catégoriquement de dire quelle était la maison du premier ministre à North Hatley. Ne restait plus donc qu’une solution : questionner les gens des environs. Tous, du commis de dépanneur au simple badaud, ont indiqué que la résidence de Jean Charest était le 200, rue LeBaron, une maison sise tout juste en arrière du 4040, chemin Magog. Pour obtenir des informations fiables à North Hatley, il semble qu’il faille recourir à des techniques qui s’approchent davantage de l’espionnage que du journalisme…
Se pourrait-il donc que tout le monde à North Hatley connaisse l’adresse du premier ministre, sauf l’administration de la Ville? Nous ne le croyons pas. Il est impossible que la Ville de North Hatley qui a reçu une demande via la loi d’accès à l’information, et qui devait, dans les circonstances, s’assurer de l’exactitude des informations transmises se soit ainsi trompée de dossier. Il est impossible qu’une information contre-vérifiée à plusieurs reprises (par Le Québécois, mais aussi par le Journal de Sherbrooke, par Jean Charest, par le bureau du premier ministre, par le cabinet d’avocats McCarthy Tétrault qui devait préparer une mise en demeure) se soit avérée au bout du compte erronée. Vérifier une adresse est trop simple pour que tous ces gens aient simultanément, ou à peu près, commis une erreur. Alors, pour quelle raison est-ce que la Ville de North Hatley a jugé préférable que Le Québécois enquête sur la résidence principale de Sam Pollock, au lieu d’enquêter sur la résidence secondaire que ce dernier loue à Jean Charest? Et qui plus est, est-ce légal de transmettre le dossier d’une résidence lorsqu’une demande d’accès est faite au nom du locataire et non du propriétaire? Il faudra bien qu’un jour ou l’autre Castagnier réponde à ces questions…Mais il semblerait qu’on ne pourra pas se fier sur les journalistes du Québec pour le talonner, eux qui ont tous rentré profondément la queue entre les jambes depuis que le premier ministre s’est fâché et que Quebecor a obtempéré…
L’honnêteté de Jean Charest : sans failles?
Dans la mise en demeure que nous a fait parvenir McCarthy Tétrault, Charest se plaignait du fait que notre article remettait en question son honnêteté. S’il fallait en croire le texte de la mise en demeure, son honnêteté serait sans failles. Ah oui, vraiment?!?
Afin de remettre les choses en perspectives, mentionnons simplement le fait que la sœur de Jean Charest, Louise, a reçu, en 1993, pour son école de langue, une subvention de 2,8 millions $ du gouvernement conservateur de Brian Mulroney duquel Jean Charest était ministre de l’Environnement. M. Charest avait même donné quelque 23 000$ à sa sœur à même son discrétionnaire de ministre pour la même école, même si cela ne cadrait absolument pas avec le mandat de ce ministère. C’est ce qui s’appelle courir après les conflits d’intérêt!
Jean Charest a également dû démissionner en 1990 du poste de ministre d'État à la Jeunesse, à la Condition physique et au Sport amateur parce qu’il était illégalement intervenu dans un processus judiciaire en téléphonant au juge de la Cour supérieur du Québec, Yvan Macerola, afin de l’influencer dans une décision qu’il devait rendre et qui concernait Athlétisme Canada.
En 2002, on a en plus appris que l’organisation politique de Jean Charest à Sherbrooke, de même que bon nombre de membres du personnel politique de Jean Charest avaient trempé dans les commandites jusqu’au cou. On pense entre autres à Paul Gobeil (responsable du financement de Charest en 1998), de Michel Guitard qui est aux communications du bureau du premier ministre et qui était chez Everest alors que les commandites battaient leur plein, de Claude Lemieux qui oeuvra au bureau de Charest après avoir été à l’emploi de Gagliano dans le dossier des commandites, de Jean-Pierre Bélisle, ami d’enfance de Jean Charest et cofondateur de la firme Everest. C’est d’ailleurs par l’entremise de Bélisle que Claude Lacroix, vice-président au développement chez Everest, est devenu, avec sa conjointe Suzanne Poulin, un des piliers de l'équipe Charest à Sherbrooke.
Et que dire du frère de Jean Charest?
Robert Charest a obtenu des contrats de 187 000$ de la part de Société immobilière du Canada dont Gagliano assurait la gestion lorsqu’il était ministre. Avant que leur enquête ne soit étrangement interrompue, la firme de consultants Samson Bélair-Deloitte & Touche a conclu que même s'il a été rétribué pour deux ans de travail (1996 à 1998), Robert Charest n'a pas fourni les services correspondants comme consultant et courtier immobilier. Grâce à une missive envoyée par Gagliano, on a depuis appris ce qui suit : « Vers le 2 juin 1998, le ministre Gagliano et son chef de cabinet, Jean-Marc Bard, ont "fortement suggéré que le contrat de consultation et de marketing de Robert Charest (de la firme Gestpro) soit prolongé, étant donné que son frère (Jean Charest) allait maintenant sur la scène provinciale et que les libéraux fédéraux voulaient l'aider" » (La Presse, 13 février 2002). Si ce n’est pas un traitement de faveur, on se demande bien ce que c’est!
Non, à l’évidence, l’honnêteté de Charest n’est pas sans failles. Sa firme d’avocats a donc tout à fait tort de nous interdire de la remettre en question…
Le mystère du 200, rue LeBaron
Dès que nous avons reçu l’information selon laquelle Jean Charest résiderait au 200, rue LeBaron, nous avons logé des appels à North Hatley afin de connaître la valeur de la résidence ainsi que son propriétaire véritable. La réceptionniste, répondant aux consignes du directeur Castagnier qu’elle consultait constamment avant de répondre à chacune des questions que posait l’interlocuteur que nous avions mandaté, le plaçant ainsi en attente, finit par nous répondre que la résidence du 200, rue LeBaron vaudrait quelque chose comme 300 000$. Quant au propriétaire, la réceptionniste a refusé de nous dire autre chose que le mot « holding ». Elle a par la suite prétexté que son directeur devait lui parler pour ainsi nous raccrocher pratiquement la ligne au nez. Nous avons bien sûr enregistré cette conversation qui constitue une nouvelle preuve dans ce dossier.
Nous avons dès lors renvoyé un militant au 4040, chemin Magog pour questionner à nouveau Sam Pollock. Celui-ci, qui semble être bien souvent présent à North Hatley par les temps qui courent, abandonnant ainsi son somptueux condo de Toronto, a répondu que le 200, rue LeBaron appartient à Mimisam Holdings.
Mimisam Holdings (du nom de Sam Pollock et de son épouse Mary « mimi ») a été fondé en 1971 par John James Urie, Robert Simpson MacLellan et Helen Buske qui devaient en être les directeurs. Le Holding avait pour mandat de faire le commerce d’objets d’art et d’acheter des édifices et de les exploiter. En 1971, le holding pouvait émettre des actions pour un montant de 50 000$. Jamais les directeurs Urie, MacLellan ou Buske ne réapparurent dans le dossier complet de Mimisam Holdings que Le Québécois a acheté du ministère de l’Industrie du Canada. Serait-ce que les trois directeurs initiaux ne furent jamais en fonction? C’est fort probable si l’on considère le fait que Sam Pollock gérait, à l’époque, le holding de sa résidence de Montréal (6811, Monckland). Les affaires ne devaient pas être trop lucratives pour que le Mimisam Holdings n’ait nullement besoin d’un pied à terre et qu’il n’ait pas besoin d’engager de personnel. Pollock, en ces années, était directeur général du Canadien de Montréal. Cela ne devait lui laisser que peu de temps pour gérer son holding de chez lui! Et pourtant, Mimisam Holdings annonça, au courant des années 1970, que son pouvoir d’émission d’actions était haussé à 1,5 million$, une fortune à l’époque.
Aujourd’hui, le Mimisam Holdings est toujours géré à partir de la résidence de Sam Pollock, lui qui est octogénaire... Nous avons appris la chose lorsque la lettre par courrier recommandé (l’enveloppe contenait une demande, via la loi d’accès à l’information, pour l’obtention du bail du 200, rue LeBaron et pour l’obtention des états financiers du holding) que Le Québécois avait envoyée au Holding en question nous a été retournée. Postes Canada nous indiquait que Mimisam Holdings était inconnu à l’adresse 625, avenue Road, Suite 404, Toronto. Pourtant, c’était l’adresse qu’Industrie Canada indiquait comme étant celle dudit holding, information mise à jour par Sam Pollock lui-même le 21 août dernier.
Nos vérifications nous ont depuis appris que le 625, avenue Road, suite 404, est l’adresse du luxueux condo de Sam Pollock, à Toronto. Ce qui revient à dire que la compagnie Mimisam a toujours été gérée à partir de la résidence de Pollock. Considérant qu’une compagnie de gestion immobilière digne de ce nom exige bien des énergies afin de répondre à toutes les demandes des locataires, il y a fort à parier que Mimisam gère actuellement très peu d’édifices. Afin d’en avoir le cœur net, nous avons retourné notre demande pour le bail et les états financiers de Mimisam Holdings, mais cette fois, nous avons adressé la lettre au nom de Sam Pollock lui-même. Il lui sera ainsi beaucoup plus difficile de prétendre que nulle personne de ce nom n’occupe le 625, avenue Road…Nous ferons un suivi sur cette affaire dans le prochain numéro du Québécois.
Mais le 625, Avenue road, ce n’est pas seulement le « siège social » du Mimisam Holdings. C’est également l’adresse du « siège social » de la fondation privée que possède Sam Pollock et son épouse. Le nom de la fondation créée en 1986 et qui finance les organismes de santé spécialisés, les banques alimentaires et les arts : The Mary and Sam Pollock Foundation. Assez étrange qu’une fondation qui possédait, en 2006, des placements pour un montant supérieur à 1 million$ n’ait ni bureau, ni site Internet, ni numéro de téléphone.
Bon an mal an, The Mimi and Sam Pollock foundation fait des dons au même montant, ou peu s’en faut, que les dons que de discrets donateurs lui ont accordés en échange de crédits d’impôts. Par exemple, en 2005, la fondation a reçu 57 000$ et a accordé des dons pour un montant de 47 600$. Parmi les organisations qui ont reçu de l’argent de cette fondation au cours des dernières années, on retrouve la fondation de l’hôpital Mt Sinai de Toronto, la fondation Sunnybrook & women, la fondation de l’hôpital d’Ottawa, Canadian Bible Society, Holy Rosary Parish, Missionaris of the Pricious Blood, la fondation de l’hôpital Princess Margaret, Evangel Hall, Archdiosece of Toronto, St Barnabas Church, Paroisse Ste-Elisabeth, et, surtout, the Lake Massawipi Water Protection, et l’Association du festival du Lac Massawippi. Or, le chalet de Jean Charest que lui loue le Mimisam Holdings, propriété des Pollock, et la résidence secondaire de Sam Pollock, sont justement situés sur les rives du lac Massawippi. Si plusieurs des donataires semblent pratiquer des activités qui s’éloignent du mandat officiel de la fondation privée des Pollock (entre autres les organisations religieuses), dans le cas des organismes du lac Massawippi, on frise carrément le conflit d’intérêt.
D’ailleurs, il nous a été impossible de découvrir comment une organisation quelconque devait s’y prendre pour faire une demande de financement auprès de la fondation des Pollock. À l’instar du Mimisam Holdings, il semble que les gens doivent se rendre directement chez Sam Pollock lui-même. Nul ne niera que c’est une façon de faire très particulière…
D’autre part, dans la biographie qu’il a produite sur Jean Charest en 1998, André Pratte écrivait combien la résidence du chef du parti libéral du Québec de North Hatley était ornée de nombreux tableaux. Sachant que le Mimisam Holdings et The Mimi and Sam Pollock Foundation sont tous deux impliqués de près dans le monde des arts, pourrait-on dire que le chalet loué par Charest vient en plus décoré? Tel que stipulé dans le règlement de la fonction publique du Québec (voir l’encadré), un officiel de l’État n’a pas le droit d’accepter des cadeaux dont la valeur est importante…
Règlement sur l’éthique et la discipline dans la fonction publique
6. Le fonctionnaire ne peut accepter aucun cadeau, marque d’hospitalité ou autre avantage que ceux d’usage et d’une valeur modeste.
Tout autre cadeau, marque d’hospitalité ou avantage reçu doit être retourné au donateur ou à l’État.
Le 4040, chemin Magog : un château pour une bouchée de pain?
Avant qu’un commis de dépanneur nous indique que la Ville de North Hatley nous avait refilé le mauvais dossier de la résidence de Jean Charest, nous avions entamé des recherches sur le 4040, chemin Magog. À l’instar du 200 rue LeBaron, Le Québécois a découvert des éléments, en ce qui concerne le 4040, chemin Magog, qui sont de nature à susciter bien des questionnements.
Tout d’abord, la résidence du 4040, chemin Magog qui vaut 1,1 million$ est devenue officiellement la propriété de Sam Pollock en 1997. C’est en cette année que le château sis sur les bords du lac Massawippi a été payé 14 600$ par Pollock. Quelle aubaine cela fut pour le riche homme d’affaires! Si Pollock a pu payer la résidence si peu cher, c’est qu’elle appartenait jusque-là au ministère des Anciens combattants. Ce ministère a permis à Pollock qui est, semble-t-il, un ancien combattant, de se prévaloir d’un programme qui n’était à peu près plus fonctionnel en 1997 et qui visait à réinsérer dans la vie les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945) et de la Guerre de Corée (1950-1953). Ce programme, c’est le Veteran’s Land Act. Via ce programme, le ministère des Anciens combattants se portait acquéreur d’un terrain qu’elle plaçait à la disposition d’un ancien combattant en échange de versements mensuels plus qu’avantageux, de façon à en faire des pêcheurs ou des agriculteurs. Lorsque l’ancien combattant se sentait suffisamment sûr de lui, il pouvait racheter sa propriété du ministère. C’est ce qu’un fonctionnaire contacté par Le Québécois a expliqué.
Pour le compte de Sam Pollock, le ministère des Anciens combattants a acheté au prix de 42 000$, en 1974, la résidence du 4040, chemin Magog à John W. Bassett, fier descendant de la richissime famille Bassett. C’est d’ailleurs cette famille, originaire d’Ulster, qui a fait construire la résidence à la fin du XIXe siècle.
Tout ça pour dire que Sam Pollock a pu mettre la main sur un château pour une bouchée de pain. C’est très certainement légal. Mais est-ce pour autant moral?
Il faut savoir aussi que John W. Bassett a un lourd passé politique. C’est un conservateur affiché qui a travaillé pour le compte de Brian Mulroney en tant que président du comité de surveillance du Service canadien de renseignements de sécurité (SCRS). Il s’est aussi présenté à deux reprises pour les conservateurs. Sa seconde épouse, Isabel, s’est elle aussi présentée pour les conservateurs de Kim Campbell avec qui elle entretenait des liens d’amitié. Elle s’est aussi impliquée auprès des conservateurs de Mike Harris en Ontario. Elle fut ministre de ce gouvernement. Aujourd’hui, Mme Isabel Bassett (John W. Bassett est décédé en 1998) est mariée à Ernie Eves, successeur de Mike Harris à la tête des conservateurs d’Ontario. Elle est aussi présidente de TV Ontario.
On dit souvent que les politiciens fédéralistes travaillent main dans la main avec les médias au Canada. Le cas de John W. Bassett le démontre de fort belle façon. Fils d’un directeur de la Gazette (John Bassett sr), Basset jr acheta de son père le Sherbrooke Record qu’il revendit, dans les années 1970, à Conrad Black. Bassett jr fut aussi collaborateur du Globe and Mail. Il agit comme éditeur du Toronto Telegram, puis comme fondateur de la station de télévision CFTO de Toronto et du réseau CTV.
La capacité de payer de Jean Charest
Évidemment, pour que les questionnements entourant les résidences de Jean Charest soient véritablement pertinents, il est impératif de démontrer que ce dernier n’a pas les capacités de payer autant pour se loger. Pour ce faire, il importe tout d’abord de démontrer clairement quels sont les revenus de Jean Charest.
Aux dires du secrétariat de l’Assemblée nationale, le premier ministre du Québec gagne 164 951$ par année, somme qui est bien évidemment imposable (environ 50% lorsqu’il est question de tels revenus). Il reste donc environ 83 000$ après que l’impôt a été retranché du salaire du premier ministre. À ce salaire net, il faut toutefois ajouter le montant alloué au premier ministre sous forme de compte de dépenses et qui est de 14 234$ (non imposable). Jean Charest ne peut utiliser cette somme que dans le cadre de ses fonctions. Il en est de même pour l’allocation de l’exécutif qui est de 9 600$ (non imposable). Il reste donc au bout du compte quelque 106 834$ à Jean Charest par année, mais seulement 83 000$ qu’il peut accorder vraiment à sa vie familiale.
83 000$, c’est très peu considérant qu’il en coûte 36 195,12$ (jusqu’en 2009) par année en remboursements hypothécaires à Jean Charest pour sa résidence du 661, rue Victoria, à Westmount. Cela est indiqué clairement dans le contrat hypothécaire qui lie Charest à CIBC et dont Le Québécois a obtenu copie. À cela, il faut ajouter le montant des taxes municipales et scolaires. Pour une résidence avoisinant le million$ à Westmount, il en coûte environ 10 000$ par année. Quant à lui, le compte d’électricité du 661, rue Victoria est de quelque 2000$ par année, information obtenue auprès d’Hydro-Westmount. À cela, il faut ajouter une somme d’environ 3 500$ pour l’entretien d’une résidence évaluée à tout près d’un million$ (Statistiques Canada considère qu’il en coûte 2 870$ pour une résidence moyenne) et une somme avoisinant les 3 000$ pour la prime d’assurance de ladite résidence (il est ici très difficile d’être plus précis, car les compagnies d’assurance exigent bien des détails pour fixer le prix d’une police d’assurance, détails qui exigeraient bien souvent que nous pénétrions dans la maison). Bref, quelque 54 500$ pour la résidence du 661, rue Victoria. Sur le 83 000$, il ne reste donc plus que 28 500$.
Du côté de North Hatley, comme ce fut le cas tout au long de notre enquête, les choses sont plus compliquées. Étant donné que Charest est locataire et non propriétaire du 200, rue LeBaron, il nous est impossible de savoir ce qui lui en coûte en location par année, enfin, cela étant si nous nous limitons aux canaux habituels pour obtenir de telles informations (bureau d’enregistrement principalement). Il faut savoir que les baux de location ne sont pas publics. Pour contourner cet obstacle, nous avons déposé une demande, via la loi d’accès à l’information, afin d’obtenir une copie du bail qui lie Charest au Mimisam Holdings. Un refus de la part de Pollock sera ici interprété comme un manque de transparence éminemment inquiétant. Mais pour l’heure, ce qu’on peut dire, c’est que tous les agents immobiliers de la région de l’Estrie ont confirmé au Québécois qu’il est à peu près impossible de se trouver une résidence à louer aux abords du lac Massawippi pour une somme inférieure à 2 500$ ou 3000$ par mois. On parle donc d’une somme avoisinant les 30 000$ par année.
Même s’il n’est que locataire du chalet, Jean Charest doit tout de même entretenir à ses frais ladite résidence. Dans le cas contraire, il faudrait considérer l’appui du propriétaire comme un traitement de faveur, et donc un cadeau qu’un officiel de l’État ne peut accepter. Retenons, dans ce cas-ci, le montant moyen tel qu’indiqué par Statistiques Canada, soit 2 870$. Il est donc question, dans le cas du 200, rue LeBaron, d’un montant avoisinant les 33 000$.
Si l’on ne faisait que considérer les coûts associés aux résidences de luxe du premier ministre, il nous serait déjà possible de trancher et d’affirmer que les revenus de Jean Charest ne lui permettent pas de telles dépenses. De fait, il est déjà en situation déficitaire (- 4500$ par année). Et l’on n’a pas encore calculé tout ce qu’il en coûte pour une famille pour joindre les deux bouts (tous les chiffes mentionnés ici proviennent de Statistiques Canada) :
- Pour le transport, il faut calculer environ 8 000$ pour une famille moyenne et 15 581$ pour une famille aux revenus supérieurs (est-ce que les enfants des Charest ont des voitures? Si oui, ce montant devrait être considérablement augmenté).
-Pour les assurances individuelles et les cotisations de retraite, il faut considérer 3 505$ pour une famille moyenne, et 7 787$ pour une famille aux revenus supérieurs.
-Pour la nourriture, il en coûte environ 6 791$ par année pour une famille moyenne et 10 482$ pour une famille du quintile supérieur.
-Pour l’habillement, une famille moyenne dépense environ 4 000$ par année. Les familles les mieux nanties dépensent quant à elles environ 8 000$ par année.
-Pour les soins de santé et les soins personnels, une famille moyenne dépense environ 2 422$ par année, alors que les famille les mieux nanties dépensent plutôt quelque 5 000$.
-Pour l’ameublement et les équipements ménagers, une famille moyenne investit environ 1 751$, alors que les familles les plus riches dépensent plutôt 3 693$.
-Pour le matériel de lecture et les communications, une famille moyenne dépense environ 1 500$, alors qu’une famille aux revenus supérieurs dépensent environ 2 300$. Il en coûte très certainement encore plus pour Charest étant donné qu’il a deux résidences à entretenir (deux lignes de téléphone, deux abonnements Internet, etc.).
-Pour les vacances et les loisirs, il en coûte environ 3 591$ à une famille moyenne, alors qu’il en coûte 7 406 $ pour les familles les mieux nanties. Or, il en coûte très certainement encore davantage à la famille Charest qui se rend régulièrement en Europe, et qui fait du ski à toutes les vacances de Noël.
-Il faut aussi compter environ 1 600$ pour les dépenses diverses d’une famille moyenne et 3 200$ pour une famille du quintile supérieur.
Bref, il faut ajouter une somme d’environ 64 000$ aux dépenses annuelles de Jean Charest. Ce qui fait qu’il se retrouve en déficit de quelque 68 500$ par année. Et cela étant sans considérer les dépenses que doit effectuer Jean Charest pour les études de ses enfants. Ceux-ci ont fréquenté des collèges privés. Et son aînée étudie présentement en Angleterre, ce qui est assez onéreux. D’une façon ou d’une autre, il est clair que les revenus du premier ministre ne peuvent suffire au financement d’un tel train de vie.
L’on ne peut pas se tourner vers la pension du fédéral que pourrait recevoir Jean Charest pour trouver la réponse à nos interrogations et justifier son rythme de vie. En effet, même si Charest a été élu au fédéral de 1984 à 1997 (il a quitté en 1998), il a renoncé à sa pension fédérale de quelque 30 000$ par année lorsqu’il est devenu chef du Parti libéral du Québec (Le Soleil, 6 mai 2003). Et ce n’est pas non plus les revenus de sa femme Michèle Dionne qui pourraient combler le déficit, et ce, parce que celle-ci est sans emploi.
Qui paie pour les nombreux voyages de Michou?
Au fil des dernières années, le couple Charest-Dionne s’est rendu régulièrement en Italie, très souvent avec les enfants. De tels voyages coûtent quelque chose comme 10 000$ ou 15 000$. Aussi, à titre de militante pour la Croix-Rouge, Mme Dionne s’est rendue, au cours des 7 dernières années, dans les pays suivants : l’Inde, les favellas de Rio, des dispensaires au Tchad, au Cameroun, au Sénégal et ailleurs en Afrique, sans compter plusieurs pays d'Amérique centrale. Ça fait beaucoup de voyages, c’est le moins que l’on puisse dire. La question qui tue maintenant: qui paie pour tous ces voyages?
Une fortune familiale?
Certains ont tenté de justifier les dépenses faramineuses du couple Charest-Dionne en soutenant qu’il devait bénéficier d’une richesse familiale. Si tel est le cas, ce n’est très certainement pas du côté des Charest qu’il faut lorgner. Claude « Red » Charest, le père de Jean Charest habite toujours aujourd’hui sur la rue Portland, à Sherbrooke. La résidence familiale est modeste. Elle n’a pas été rénovée depuis la mort de Rita Leonard, la mère de Jean Charest, à la fin des années 1970.
On ne pourrait pas démontrer davantage que Red Charest est fortuné en s’appuyant sur l’île qu’il a achetée dans les années 1960 dans le coin du lac Memphrémagog. Sur l'île, il y avait un camp sans électricité, sans eau courante. Ce n’est très certainement pas ce qu'on peut appeler un domaine. De toute façon, Red Charest a passé sa vie à se battre pour joindre les deux bouts. Il avait une auberge. C’était un simple commerçant.
Du côté des Dionne, l’on retrouve des revenus qui sont très certainement supérieurs à ceux des Charest. Le père de Michèle Dionne était chirurgien. Mais si la vie de la jeune Michèle Dionne fut plus douce que celle de Jean Charest, il n’en demeure pas moins que le couple était quand même sans le sou et sans soutien familial au début des années 1980 alors qu’il projetait de se marier. Pour trouver l’argent pour s'établir, Charest a même dû travailler comme un forcené comme marin sur un bateau de la Canada Steamship Lines, compagnie qui appartenait à Paul Martin. Le couple était alors aux études. Les deux tourtereaux bénéficiaient du système de prêts et bourses. Normalement, les enfants d’une famille riche n’ont pas droit à une telle aide financière.
Dans les années 1980, Jean Charest raconte dans son livre qu’il préparait son barreau tout en travaillant à la Société des alcools. Cela n'était point suffisant pour payer les factures du couple. Et le couple devait, par conséquent, aller manger chez les beaux parents à chaque semaine. Charest ramassait même les victuailles qui n'avaient pas été consommées et qui se trouvaient toujours dans les armoires du chalet de son père lorsque l'hiver se pointait. Voilà ce que Charest écrivait, en 1998, dans son livre J'ai choisi le Québec: « La vérité, c'était que nous commencions à manquer d'argent. Ce n'était pas la grande misère, loin de là, d'ailleurs on en rit aujourd'hui, mais c'était vraiment serré » (p.37)
D'ailleurs, si Michèle Dionne fait profiter aujourd'hui la famille Charest d'un pactole familial, pour quelle raison elle ne pouvait le faire alors que le couple s'établissait au début des années 1980? À cette époque, Michèle Dionne devait travailler comme tout le monde (ce qu’elle ne fait plus aujourd’hui). Elle enseignait en tant qu'orthopédagogue alors que Charest était avocat à l'aide juridique (rien pour se mettre riche!)...Et ce n’est très certainement pas parce qu’elle aurait hérité que ses revenus ont changé depuis, et ce, parce que ses parents étaient toujours bien vivants au moment où le rythme de vie de la famille Charest a fait un bond spectaculaire. Ce bond se produisit quand Charest est devenu un acteur politique important pour les forces fédéralistes…1+1 =2 entend-on souvent dire!
Et un bon coup sur le marché immobilier pourrait-il tout expliquer?
D’autres analystes ont tenté d’expliquer l’enrichissement spectaculaire de Jean Charest par des transactions immobilières qu’il aurait effectuées et qui lui auraient été profitables.
Plus précisément, on a dit que Charest serait parvenu, en 1998, après avoir pris sa décision de venir faire de la politique au Québec, à vendre sa luxueuse maison du Glebe à Ottawa beaucoup plus cher qu’il ne l’avait payée. Il faut savoir que jamais Charest n’occupa cette résidence qu’il acquit au mois d’avril 1998, quelques mois donc avant de faire le saut sur la scène provinciale. Il dit avoir été contraint d’abandonner sa modeste maison de Hull qu’il possédait depuis 1986 parce qu’elle était devenue trop petite pour sa famille. Or, sa famille était déjà bien fondée en 1998. La plus vieille de ses filles avait 15 ans, son fils 12 ans et sa plus jeune fille 8 ans. Normalement, c’est à l’arrivée du troisième enfant qu’il aurait dû se sentir à l’étroit dans sa demeure modeste et qu’il aurait ainsi dû prendre pareille décision et non quelques années après s’être investi énergiquement pour la campagne fédéraliste lors du référendum de 1995.
Mais revenons à sa maison du quartier Glebe, à Ottawa (79 Powell Ave.Pile). Cette résidence, Charest l’acheta 432 000$ à un avocat d’Ottawa, James Shields. Le Globe and Mail se questionnait quant à savoir comment le chef du Parti Progressiste conservateur pouvait se payer pareille résidence qui lui coûtait au bas mot 40 000$ par année (hypothèque et taxes). L’hypothèque sur cette résidence était de 398 520$, ce qui signifie que Charest n’a pas pu investir un gros montant d’argent comme mise de fonds, qu’il aurait pu obtenir de la vente de son autre résidence, lors de l’achat de sa nouvelle demeure. En fait, on parle d’une mise de fonds avoisinant les 33 480$, ce qui correspond bien à l’argent que Charest a pu obtenir en vendant une résidence modeste dont l’hypothèque devait être complètement remboursé.
Là où le bât blesse pour Jean Charest, c’est lorsque l’on constate le montant qu’il a obtenu pour la vente de sa maison luxueuse d’Ottawa. Contrairement à ce que certains disent, il n’a pas fait de profit lors de la transaction, loin s’en faut. En fait, il n’a pu trouver d’acheteur pour cette résidence qu’il a mise en vente à 439 000$. Seuls Donald et Mary Wilson ont accepté d’acquérir la résidence du chef-transfuge, mais pour un montant de 422 000$. C’est donc dire que Charest a englouti 10 000$ dans cette opération, et ce, sans compter les frais de notaire.
Malgré cette infortune financière, Jean Charest a pu investir 139 000$, sous forme de mise de fonds, lorsqu’il a acheté au montant de 539 000$ sa résidence tout aussi luxueuse de Westmount. Il a contracté une hypothèque de 400 000$ avec la CIBC. D’où provenait ce 139 000$? À Ottawa, les histoires à l’effet que le Parti libéral du Québec avait contribué fortement à régler le cas de la résidence de Charest à Ottawa ont abondamment circulé (Globe and Mail, 18 avril 1998). Elles ont bien évidemment été démenties par le principal concerné qui n’a toutefois pas jugé bon donner plus de détails.
Comme si ce dossier n’était pas suffisamment intriguant, il s’avère que Jean Charest a remboursé complètement son hypothèque de 400 000$ en 2004. Il en a toutefois repris une au montant de 600 000$, pour la même résidence. Il s’est donc dégagé une marge de manœuvre de 200 000$. Qu’a-t-il fait avec cet argent? Bien malin qui saurait le dire. Mais il n’en demeure pas moins que cette somme n’a pas été suffisante pour éponger les déficits récurrents de la famille Charest. De fait, après 3 ans, le 200 000$ serait déjà de l’histoire ancienne. Reste l’hypothèse d’un investissement quelconque. Or, en tant que premier ministre du Québec, il est impératif que Jean Charest fasse ici preuve de transparence. Les conflits d’intérêt étant monnaie courante sur de tels terrains. Et une chose demeure, et c’est que la déclaration d’intérêts qu’a signée Jean Charest comme tous les autres membres de l’exécutif en 2005 et que Le Québécois a obtenue ne fait nullement état de placements importants qui concerneraient des activités ayant des liens quelconque avec l’État du Québec. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas eu investissement de la part de Charest dans une activité n’ayant aucun lien avec l’État. À ce chapitre, seul le premier ministre peut répondre.
Conclusion
Tout ce dossier démontre que la politique est une activité qui permet aux politiciens fédéralistes de s’enrichir considérablement grâce à la politique et ses activités connexes; ce qui n’est décidément pas le cas des politiciens souverainistes. Que l’on pense à Brian Mulroney, à Jean Chrétien ou à Jean Charest, il est clair que ces politiciens ont entamé leur carrière politique sans le sou ou peu s’en faut. À la fin de leur carrière, Mulroney-le-fils-d’un-électricien-de-la-Côte-Nord et Chrétien, notamment, étaient riches comme Crésus et il semblerait que tel sera aussi le cas de Charest. Ce qui impose certains questionnements quant aux procédés utilisés par ces derniers pour devenir ainsi riches.
Or, en ce qui concerne Mulroney et Chrétien, des scandales les ont depuis éclaboussés, donnant ainsi des pistes très probables de leur enrichissement. Pour Mulroney, ce fut l’affaire des Airbus et pour Chrétien, les commandites. Depuis la fin de leur carrière politique, les deux hommes siègent sur une pléthore de conseils d’administration, ce qui doit très certainement être très profitable pour le portefeuille. Mulroney est entretenu ainsi par Quebecor, alors que Chrétien est plutôt à la solde des Desmarais. Reste à savoir maintenant quel sera le scandale qui laissera présager d’où provient la richesse de Jean Charest. Sera-ce le dossier du pont d’or de 1998? Ou autre chose? Cela, seul l’avenir nous le dira.
Mais une chose demeure, et c’est que les revenus actuels de Jean Charest ne lui permettent absolument pas de payer toutes ses factures. Est-ce que le chalet de North Hatley lui est généreusement loué à prix d’ami? Ou pire, prêté carrément? Ce qui, en vertu de la loi sur la fonction publique du Québec serait illégal? Nous le découvrirons peut-être si Sam Pollock, président du Mimisam Holdings, accepte de nous remettre le bail qui lie Charest à cette dernière compagnie.
Mais l’obtention du bail pourrait aussi nous permettre de découvrir que Charest paie le plein prix pour la location de ce chalet, ce qui relancera notre enquête afin de découvrir d’où peut provenir l’argent qui lui permet de se payer de tels luxes. Il sera alors plus légitime que jamais de relancer l’affaire du pont d’or qu’auraient accordé à Jean Charest les forces fédéralistes en 1998 afin que ce capitaine Canada en puissance vienne au Québec briser les reins du mouvement souverainiste.
À l’évidence, c’est un dossier à suivre…
Sam Pollock et Jean Charest : des liens inquiétants
Une compagnie dont Sam Pollock est actionnaire
profite de contrats que le réseau de la Santé du Québec lui a accordés
Depuis le début de la présente campagne électorale, les journalistes se sont fait un devoir de fouiller dans le passé de certains candidats afin d’y découvrir matière à scandale. Avec un certain succès, il est vrai.
Comme tout le monde le sait maintenant, l’équipe constituée en bonne partie d’amateurs de Mario Dumont a été durement soumise à pareille médecine, tout comme le candidat du Parti Québécois dans St-Henri-Ste-Anne, Robin Philpot. En ce qui a trait à ce dernier, La Presse y est allée de plusieurs textes sur le sujet afin de déstabiliser André Boisclair, utilisant fort régulièrement les titres mensongers ou les interprétations faussées. Pourtant, jamais Robin Philpot n’a nié qu’il y ait eu génocide au Rwanda en 1994.
Si l’ADQ et le PQ furent ainsi malmenés, on ne peut pas en dire autant du Parti libéral du Québec. Serait-ce que les candidats de cette formation sont tous blancs comme neige? Peut-être, même si la chose nous étonnerait fort. Ce qui nous apparaît plus probable, c’est que les journalistes ne mettent pas autant d’énergie sur le passé des libéraux que sur ceux des autres formations politiques. Et pourtant, nous sommes assurés qu’ils parviendraient, s’ils concentraient sérieusement leur attention sur ceux-ci, à « renverser quelques monuments pour y voir les vers qui grouillent ».
L’automne dernier, Le Québécois révélait que Jean Charest louait un chalet à Sam Pollock, à North Hatley, et ce, depuis des années maintenant. Hier comme aujourd’hui, Jean Charest fait tout pour dissimuler les conditions de location qui le lient à Mimisam Holdings, la société de gestion immobilière que l’octogénaire Sam Pollock administre de chez lui (en tout, M. Pollock gère trois compagnies de chez lui…). Parce que l’on a osé poser des questions, Jean Charest a mis ses avocats du bureau McCarthy Tétreault à nos trousses. Dernièrement, c’était au tour de Sam Pollock de répondre au Québécois via ses avocats. Le message que ce dernier nous a ainsi transmis est clair et sans équivoque : jamais il ne fournira les renseignements qu’exige Le Québécois pour faire la lumière dans ce dossier. Et le pire, c’est que le système actuel lui permet tout à fait d’agir ainsi. Au Québec, il est impossible d’obtenir les détails qui lient un locateur et un locataire, tout comme il est impossible d’obtenir les états financiers d’une compagnie (ici, il est question de Mimisam Holdings) si celle-ci ne vend pas d’actions. Bref, les fraudeurs potentiels bénéficient de situations qui sont tout à leur avantage. Et cela révolte Le Québécois et les citoyens en général!
Croyant jusqu’à tout dernièrement que Jean Charest -même s’il est un ardent adversaire du mouvement indépendantiste- devait quand même être un démocrate, nous lui avons écrit pour lui demander de faire la lumière sur la situation en fournissant de son propre chef les informations exigées par Le Québécois. En tant que premier ministre des Québécois (et de tous les Québécois, les indépendantistes comme les autres), celui-ci devait, selon nous, répondre enfin aux questions et préciser quelles sont les conditions de location qui le lie à Mimisam Holdings. Faisant preuve d’un irrespect flagrant et d’un manque de transparence révoltant, M. Charest n’a pas même daigné nous faire parvenir un accusé réception. Cela en dit long sur sa conception de la démocratie.
Parce que Le Québécois ne peut se satisfaire de pareille fermeture, nous avons décidé de modifier notre angle d’attaque et d’enquêter plutôt sur Sam Pollock, l’ami et le propriétaire de Jean Charest. Et ce que nous avons découvert soulève encore davantage d’inquiétudes.
Dans la dernière édition du Québécois, nous rapportions que la compagnie Médisolution compagnie qui vend des technologies d’information au réseau de la Santé du Québec, avait été acquise par Brascan (via sa filiale Trilon Bancorp) au courant des années 2001, 2002 et 2003. En 2003, le processus était complété et Brascan annonçait qu’elle était désormais l’actionnaire principal (à 61%) de Médisolution.
En 2001-2002, Médisolution se dirigeait pourtant tout droit vers la banqueroute. Son bureau de direction avait en effet annoncé, en 2002, des pertes de l’ordre de 50 millions$ pour l’année en cours. Médisolution ne représentait donc pas une occasion d’affaires très intéressante, c’est le moins que l’on puisse dire. En 2003, la situation s’est toutefois corrigée pour Médisolution. À la fin de l’exercice financier, les pertes de la compagnie n’étaient plus que de 6 millions$. Et cela n’était rien en comparaison de la situation de 2004 de la compagnie, année au cours de laquelle Médisolution avait enfin pleinement retrouvé la prospérité. Les profits de la compagnie s’élevaient, pour le premier trimestre de 2004, à 361 000$. Et, finalement, l’été dernier, la compagnie annonçait des bénéfices annuels de 716 000$.
Ce qui explique ce redressement spectaculaire, c’est la série de contrats obtenus par Médisolution avec des organismes et des institutions qui relèvent de l’État québécois et du ministère de la Santé du Québec. Parmi les clients qui ont accordé des contrats à Médisolution depuis la victoire électorale de Jean Charest en 2003, on compte la Bibliothèque nationale du Québec (2003), le Centre hospitalier de Trois-Rivières (2003), la Commission de la Santé et de la Sécurité au travail via la filiale Conseillers Info-Oriente (2004), la Régie des rentes du Québec (2004), six centres de santé de Québec qui ont acheté la solution MédiLab (2004), la Commission Transplant-Québec (2005), dix établissements de soins de santé de l’Est du Québec qui ont acheté la solution MédiFinance (2005), le centre de santé Argenteuil (2005), et la Régie de l’assurance-maladie du Québec (2005). À l’évidence, le président de Médisolution, Allan Lin, avait bien raison de se réjouir de l’élection de Jean Charest en 2003 et de la promesse qu’il avait alors faite et qui était de faire de la santé sa priorité. (Les Affaires, 20 mai 2003)